2023-09-23

Régent des écoles

 

En cette période de rentrée, le généathème nous invite à mettre à l’honneur les enseignants.

Le seul ancêtre qui prétende me faire rédiger un billet sur ce thème s’appelle Jacques Gastaud, et je suis contente de l’avoir pour sosa 1722, à la 11e génération, car moi aussi je suis maîtresse d’école. Je suis restée prudente avant d’affirmer que celui-ci était mon aïeul, puisqu’on trouve un autre Jacques Gastaud présent dans le voisinage. À présent, je connais beaucoup de détails concernant la vie de sa famille.

 

Régent des écoles

En 1678, il avait 23 ans, on le connaissait depuis trois ans comme régent, avec la fonction de « régent des escolles ». C’est un agent municipal choisi par les habitants du village, il a passé un contrat avec la commune qui lui confie la responsabilité de l’enseignement. Il est chargé d’apprendre à lire, à écrire et à compter.


Selon les archives communales [2] :

En 1675, Jacques Gastaud gagne 60 écus.

En 1697, son salaire est de 45 livres.

et chaque écolier lui paye trois sous par mois. Les enfants des familles les plus pauvres sont accueillies gratuitement.

Le régent occupe aussi la fonction de consul, il siège au conseil municipal.

 

Deux morts se suivent

Son acte de décès, le 18 octobre 1719, est suivi le 21 octobre de celui de son épouse.

On peut supposer qu’une maladie contagieuse les a emportés ensemble, dans leur tombe de notre cimetière de Saint-Julien-le-Montagnier.

Le curé a un peu vieilli Jacques lequel n’avait pas 70 ans, mais plutôt 64 ans.



Magdalene, sa femme en secondes noces

Dans cet acte, elle est désignée Magdalaine Jeardenne. Je l’avais auparavant inscrite sous le nom Marguerite Jourdan et c’est l’occasion de rectifier cela, enregistrée alors que j’étais débutante insuffisamment exercée à la lecture. J’ai lu trop rapidement et n’ai pas poussé la recherche. Mon arbre comporte une erreur ; bien sûr, plusieurs personnes l’ont recopiée sur Généanet !

Vraiment, Jacques devrait m’enseigne la lecture et m’inciter à faire davantage attention. Quelle mauvaise lectrice je fais ! Je vais m’appliquer à comparer les traces qu’elle a laissées.

En observant plus attentivement, je peux à présent affirmer qu’elle s’appelle Magdalene Icardene.

Cette deuxième compagne de Jacques Gastaud n’est pas mon ancêtre.

Il l’a épousée le 25 janvier 1701. Il était urgent pour lui de se remarier, sa femme était morte deux mois plus tôt, le 25 novembre 1699. Magdelene a élevé les six enfants orphelins de mère.



Et regardez bien : on voit la signature de Magdelene Icarde qui s’étale tout en bas de la page. Elle n’a pas été invitée à parapher immédiatement à la suite de son mari. Tous ont dû être surpris qu’une femme veuille signer son acte de mariage. Je n’ai pas d’exemple de filles sachant écrire dans ma famille là-bas à cette époque. Je me demande si elle ne se faisait pas appeler Magdalena ; à moins de lire Aycarde…


Comme tout cela m’intrigue, je lance une recherche et je trouve le mariage de celle qui semble être sa fille : Jeanne Delorme, fille de feu Jean et de Marguerite Icardene. C’est dommage qu’elle n’ait pas signé pour m’assurer que c’est bien elle. L'union est célébrée à Puyloubier, avec un jeune homme de La Verdière, un bourg voisin de Saint-Julien-le-Montagnier. Magdelene et sa fille sont de Trets, comme cela était précisé en 1701 lorsqu’elle arrivée chez nous.

Poursuivant mon enquête sur Jean Delorme, je vois indexé le contrat de mariage, en 1679 à Marseille, de Jean Delorme avec Magdelene Aycardenc. La variante orthographique ne m’inquiète plus, le patronyme Icard est connu sous diverses formes à Marseille. Il s’en trouve dans ma forêt généalogique.

Mais je m’éloigne… Jacques et Magdeleine n’ont pas eu d’enfant.  

