Le 13 décembre 1793, sur la place des Terreaux, devant l’Hôtel de Ville de Lyon, le spectacle est terrifiant. La guillotine est dressée et les citoyens curieux se rassemblent sidérés par l’horreur.
Des dizaines d’hommes enchaînés attendent leur tour. Parmi eux, Pierre Antoine Barou, 51 ans.
Les jours précédents, il pensait encore sauver sa vie. En prison, il écrivait à Jeanne Marie pour l’encourager à garder confiance.
Il a appris la mort de ses collègues ; dix magistrats de la Cour des Monnaies ont été exécutés sur cette place, ou fusillés dans la plaine des Brotteaux.
Son heure est venue. Il a conscience d’être innocent, mais impuissant face à la folie des révolutionnaires. Ses camarades montent les uns après les autres sur l’échafaud.
Il se dit qu’il n’aurait pas dû revenir à Lyon, ce printemps. Il voulait ne plus habiter dans cette ville qui devenait trop dangereuse pour des personnes comme lui.
Il se revoit au mois de mars, lorsqu’il était allé retrouver ses cousins à Annonay, les Barou de Canson. Ils l’avaient aidé à trouver une maison qu’il était sur le point d’acheter. Il se souvient des mots pour annoncer ce projet à Jeanne Marie. Elle se montrait réticente à quitter Lyon. Il avait l’intuition du danger à y rester.
| Lettre à sa femme, le 2 mars 1793. |
Il est ensuite revenu régler quelques affaires et il a été pris dans le tourbillon des événements, après les combats du mois de mai et le siège de la ville.
Aujourd’hui, il voit les têtes tomber dans la flaque de sang des précédents. Cette épreuve se déroule comme dans un vertige. Il essaye de ne pas faiblir, de se redresser, de respirer, de maîtriser le tremblement qui le gagne. Il se rend compte que les autres tentent de garder la face eux aussi. Courage, courage, murmurent-ils.
Comment est-ce possible ? La vie ne va pas s’arrêter là ? Pierre Antoine n’invoque pas le ciel, il ne croit pas à la vie éternelle. Sa mère l’a fait baptiser, son père l’a élevé dans la religion protestante. Mais il n’apparaît pas pratiquant. Il n’a pas l’habitude de prier. Ou alors peut-être un peu maintenant.
Il pense à Jeanne Marie, il l’aime, il l’a aimée… pas assez. S’il pouvait obtenir une plume, de l’encre et du papier, pour partager tout ce qu’il aurait encore à lui dire. Il voudrait être avec elle. Mais grâce au ciel … voilà qu’il invoque le ciel ... mais heureusement elle n’est pas ici… non ce n’est pas heureux, il ne la reverra plus… Enfin, par chance, elle n’est pas là. Il est préférable qu’elle demeure loin de Lyon.
Les camarades avancent les uns après les autres sur l’échafaud, ils placent leur tête sous le couperet. Les bourreaux sont épuisés, il faut continuer à trancher le plus efficacement possible. Un coup sec, pas deux (ni quatre comme pour Chalier). La foule est horrifiée.
Que va devenir Jeanne Marie ?
Ses biens seront confisqués. Les scellés seront posés sur sa maison. Son mari lui disait il y a peu : « Je crois à présent que le sacrifice de ma fortune sera ma seule peine. Que ma résignation et ma sécurité te rendent tranquille. »
Madame Barou participe à la souscription pour l’élévation du monument des Brotteaux (source AD 44 J 220).
Élevé en 1819, il contenait les ossements des victimes de la Révolution. Ceux-ci sont actuellement conservés dans la crypte de la chapelle Sainte-Croix (6e).
Parmi ceux-ci, j'ai cherché Pierre Antoine et d'autres parents victimes de la Révolution.
Rendez-vous dans la crypte : l'ossuaire.
https://www.briqueloup.fr/2017/06/oossuaire.html




Brrr, quelle horreur !
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