2018-04-21

A Marseille, un rendez-vous au cimetière Saint-Pierre


Depuis la fenêtre, on peut voir un vaste espace vert qui s’étend dans le 5e arrondissement de Marseille. Je suppose que nos ancêtres reposent dans le cimetière Saint-Pierre, ouvert en 1863, dis-je à mon fils, attentif à cette information, alors que je lui montre notre arbre marseillais. Cependant, il ajoute qu’il n’est pas disponible pour m’accompagner.
Pas de souci, je demanderai à Marius, tu sais que je suis capable de me projeter dans son époque. Allez ... je remonte le temps pour revoir mon aïeul, cent deux ans auparavant.
J’envoie un message #RDVAncestral à mon grand-père car j’aimerais qu’il me dise où se trouvent les tombes familiales.

Mais en 1916, Marius est occupé loin de Marseille, puisqu’il se trouve dans les Dardanelles sur le front d’Orient.
« Essaye de rencontrer mon frère Joseph, ma petite fille » me conseille-t-il.
« Ok je connais son adresse, rue Terrusse, ce n’est pas trop loin d’ici.»

Cimetière St-Pierre, Marseille

Me voici donc à l’entrée du cimetière à attendre l’oncle Joseph avec qui j’ai rendez-vous.
Viendra-t-il ? Dans la famille, on ne parle guère de lui, il a eu une vie mouvementée dont j’ai découvert les actes aux Archives de Marseille. Il s’est séparé de Clémentine, sa première épouse, et il va se marier avec la seconde avant la fin de l’année 1916
Déçue de l’absence de Joseph, j’envoie un message à Marius :
« Bon il semble que ton frère ne se présente pas ici. Je vais demander l’aide des personnes à l’accueil. »
Dans le bureau, l’employée se montre patiente sachant que je viens de loin, elle prend le temps m’aider. Elle m’explique qu’il faut connaître l’identité du premier fondateur, celui qui a demandé la tombe.
Bruno Bancala est mort lorsque Marius avait douze ans, son nom est inconnu ici. Où peut-il être inhumé ?

Marius est difficilement joignable, il me dit que les soldats partent en manœuvre et qu’il n’a plus le temps de me répondre. Il me suggère de chercher du côté de son grand-père Toussaint Nicolas.

Effectivement, dans ce cimetière se trouve une concession pour la famille Nicolas, sans précision du prénom. La tombe 63 se trouve carré 16 - 10ème rang, intérieur Est. C’est comme un jeu de piste, je vais y aller, mais je ne suis pas sûre qu’il s’agisse de mes ancêtres, Nicolas est un patronyme très commun. J’espère une plaque dont la gravure ne serait pas trop effacée pour lire les dates et les prénoms.

Les allées du cimetière sont désertes à cette heure matinale, un chat se promène, il est chez lui.



Je trouve moi aussi la promenade agréable, je suis plongée dans mes pensées et j’aimerais avoir plus de données vérifiées.

Il y a quelque chose que je viens d’apprendre via les datas des cimetières de Marseille, je ne suis pas très contente de vous le dire,  j’hésite mais je vous dois la vérité dans ce billet.

Toussaint Nicolas, le grand-père de mon grand-père est mort le 15 avril 1864 chez lui, son appartement au n°13 rue Desaix n’est pas très loin des docks. Il était cordier à une époque où les bateaux nécessitaient une confiance absolue dans leurs cordages, son métier jouissait d’une reconnaissance.  Il avait soixante ans.

Ah voilà un appel de Marius qui me demande où j’en suis.

Et bien Marius, ton grand-père … il a été inhumé, tu sais où ?... Dans la fosse commune à St-Charles. Oui ! Sur l’emplacement de l’actuelle gare St-Charles se trouvait alors un cimetière, créé en 1820 et définitivement fermé en 1876. Les sépultures ont ensuite été transférées au cimetière St-Pierre. Sais-tu si à cette époque la famille a investi une concession dans le nouveau cimetière ?

La tombe 63 se trouve carré 16 - 10ème rang, intérieur Est

Voilà j’approche de la tombe Nicolas. Un arbre recouvre absolument tout l’espace, la plaque est brisée, illisible, la végétation a tout envahi. 

Que pouvais-je espérer d’autre que cette énigme ?
Mes arrière-grands-parents se trouvent-ils là ?

Je sais que je n’aurai peut-être plus l’occasion de me promener dans cette magnifique nécropole, alors je m’étourdis de sensations méditerranéennes, la chaleur du soleil printanier, l’odeur des pins, la solennité du lieu, la tristesse de ces vies éteintes, la déception et aussi le bonheur d’être étrangère mais vivante dans ce lieu tellement marseillais.
Je regrette de n'avoir plus le temps de m'attarder dans ce lieu . 
Je dois rentrer pour prendre le train à St-Charles, vite, mon fils m’attend.