Honorade, en première noce

Jacques Gastaud avait épousé Honorate ou Honorade Gastaud (sosa 1723), le 22 février 1678.

Ce jour-là, la future épouse était « ornée d’ung habit d’estoffe de couleur à elle agréable ». Sachant que « les robes bagues et joyaux nuptiaux seront et demeureront au survivant desdits mariés ».


Mes deux ancêtres portent le même patronyme, mais ils appartiennent à deux branches qui ne semblent pas reliées. Elles sont issues de deux villages voisins : Saint-Julien et Ginasservis. Honorade est née le 1er novembre 1649, ses parents Guilhem Gastaud et Josèphe Jourdan(e) ont ensuite résidé plusieurs années à Aix-en-Provence, ils ont fait baptiser cinq enfants dans l’église de la Madeleine, entre 1654 et 1666. Ils les ont fait instruire et je ne résiste pas au plaisir de vous montrer la signature de la petite sœur d’Honorate en 1688



Jacques et Françoise, frère et sœur, sont mes ancêtres. 

Descendance de Pons Gastaud sur deux branches Jacques et Françoise

Jacques (sosa 1722) est le fils de Pons Gastaud et de Philippe Brun(e). Sa sœur Françoise est, elle aussi, mon ancêtre (sosa 6771). Les descendants de Pons et de Philippe se sont éloignés sur chaque rive du Verdon, se sont perdus de vue pendant deux siècles et se sont réunis en 1855 par le mariage de Pierre et de Constance.

Jacques, « régent »

Jacques Gastaud apparait bien présent dans les registres des notaires. Sa belle signature se retrouve dans des actes de vente, des quittances…

Pour 333 livres, il vend une maison sise rue de Cavaillon, en 1696.

Ensuite, il récupère la dot de sa femme, selon l’héritage de l’oncle Maximin...

En mars 1701, à peine remarié avec Magdalene, il paye pour elle la somme exorbitante de 239 livres 17 sols onze deniers de marchandises, qu’est-ce que cela pouvait bien être ?

Tout cela est bien mystérieux…


Jacques a éduqué ses filles. Marianne paraît la plus instruite, puisqu’à son tour elle assure l’enseignement à l’école des filles.

En 1717, Marianne Gastaud « remplit le rôle d’institutrice sans aucune rétribution, ni de la commune, ni de la part des enfants pauvres ».

C’est sa plus jeune sœur Thérèse qui est mon aïeule (sosa 861), mais celle-ci ne semble pas savoir écrire.

Il faut encore ajouter qu’un certain Gastaud est régent des écoles à Saint-Julien en 1760. Serait-il proche de Jacques ? 



[1] AD 83, Contrat 3E 14 486

[2] Source AD 83  délibérations communales https://archives.var.fr/ark:/73531/s005767a5e639cbb/57babe548bc18

 


2023-08-23

Les rabots de Jean

 

Jean est mon grand-oncle, son nom est gravé sur trois des treize rabots que nous avons conservés depuis plus d’un siècle.  


Je les ai rangés dans un carton, mais je retarde le moment de les porter au grenier où l’on risque de les oublier. J’aimerais écrire ce billet dans l’espoir que, plus tard, leur histoire ne soit pas perdue.



Ce carton contient divers rabots de charron : des rabots ordinaires, des rabots de corroyage, des rabots de moulurage dont je découvre les jolis noms : guillaumes, mouchettes, bouvets, varlopes...


Tous sont constitués d'un corps en bois dans lequel est insérée une lame de fer tranchant.

Pour décrire les parties d'un rabot, on parle du nez, des joues, des oreilles, du talon en arrière et de la semelle pour la face inférieure. 

Celui-ci est estampillé « 38 Goldenberg fruitier » avec le numéro 42. 

L’œil représente une marque de la qualité du fer.

L’étiquette n’a pas été entièrement décollée. 

Ce morceau de papier rouge, je le trouve émouvant, il me dit que Jean a utilisé cet outil tellement peu de temps.


Cette varlope mesure 50 cm. Sa poignée est percée d’un élégant passage ovale où se glissent les quatre doigts de la main droite qui conduit l’outil.

Voici un joli petit rabot de carrossier, nommé Guillaume.


Voici un Bouvet, utilisé pour faire des rainures.


