2016-03-25

Zélia

Une femme épistolière qui m’accompagne dans mes découvertes 



Zélia m’accompagne depuis que l’un de ses arrière-arrière-… petits neveux m’a proposé de consulter un tiroir d’archives intitulé « Cousins de Paris ».
Zélia est notre grand-tante par alliance, à la génération 6.
En ce mois de mars, j’aimerais rendre hommage à cette femme qui m’est devenue proche au fil des soirées que j’ai passées à lire, numériser, classer et annoter sa correspondance.
Zélia Morin avait 18 ans lorsqu’elle a épousé, le 22 avril 1845, à Livron-sur–Drôme, Augustin Pérouse qui avait le double de son âge. Je n’ai pas trouvé d’indice sur leur rencontre, mais je peux vous confier ce qu’elle écrit lors du décès d’Augustin, après 26 ans de vie commune : « rien ne pourra jamais combler le vide immense que cet ami bien aimé fait dans mon existence. » Lettre de Zélia à Virginie, 1871.



Augustin
Zélia, jeune mariée, s’est habituée à la vie lyonnaise. Elle a apprécié sa belle-famille à laquelle elle est restée attachée, ce qu'elle ne manquait jamais de rappeler dans sa correspondance.
Augustin et Zélia ont eu deux fils : Denis né en 1846 et Gabriel né en 1848.
Augustin, médecin à Lyon, a été l’élève de Claude Bernard, il exerçait notamment à l’Hôtel-Dieu.
En 1865, Denis, l’aîné de leurs fils, a commencé des études supérieures. La famille s’est alors installée à Paris avec les garçons.
« Les succès ou les déceptions de nos fils sont pour nous les grands événements de notre vie qui tant que nous serons à Paris sera entièrement consacrée à nos enfants. » lettre du 21 janvier 1866 de Zélia à Virginie.
Zélia regrettait de vivre si loin de Lyon.
« notre esprit et notre cœur sont si bien à Lyon, qu’ici nous n’avons la tête à rien… »…18 octobre 1869 de Zélia à Virginie.
Augustin essaya de trouver un emploi, ce n’était pas urgent puisqu’il passait la saison d’été à travailler à Allevard. Il a publié une étude sur les eaux thermales de Challes-les -Eaux.
La guerre de 1870 bouscula la paix de cette famille.
Gabriel devait être incorporé pour le service militaire, sa mère se désolait « de si cruelles inquiétudes » Denis, étudiant à l’école des Mines, était occupé par l’organisation de la défense de Paris. En août 1870, alors que la Prusse menaçait, les parents auraient pu ne pas rentrer à Paris, mais comment laisser leurs fils dans cette guerre qui se précisait ?
L’hiver fut terrible et les privations durant le siège de Paris ont affaibli Augustin qui souffrait de bronchite. Ils eurent à peine le temps de se réjouir de la paix revenue en février 1871. Augustin ne se rétablit pas et mourut en avril.
Zélia avait 43 ans, ses fils 23 et 25 ans.
Devenue veuve, elle regretta encore plus vivement de ne plus habiter près de sa famille à Lyon. Par l’échange régulier de longues lettres, elle se rapprocha de sa belle-sœur, Virginie. Cette correspondance continua avec ses neveux et ses nièces, filles de Virginie.
La Tante Zélia invitait chacun de ses cousins à venir chez elle à Paris. Elle s’est particulièrement occupée des études de ses neveux.

Au XIXe siècle, l’existence d’une veuve devait être terne, elle se plaignait de l’éloignement de ses amis, de solitude et de la charge de sa maison. Heureusement pour elle, Gabriel resté célibataire a toujours vécu avec sa mère. Ensemble ils ont voyagé autant qu’ils pouvaient et la correspondance envoyée lors de ces voyages mériterait une étude particulière que j’ai le projet de faire.
 Dans ses nombreuses lettres, Zélia décrivait sa vie quotidienne :
« Je suis bien occupée dans ma maison ces jours-ci ; je renouvelle toutes mes provisions de confiture, je fais réparer toutes les petites choses détraquées dans l’appartement, je veux encore faire ramoner mes cheminées, et faire mettre le gaz à ma salle à manger et il me faut compter sur Gabriel pour rien. » 1 juillet 1893. Lettre suivante 7 juillet, : « J’ai sur le feu des confitures d’abricot que je veux un peu surveiller »  lettres de Zélia à Marie

Zélia confiait ses soucis et ses joies, ayant l'inquiétude, banale à cette époque, de la santé de chacun, elle donnait des nouvelles de sa famille, enfants et petits-enfants,. Avec la distance des années, ses confidences nous apparaissent irrésistibles et suscitent étonnement ou sourires complices ; j’ai appris beaucoup de secrets plus ou moins légers permettant de comprendre notre famille.
Cette épistolière sympathique racontait les événements d’une manière qui m’a touchée personnellement. C’est avec elle que j’ai eu l’occasion découvrir l’Exposition Universelle, en compagnie de son invitée Joséphine, notre aïeule dont j’ai aussi quelques lettres de cette visite en 1900. J’ai accompagné notre « Tante de Paris » dans ses courses en ville, dans ses visites aux amies, dans les spectacles qu’elle appréciait. J’ai assisté avec elle aux mariages, et même à leurs arrangements avant que les futurs époux en soient avertis, j’ai été émue par les naissances de ses petits enfants. J’ai pleuré lorsqu’elle s’attristait de ses amies malades et encore plus lorsqu’elle annonçait les décès.
Par ses fils, Zélia se tenait au courant de l’actualité politique qu’elle commentait. Vérifier ces informations m’a instruit sur l’histoire de ces années que l’on désigne comme la Belle Époque.
« Voila notre vieille Europe dans une situation bien critique avec cette guerre du Japon et de la Russie… » lettre du 11 février 1904 de Zélia à Marie

Son style agréable à lire est soigné, comme le préconisait l’art de vivre de ce temps où les femmes s’appliquaient à une correspondance qui les occupait beaucoup. Cette correspondance est précieuse, elle a eu pour fonction de maintenir et surtout de créer, avec la famille, des liens d'amitié et de solidarité qui ont perduré jusqu’au milieu du siècle dernier.

Zélia écrivait encore à la veille de sa mort en avril 1913. Elle avait 86 ans.

2 commentaires:

  1. Belle compagnie en effet, source de découvertes grâce à ses missives conservées
    Merci pour ce partage

    Fanny-Nésida

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    1. Merci Fanny, vos commentaires sont toujours encourageants.

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