Une femme épistolière qui m’accompagne dans mes découvertes
Zélia est notre grand-tante par
alliance, à la génération 6.
En ce mois de mars, j’aimerais
rendre hommage à cette femme qui m’est devenue proche au fil des soirées que
j’ai passées à lire, numériser, classer et annoter sa correspondance.
Zélia Morin avait 18 ans lorsqu’elle
a épousé, le 22 avril 1845, à Livron-sur–Drôme, Augustin Pérouse qui avait le
double de son âge. Je n’ai pas trouvé d’indice sur leur rencontre, mais je peux
vous confier ce qu’elle écrit lors du décès d’Augustin, après 26 ans de vie
commune : « rien ne pourra jamais combler le vide immense que cet ami bien aimé
fait dans mon existence. » Lettre de Zélia à Virginie, 1871.
Augustin |
Zélia, jeune mariée, s’est
habituée à la vie lyonnaise. Elle a apprécié sa belle-famille à laquelle elle
est restée attachée, ce qu'elle ne manquait jamais de rappeler dans sa correspondance.
Augustin et Zélia ont eu deux
fils : Denis né en 1846 et Gabriel né en 1848.
Augustin, médecin à Lyon, a été
l’élève de Claude Bernard, il exerçait notamment à l’Hôtel-Dieu.
En 1865, Denis, l’aîné de leurs
fils, a commencé des études supérieures. La famille s’est alors installée à
Paris avec les garçons.
« Les succès ou les déceptions de nos fils sont pour nous les
grands événements de notre vie qui tant que nous serons à Paris sera
entièrement consacrée à nos enfants. » lettre du 21 janvier 1866 de
Zélia à Virginie.
Zélia regrettait de vivre si loin
de Lyon.
« notre esprit et notre cœur sont si bien à Lyon, qu’ici nous n’avons la
tête à rien… »…18 octobre 1869 de Zélia à Virginie.
Augustin essaya de trouver un
emploi, ce n’était pas urgent puisqu’il passait la saison d’été à travailler à
Allevard. Il a publié une étude sur les eaux thermales de Challes-les -Eaux.
La guerre de 1870 bouscula la
paix de cette famille.
Gabriel devait être incorporé
pour le service militaire, sa mère se désolait « de si cruelles inquiétudes » Denis, étudiant à l’école
des Mines, était occupé par l’organisation de la défense de Paris. En août 1870,
alors que la Prusse menaçait, les parents auraient pu ne pas rentrer à Paris,
mais comment laisser leurs fils dans cette guerre qui se précisait ?
L’hiver fut terrible et les
privations durant le siège de Paris ont affaibli Augustin qui souffrait de
bronchite. Ils eurent à peine le temps de se réjouir de la paix revenue en
février 1871. Augustin ne se rétablit pas et mourut en avril.
Zélia avait 43 ans, ses fils 23
et 25 ans.
Devenue veuve, elle regretta
encore plus vivement de ne plus habiter près de sa famille à Lyon. Par
l’échange régulier de longues lettres, elle se rapprocha de sa belle-sœur,
Virginie. Cette correspondance continua avec ses neveux et ses nièces, filles
de Virginie.
La Tante Zélia invitait chacun de ses cousins à
venir chez elle à Paris. Elle s’est particulièrement occupée des études de ses
neveux.
Au XIXe siècle, l’existence d’une
veuve devait être terne, elle se plaignait de l’éloignement de ses amis, de
solitude et de la charge de sa maison. Heureusement pour elle, Gabriel resté
célibataire a toujours vécu avec sa mère. Ensemble ils ont voyagé autant qu’ils
pouvaient et la correspondance envoyée lors de ces voyages mériterait une étude
particulière que j’ai le projet de faire.
Dans ses nombreuses lettres, Zélia
décrivait sa vie quotidienne :
« Je suis bien
occupée dans ma maison ces jours-ci ; je renouvelle toutes mes provisions
de confiture, je fais réparer toutes les petites choses détraquées dans
l’appartement, je veux encore faire ramoner mes cheminées, et faire mettre le
gaz à ma salle à manger et il me faut compter sur Gabriel pour rien. »
1 juillet 1893. Lettre suivante 7 juillet, : « J’ai sur le feu des confitures d’abricot que je veux un peu surveiller »
lettres de Zélia à Marie
Zélia confiait ses soucis et ses
joies, ayant l'inquiétude, banale à cette époque, de la santé de chacun, elle donnait des nouvelles de sa
famille, enfants et petits-enfants,. Avec la distance des années, ses confidences nous apparaissent irrésistibles et suscitent étonnement ou sourires complices ;
j’ai appris beaucoup de secrets plus ou moins légers permettant de comprendre
notre famille.
Cette épistolière sympathique racontait
les événements d’une manière qui m’a touchée personnellement. C’est avec elle
que j’ai eu l’occasion découvrir l’Exposition Universelle, en compagnie de son invitée
Joséphine, notre aïeule dont j’ai aussi quelques lettres de cette visite en
1900. J’ai accompagné notre « Tante de Paris » dans ses courses en
ville, dans ses visites aux amies, dans les spectacles qu’elle appréciait. J’ai
assisté avec elle aux mariages, et même à leurs arrangements avant que les
futurs époux en soient avertis, j’ai été émue par les naissances de ses petits
enfants. J’ai pleuré lorsqu’elle s’attristait de ses amies malades et encore
plus lorsqu’elle annonçait les décès.
Par ses fils, Zélia se tenait au
courant de l’actualité politique qu’elle commentait. Vérifier ces informations
m’a instruit sur l’histoire de ces années que l’on désigne comme la Belle Époque.
« Voila notre
vieille Europe dans une situation bien critique avec cette guerre du Japon et
de la Russie… » lettre du 11 février 1904 de Zélia à Marie
Son style agréable à lire est
soigné, comme le préconisait l’art de vivre de ce temps où les femmes s’appliquaient
à une correspondance qui les occupait beaucoup. Cette correspondance est
précieuse, elle a eu pour fonction de maintenir et surtout de créer, avec la
famille, des liens d'amitié et de solidarité qui ont perduré jusqu’au milieu du siècle dernier.
Zélia écrivait encore à la veille
de sa mort en avril 1913. Elle avait 86 ans.
Zélia |
Zélia m'offre à travers sa correspondance le sujet de plusieurs articles
que l'on retrouve avec le tag Correspondance XIX