J’essaye de me documenter sur les outils du charron, cela ne m’étonnerait pas que dans l’atelier de mon père s’en cachent d’autres dont je ne sais identifier ni leur premier propriétaire ni leur usage. Il faudrait que j’explore les recoins du garage où je pourrais trouver des ciseaux à bois, des gouges à dégrossir, des tarières pour creuser des trous... Pour ceux que je vous présente ici, j’apprécie cette chance que le nom et le prénom du propriétaire soient gravés sur le bois !  



Famille Fauriat

Parmi les six garçons de cette fratrie, les benjamins, Jean et Paul apparaissent très liés. Ils ont partagé leurs outils, ils étaient charrons, et copains comme deux larrons.

Inventeurs intrépides, ils construisaient des engins roulants dans lesquels ils dévalaient les pentes de leurs prés à Gambonnet, depuis le lieu-dit Fauriat, nommé de leur patronyme.

Paul était menuisier en voitures en 1914. Il avait alors 27 ans. Il habitait 86 boulevard de Grenelle à Paris 15e, il est mort le 25 juin de cette année-là, à l’Hôpital Laennec, 42 Rue de Sèvres. Paris 7e. Il a eu la chance de ne pas connaître la Grande Guerre. Réformé pour faiblesse générale et bronchites fréquentes, il n’a pas effectué son service militaire, mais cela aurait-il été une raison pour échapper à l’ordre de mobilisation quelques semaines plus tard ?

Paul possédait un compte au Crédit Lyonnais, à l’agence AX à Paris, s’élevant à 4287 francs. Voilà à peu près tout ce que je sais de lui.

Jean a quitté le domaine familial, en laissant l’exploitation des terres et des bois à Urbain son frère aîné, mon grand-père. Il a appris le métier de charron, carrossier, menuisier en voitures, j’ai retrouvé ses différentes adresses qu’il partageait avec Paul, à Romans-sur-Isère, à Valence, à Lyon et à Paris.    

Le 1er avril 1916, il tombe « tué à l’ennemi, côte 425, à Steinbach en Haute-Alsace ». Il avait 31 ans. Son nom, Jean Fauriat, ainsi que celui d'Urbain, est inscrit sur le monument aux morts de la guerre 1914-1918, à Saint-Bonnet-le-Froid.


Les charrons exercent un métier très apprécié, ce sont eux qui fabriquent et réparent les roues des chars et les charrettes, indispensables à tous. Ils utilisent deux types de matériaux : le bois et le fer. Cela fait de ces hommes tout à la fois des menuisiers, des charpentiers, des forgerons, des maréchaux ferrants, et plus tard des carrossiers lorsqu’ils commenceront à concevoir les véhicules à moteur.  

Au début du XXe siècle, les premières voitures causent un superbe effet, elles éblouissent par leur vitesse, par leur design et le luxe de leur équipement en fer, en bois, et en cuir. Paul était menuisier en voitures, sans doute Jean travaillait avec lui.

Le parcours de ces outils

Certains semblent comme neufs, l’un d’entre eux garde encore son étiquette.

Mon grand-père Urbain a dû les récupérer après le décès de son frère en 1916. Lui aussi a participé à la guerre, il a été gazé ; après des mois de pénible maladie, il est mort en 1921.

Il a installé Constance sa femme et leurs trois enfants, pour une vie plus facile, dans le bourg où il a acheté une ferme afin qu’ils aillent à l’école.

Par chance, ces outils ont été conservés par ma grand-mère maternelle au cours de ses déménagements successifs.

Mon père les a utilisés, il aimait s’occuper de menuiserie. En général, il prenait grand soin de tous les objets.

Lorsque nous avons vendu la maison de mes parents, j’ai gardé ces outils, nous les avons stockés, puis un peu oubliés, rangés dans le garage et on ne les remarquait plus. Ils ont été abîmés par les vers, hélas ! Coupable de les avoir abandonnés, j’essaye maintenant les traiter soigneusement.   

Cela m’a étonnée d’y découvrir le nom de Jean Fauriat, cette inscription leur donnait une valeur familiale. J’ai voulu raconter la courte vie de deux grands-oncles : Auguste « Jean » Baptiste (1884-1916) et « Paul » Auguste Eugène (1887-1914).

Voir aussi :

Autour de Constance

Grande Guerre (leur maison abandonnée)

Les yeux gris (ceux de Régis, un autre frère) 


2023-07-16

Cherchons les Charbonnier à Châtillon-sur-Chalaronne

 

Je ne suis jamais allée à Châtillon-sur-Chalaronne, pourtant ce n’est pas si loin de Lyon. Puisque le généathème nous invite à suivre le Tour de France qui passait par là hier, voilà l'occasion de me pencher sur les sosas 370 et 371 qui jouent à chat caché.

Ils se marièrent dans ce bourg le 26 janvier 1763, Châtillon était alors appelé Châtillon-en-Dombes. 

Au cœur de la Dombes, tel un pays de cocagne, s’étend une zone humide de mille étangs, où vivent grenouilles, carpes, brochets et une multitude d’oiseaux.




Nos ancêtres ont marché dans les rues bordées de maisons médiévales en brique et à colombages pour se rendre au marché qui se tient sous les halles du XVe siècle. Ils se sont mariés dans l’église qui, comme les halles, apparaît surdimensionnée.

 

 

Claude Germain et Marie Honoré Charbonnier ont ensuite résidé non loin de là, il leur fallait deux heures à pied pour aller à Saint-Didier-sur- Chalaronne.

Quatre enfants sont nés  :

 


C’est à Saint-Didier-sur-Chalaronne que l’on célèbre, le 17 février 1795, une double noce de leurs deux filles.

Julie épouse François Noël Falcouz, marchand fabriquant de chapeaux (sosas 184 et 185).

Constance épouse Joseph Marie Potalier, tanneur et corroyeur.

Pour le citoyen Claude Germain, leur père on indique la profession d’agriculteur. Trois ans plus tard lors du mariage de leur frère, il déclare être propriétaire. Mais n’allez pas imaginer qu’il avait toujours les pieds dans la boue, en 1763 on lui reconnaissait le statut de bourgeois. À l’époque de la Révolution, le statut d'agriculteur pouvait cependant être préférable.

 

Julie possédait vignes, terres et corps de bâtiment à Saint-Didier-sur-Chalaronne (selon le Journal de l’Ain en 1853[i]).


Je ne connais guère cette famille. A l’occasion de cet article, je vais essayer d’explorer les indices que j’avais laissés de côté.

Je pourrais d’abord me laisser porter par les sonorités de leurs patronymes qui chuchotent sur un rythme de danse cha… cha : Châtillon-sur-Chalaronne où s’est mariée mademoiselle Charbonnier, dite Charbonnier de la Tour…  

 


Comment se fait-il que je n’ai récolté qu’un acte de mariage dans cette ville ? Retournons observer de plus près ce document.

 


Claude est le fils majeur de Claude Jérôme GERMAIN, sa famille réside à Saint-Didier-de-Vallin-en-Dombes.


Marie Honorée est fille de Gaspard Charbonnier de la Tour, elle est « demoiselle, majeure et maîtresse de ses droits ». (Pourquoi donc ?) « Pensionnaire aux dames d’Ursule depuis près de neuf ans », elle réside chez les Ursulines. Les religieuses éduquaient les jeunes filles dans le couvent. Marie Honoré a pu apprendre la recette du Petit Pain Châtillonais au safran qui avait la réputation de soigner les maladies des étangs.

Le couvent des Ursulines de Chatillon-sur-Chalaronne


J’aimerais aller à la rencontre de la demoiselle que j’imagine observant l’horizon en haut d’une tour. Mais où est-elle ?



Son père Gaspard, fils de Gaspard Charbonnier, avait le titre d’écuyer. Il est seigneur de la Tour de Journans.

Pour mieux comprendre, il faut remonter le temps. 

Le nobiliaire de l’Ain[i] nous apprend que le 13 juillet 1609, la Tour de Becerel a été vendue à Jean Charbonnier qui l’a laissée le 20 mars 1641 à son fils Charles Charbonnier, conseiller du roi et très digne président en l’élection de Bresse. Ce fief est dans le village de Journans.

La dite Tour consiste en bâtiments, petit jardin et 20 ouvrées de vigne, et une rente portant lods.

Une ouvrée est l’étendue de terre qu’un homme peut labourer dans une journée, ce qui représente environ 550 m2 pour un vigneron.

Le domaine n’est pas très grand, mais cela suffit pour avoir le privilège d’ajouter une pseudo particule au patronyme : Charbonnier de Becerel, ou : de la Tour de Journans.

 

Philibert en devient le chef en 1675. Après son décès en 1710, le domaine revient à Gaspard, ensuite à Gaspard fils de Gaspard; puis après la mort de ce dernier à son frère François, l’oncle de Marie Honorée.

On comprend maintenant que la demoiselle soit maitresse de ses droits et résidant au couvent des Ursulines, puisque son père et sa mère étaient décédés. L'oncle n’apparait même pas à son mariage. 

Sa vie durant, elle conservera le nom de Charbonnier de la Tour.

Quant à la Tour de Becerel, si quelqu’un l’a vue à Journans, dites-le moi !

 




 Sources :

Toutes les photos se trouvent sur Wikimédia Commons

Chabe01, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons

[i] Lectura Plus : https://www.lectura.plus/Presse/show/?id=01JOURNALAIN-18531109-P-0004.pdf&query=FALCOUZ

[i] https://books.google.fr/books?id=vbVlc5ZkoTIC&newbks=1&newbks_redir=0&dq=fief%20de%20la%20tour%20de%20journans&hl=fr&pg=RA1-PA202#v=onepage&q=fief%20de%20la%20tour%20de%20journans&f=false


2023-05-21

Justine invite ses sœurs

 

« Tous les ans, au mois d’août, c'est-à-dire au commencement des vacances », Justine aimait inviter ses sœurs chez elle dans la campagne mâconnaise.

Son fils Adrien se souvient des réunions familiales qui animaient la vieille maison de Fuissé à la belle saison.

La maison de Fuissé, dessin d'Adrien.

Toute la famille appréciait de leur rendre visite, car Justine mettait un point d’honneur à les accueillir telle une excellente maîtresse de maison. Il paraît même qu’Antoine, lequel ne s'était pas montré enthousiaste pour épouser Justine, cependant quelques années plus tard, lorsqu’il sortait de ses occupations, faisait bonne figure et se montrait patient à l’égard de chacun de leurs beaux-frères.


Lubin Baugin_-Le dessert de gaufrettes

Le soir à la veillée, les femmes bavardaient, les hommes riaient en goûtant le vin. Justine offrait des gaufres mâconnaises qu’elles avaient confectionnées, cuites dans des fers à gaufre, puis roulées en forme de cigare. Mon mari se souvient de sa tante, arrière-petite-fille de Justine, qui enroulait la pate sur un barreau de chaise pour que les gaufres soient exactement à la taille souhaitée.

Cette spécialité du Mâconnais et de Bresse faisait les délices de tous. 

On chantait, Antoine « jouait fort bien de la flûte, de la clarinette et du flageolet. Au besoin même, il pouvait faire danser en raclant du violon. »…

Sans doute, les enfants chahutaient, on imagine le jeune Adrien et sa petite sœur Fanny tout excités dans cette ambiance joyeuse. 

Antoine, Justine et Adrien


Qui composait cette joyeuse assemblée ?



Céleste, la tante aînée, avec les cousins Charles et Camille.

Célestine est devenue veuve après vingt années de bonheur avec Félix. « Mon oncle mourut fort jeune. Le docteur Despiney s’était surmené dans l’exercice de sa profession et succomba à la peine. Il avait publié des observations physiologiques sur les fonctions du larynx et sur la rage » explique Adrien.



La tante Céleste venait accompagnée de sa fille Camille « très belles toutes les deux et très bonnes ». Les voisins et amis du village les appréciaient à leur tour : « L’arrivée de ces deux était toujours le signal de fêtes, de dîners, de bals ».

« Ma tante avait été très jolie, très fine, brune au teint éclatant. On l’appelait dans la famille la poularde de Bresse ».

 


Elle me chagrine un peu cette photographie de Célestine en dame âgée, telle une fleur fanée, sa beauté a disparu avec sa jeunesse. Peut-être aurais-je préféré la garder jeune et resplendissante comme dans le portrait des articles précédents et ne pas la découvrir ainsi dans un vieil album.


 La tante Victoire et l’ogre.

Victoire « était très gaie, très vive et nous l’aimions beaucoup ». Elle avait épousé son cousin doublement issu de germain, puisque issu de mariage de deux frères Buget avec deux sœurs Charlet. Cet extravagant faisait résonner avec brusquerie l’accent du sud-ouest, « disant toutes les folies qui lui passaient par la tête. Il n’admettait pas la contradiction. Sa grosse voix, son formidable appétit, ses grands gestes avaient terrifié la famille. » Il impressionnait ses neveux « grand, gros, très barbu avec de grands bras terminés par de larges mains et des doigts en spatule qu’il tenait écartés en gesticulant. Très myope il avait de gros yeux ronds qui lui sortaient de la tête et vous regardaient de très près en vous parlant comme pour vous avaler ».

« Mon oncle d’un caractère original et d’une brusquerie méridionale apportait bien avec lui quelques orages. Mais la tendre amitié de ma mère pour ses sœurs et la bonhomie parfaite de mon père aplanissaient les petites difficultés dont il était parfois la cause irréfléchie. » 

 

« Sa femme très douce, très fine supportait sans se plaindre toutes les originalités » de ce personnage turbulent. Celui-ci la pleura beaucoup lorsqu’elle mourut et devint alors paisible comme un agneau.


 Fanny, la douce tantine.

Fanny, la « blonde, douce, maladive, sensible à l’excès, pleine de tendresse pour tout le monde » venait avec son mari Eugène Renaud.


Fanny n’a pas eu d’enfant. Elle a donné son prénom à sa nièce Fanny qui hélas mourra à dix-neuf ans. Avec elle, la joie s’éteignit dans la maison.


 La rentrée de septembre.

« À la fin de septembre, tout le monde nous quittait et nous reprenions tristement le chemin de la ville au commencement d’octobre. » La rentrée était programmée tardivement, car la saison des vendanges s’impose comme une période de première importance en Bourgogne. Il s’agit de remplir les caves et de s’assurer d’un revenu confortable.

Ensuite, la famille retrouvait ses quartiers d’hiver dans la maison de ville à Mâcon qui paraissait bien sombre après les joies de l’été. Cependant, Justine et Antoine estimaient nécessaire que leurs enfants s’instruisent à l’école.

 Voir aussi les articles précédents:

Les quatre filles du docteur B. 

Bourgeois de Bourg


2023-04-30

Les quatre filles du docteur B.


Alors que nous nous dirigions vers le centre de Bourg, le carillon sonna, nous avons eu la chance de nous trouver à 11 h 50, juste au bon moment pour l’entendre. À midi, nous sommes entrés dans la co-cathédrale, les nombreux fidèles chantaient un cantique. La lumière pénétrait par les vitraux, illuminant la nef flamboyante. Puis, l’orgue résonna de toute sa puissance pour célébrer ce jour de fête.

Ite missa est, les portes se sont ouvertes. Le flot des paroissiens se déversait lentement, un peu plus brouillon qu’un cortège. Les femmes arboraient leur tenue printanière, comme il se doit le jour de Pâques.

 🔔🔔🔔🔔

Y avait-il autant de monde lors du mariage de chacune des quatre filles du docteur Buget ?

Pierre Buget était un notable. En tant que chirurgien, il exerçait comme médecin en chef de l’Hôtel-Dieu de Bourg. Il avait été diplômé le 8 thermidor de l’an 12 à Paris, pour sa thèse intitulée « Considérations sur la gangrène d’hôpital, et sur les moyens propres à prévenir sa contagion, et à la combattre ».

Hotel-Dieu de Bourg

Il occupait la fonction de membre du conseil municipal, et siégeait aussi au conseil de fabrique de l’église  Notre-Dame. 


La noce de Céleste 

Le 20 août 1823, on se pressait sans doute pour admirer la mariée ravissante au bras de Félix le séduisant futur, tous deux âgés de 21 ans.

Pierre avait choisi pour sa fille aînée un excellent docteur en médecine, poète aussi. Parfaitement assortis, les jeunes gens apparaissaient radieux sur le porche pour saluer les habitants de Bourg.

Co-cathédrale ND de Bourg (Wikipédia)


En 1831, lorsque le père décéda, « sa mort provoqua d’unanimes regrets […] D’une bonté et d’un dévouement à toute épreuve, très homme du monde, très bon cavalier, il avait depuis longtemps de nombreuses sympathies dans la ville. »  

Ses funérailles ont rassemblé tout Bourg dans l’église Notre-Dame. La famille habitait rue Clavargy, près de la place.


Trois filles restaient à marier et cela devait causer du souci pour Adrianne Monnier.

Victor, le seul fils avait alors 25 ans. « C’était un excellent homme, grand, bien fait, très doux, d’une intelligence ordinaire, fonctionnaire modèle ». Sa situation parait assurée en tant que receveur de l’Enregistrement, mais il était affligé d’un bégaiement qui ruina les perspectives de fonder une famille.


La noce de Victoire

En 1835 Victoire accepta l'union avec son cousin, doublement issu de germain puisque leurs grands-parents respectifs étaient deux frères Buget ayant épousé deux sœurs Charlet. Félix Celsis, orphelin très jeune se montrait rebelle, n’ayant pas suffisamment reçu d’éducation aimante et bienveillante. « Doté d’une imagination exubérante et d’une grande activité, il essaya successivement tous les métiers ». Il acheta une étude de notaire qu’il garda peu de temps.   

Sa femme « très douce, très fine supportait sans se plaindre toutes les originalités » de cet homme turbulent. Celui-ci la pleura beaucoup lorsqu’elle mourut ; « il s’est alors souvenu de toutes les vertus de celle dont il a grossi les mérites pour le ciel ».

 

La noce de Justine

En 1838, le 1er janvier

On attendait le fiancé qui ne se pointait pas. Antoine était un célibataire endurci, âgé de 37 ans. Il aurait « oublié l’heure de son mariage et après l’avoir attendu longtemps pour aller à l’église, il fallut l’envoyer chercher. Il fumait tranquillement sa pipe et songeait à je ne sais quoi. » Les accordailles avaient été arrangées par Benjamin Martine, le neveu de Rosalie. Je me doutais que la mère d’Antoine essayait de marier son fils malgré ses réticences. Timide… dit-on ! « La seule vue d’une femme le mettait en fuite ». Pourtant, « on entama des négociations » avec la famille de Justine. Antoine « se résigna à son sort, se laissa présenter, fut agréé, eut beaucoup à souffrir de tous ces préliminaires, mais se trouva en définitive marié sans s’en douter ». 

Antoine et Justine sont des ancêtres de la génération VI, sosas 40 et 41.



La noce de Fanny

En 1842, Fanny, la benjamine donna son cœur à Eugène Renaud, de deux ans plus jeune qu’elle, il avait 28 ans. Cet ancien militaire était devenu percepteur.


💑


Les quatre filles du docteur Buget avaient chacune leur genre de beauté 

Celeste, la grâce féminine.

Justine, la force, l’esprit d’initiative, la résolution.

Victoire, l’esprit et l’enjouement.

Fanny une belle mélancolique, sentimentale et tendre, un clair de lune très blond.

Selon les souvenirs du fils de Justine (sosa 20) auquel j’ai emprunté les descriptions données dans son livre de raison, il nous est possible d’imaginer les quatre mariages et l’enterrement rassemblant famille, amis et curieux.     

Voir aussi ces billets pour connaitre la famille :

Bourgeois de Bourg

Justine invite ses sœurs



2023-04-09

Bourgeois de Bourg

 

Bourg-en-Bresse n’est pas si loin, pourtant il serait temps que j’invite ma famille à découvrir cette cité qui a vu vivre une branche de leurs ancêtres. Certains depuis trois générations (et davantage, je dois approfondir...) étaient des bourgeois de Bourg (prononcez Bourk). Ce titre doit être compris au sens de citoyen de la ville.  

Justine Buget (sosa 41) 
a vu le jour le 26 février 1807, au numéro 2 rue Clavagry à Bourg.

Elle a quitté la maison de ses parents après son mariage en 1838. La date m'étonne, puisqu’il fut célébré le 1er janvier, mais cela ne posait pas de problème il y a deux siècles. 

Elle était entourée de sa mère Adrienne Monnier, de son frère François Victor et de ses sœurs qui signent de leurs jolis prénoms : Céleste, Victoire, Fanny.


En admirant ce portrait de Céleste, je peux imaginer quatre belles demoiselles vêtues d’élégantes tenues.

Célestine

Célestine est l’aînée, jeune et en pleine beauté elle apparait superbe dans sa robe en soie. Elle porte une coiffure très dessinée par une raie en V partageant une épaisse chevelure brillante, une tresse se relève en chignon sur l’arrière et de chaque côté des anglaises couvrent les oreilles. Un sourire doux et malicieux, et de grands yeux sombres qui vous respectent, montrent qu’elle est sûre d’elle. L’originalité de l'impressionnant col festonné dégage un cou élancé, et met en valeur ses belles épaules dénudées. Les manches bouffantes se resserrent sur les avant-bras. Elle a posé ses ciseaux, le dé et son ouvrage pour lire la lettre bien mystérieuse qu’elle tient dans la main gauche. La taille paraît étranglée par une ceinture fermée par une large boucle qui la rend incroyablement mince. Respire Céleste !

Céleste a épousé un docteur que son père médecin a dû lui choisir. Tous deux avaient 21 ans en 1823. Ce portrait pourrait avoir été peint à cette époque-là.

Justine et Fanny, sans doute moins séduisantes, se sont mariées à trente ans. Orphelines de père, étaient-elles moins dotées ?


J’aimerais voir un portrait de Justine à l'époque de ses fiançailles avec Antoine A.  On ne la connaît que sur des photos où elle est plus âgée. Je me demande même si Rosalie Martine, sa belle-mère n’avait pas un lien de parenté avec elle, elle aurait donc pu arranger les fiançailles. Elle est morte trois mois après le mariage. Je dois chercher si l’on peut relier cette branche. Antoine, sept ans de plus qu’elle, ne se montrait certainement pas désagréable, mais trop rêveur. C’est un architecte qui n’a rien construit, il préférait se promener et dessiner dans la campagne. La vie loin de la ville n’apparaissait pas très joyeuse pour Justine. Elle a élevé deux enfants. Hélas en 1859, elle a éprouvé la douleur de perdre sa fille Fanny âgée de dix-neuf ans.


Justine

Ce tableau la montre très digne dans sa robe sombre, boutonnée jusqu’au cou et fermée par un col très sage, la taille corsetée. Elle a conservé sa coiffure avec des anglaises, à la mode de sa jeunesse. Elle ferme les lèvres sans sourire. Même nez droit et fin, ainsi que des yeux bruns, comme ceux de sa sœur, mais les siens paraissent beaucoup plus éteints. Je ne peux pas imaginer Céleste aussi sévère et triste.

 

En 1838, lorsque Justine s’est mariée, son père Pierre Buget médecin, officier de santé était mort depuis sept ans.

 



Elle n’a connu aucun de ses aieuls.


Du côté paternel :

Claude Buget est né à Châtillon-la-Palud dans la Dombes. En 1763, il avait 24 ans, il exerçait comme chirurgien major dans deux hôpitaux de la ville. Son mariage avec Marie Joseph Charlet est célébré à Bourg, le onze janvier, en même temps que celui de son frère qui épouse la sœur de sa femme. Toutes deux sont les filles de Gaspard Charlet, un marchand connu à Bourg, puisqu'il avait la fonction de major de milice bourgeoise.


Du côté maternel :

Louis Monnier est né à Pont-de Veyle en Val de Saône, lieutenant de la maréchaussée puis inspecteur de gendarmerie. Il était lui-même fils de Jean Joseph Monnier, un docteur en médecine qui vivait à Bourg avec sa famille.

Il a épousé Louise Vorle en 1773. Son beau-père Pierre Vorle était contrôleur des actes des notaires.



Pour l’heure, je ne prospecte pas plus en amont sur les habitants de Bourg. Je dois aller me promener dans la ville. Plus tard, je vous raconterai les exploits militaires des oncles de Justine.

 

Voir aussi :

Les quatre filles du docteur B.

Justine invite ses sœurs