2025-11-11

J_ Jeu et réceptions

 

Les amis des Barou étaient ravis de recevoir une invitation samedi à 19h dans leur hôtel, rue Saint-Joseph à Lyon ou au château du Soleil.

Il eut des amis, & su les conserver par les douceurs de sa société, son plaisir à obliger & les qualités de son cœur.

Faire partie de la liste des samedis devait passer pour un privilège que leurs connaissances appréciaient.

Les savants étrangers, les artistes célèbres trouvèrent toujours chez lui l’accueil le plus flatteur. Ils pouvaient venir nombreux, et goûter les plaisirs raffinés de l’esprit, en discutant aimablement dans leur salon.


Les Barou du Soleil avaient sans doute constitué un cabinet de curiosités, comme cela se faisait alors. Leurs visiteurs pouvaient s’extasier sur les collections, feuilleter les herbiers, ils étaient invités à admirer la bibliothèque (que nous ouvrirons bientôt), lire des ouvrages ou écouter leur hôte déclamant quelques poèmes satiriques, anticléricaux, érotiques, de sa composition.

Le maître de maison jouait du violon (écoutez le billet V), une harpe se trouvait à la disposition des musiciens.


L’inventaire, dressé lors de la pose des scellés en 1793, mentionne du mobilier et de la vaisselle pour recevoir beaucoup de monde :

22 tant chaises que fauteuils

Et dans la seconde chambre sur le jardin :

15 fauteuils en tapisserie de gobelins. 8 fauteuils avec leurs coussins. Dix chaises.

18 nappes. 94 essuie-mains. 42 serviettes.

8 douzaines d’assiettes et neuf plats terre de pipe.

400 bouteilles vides, 3 tonneaux. Environ 50 verres à pied.

28 pots à rafraîchir pour la liqueur. 10 pots à rafraîchir en faïence. 

...


Lors de soirées plus intimes, les joueurs partageaient des parties de cartes. Ils disposaient de quatre tables à jeu, trois grandes et une petite. Et encore :

trois petites tables dont deux tables antiques de jeux et la troisième petite table à écrire.

Dans les cahiers de comptes, j’ai trouvé plusieurs cartes. Il est émouvant de savoir qu'ils les ont tenues dans leurs mains.


Selon Boissy d’Anglas « la considération dont il jouissait était due principalement à l’amabilité de son esprit, à la douceur de ses mœurs, à l’étendue de ses lumières dans plusieurs genres et à son caractère noble, généreux et élevé ».

 

Réceptions lyonnaises et parisiennes

Dans le quartier, d’autres voisins et amis organisaient des soirées. Non loin de là (mais on ne sait où exactement) se tenait l’hôtel de l’Intendance. Jacques de Flesselles donnait des réceptions fastueuses auxquelles il conviait l’aristocratie lyonnaise. L’Intendant essuya d’ailleurs des reproches la part du contrôleur général des finances pour les dépenses de ses fêtes.

Le 16 avril 1785, Barou séjourne à Paris, il écrit :

« Monsieur de Flesselles donna a souper jeudi à tous les Lyonnais, il y avait au moins 60 personnes. »

Flesselles l’invitait à dîner chez lui à Paris, lorsque Barou y séjournait, en ayant besoin de recommandations pour ses affaires.

Barou fréquentait Flesselles à Lyon. Chargé du projet par l’Académie de Lyon, il avait organisé l’envol de la montgolfière en son honneur, le 19 janvier 1784. Juste avant que Flesselles apprenne sa nomination comme prévôt des marchands de Paris. 

Nous aurons l'occasion de faire la connaissance des amis de Monsieur et Madame Barou dans les prochains billets.

 

Aurions-nous été invités chez ce cousin ? J’aurais été ravie de rencontrer les gens qu'ils recevaient dans leur salon, et d'écouter les conversations de ces personnes éclairées par les idées du siècle des Lumières. 


2025-11-10

I_Île

 

Mais comment allons-nous le tirer de là ?


Des gardes sont venus arrêter Pierre Antoine Barou du Soleil, il doit être emprisonné par lettre de cachet. Il part vers le sud sous la surveillance d’un homme qui heureusement fait preuve de complaisance.

Une halte sur le chemin dans la vallée du Rhône lui permet de rencontrer son cousin d’Annonay. Barou de Canson admire son courage et sa force tranquille.

Conduit à Agde, puis mis dans une barque pour une traversée jusqu’au fort de Brescou où il va être incarcéré, il est accueilli dans la citadelle par le gardien, le 8 août 1788.



Le commandant du fort, M. Bernard se révèle très sympathique, il est aux petits soins pour son prisonnier. Barou suggère à son épouse de choisir pour sa femme une pièce de belle étoffe de soie noire avec de la gaze ou du crèpe. Elle pourrait aussi acheter un huilier en argent bien à la mode, garni de ses carafes qu’elle enverrait en remerciement.


Pendant ce temps, Madame Barou mobilise le réseau de leurs amis, les relations de ceux-ci et même l’archevêque de Lyon.

Nombreuses sont les lettres de soutien qu’elle a conservées. Parmi celles-ci, on remarque avec surprise le message de Boissy d’Anglas ; son compatriote d’Annonay n’hésite pas écrire sa peine avec un style grandiloquent, mais il se tient en retrait sans appuyer une demande de grâce.


Lettre de Boissy d'Anglas


Madame,

L'inviolable attachement que je m'honore d'avoir pour M. Bârou, m'a fait apprendre avec beaucoup de peine, l'évenement qui lui est arrivé. Permettez moi Madame de vous dire combien j'y suis sensible et combien je partage le chagrin qu'il vous a causé. M.Bârou trouve dans le motif qui a determiné ses démarches, une consolation contre la disgrace qui les a suivies. Mais vous Madame qui lui êtes si tendrement attachée vous ne pouvez que sentir la douleur d'une separation si cruelle, et tous ceux qui ont l'honneur de vous connaître ne peuvent que s'attrister avec vous. Si j'écrivais à M. Bârou, je le louerai pour son courage, pour la marche de sa conduite, meme en n'adoptant pas les principes qui l'ont guidée, je lui dirais combien est estimable à mes yeux celui qui n'a pas hesité à sacrifier sa liberté à ce qu'il a cru le bien de la patrie,  et je me réjouirais avec lui, de toute l'estime qu'il s'en acquiert. Mais à vous Madame, je ne dois que vous temoigner la part que je prends à vos peines et vous offrir mes voeux pour le prompt retour de M. Bârou. Si vos lettres lui parviennent comme je le crois, faites moi la grace  Madame de lui dire que je ne suis l'un de ceux, qui sont le plus affligés de sa captivité, et qui en desirons le plus la fin.

Je suis avec un  profond respect

Madame

votre tres humble et tres obeissant  serviteur

Boissy d'Anglas

A Annonai 15e aout 1788

Libération

Lorsque le ministre est congédié et remplacé, le 8 août, par Necker, celui-ci intervient pour le faire libérer. 

Plus tard, dans lune lettre du 6 janvier 1789 il raconte à sa femme l'entrevue au cours de laquelle il a remercié Jacques Necker. 

Il me demanda beaucoup de détails sur le fort, son insalubrité, son régime...




Laurent de Villedeuil qui vient d’être promu conseiller d’État le 30 août, écrit, en réponse à sa demande, à Mme Barou le 4 septembre, pour lui annoncer la libération de son mari.

Lettre de M. de Villedeuil à M. Le Prévôt des Marchand

du 1er X 1788

Je viens Mr, d'envoyer des ordres au commandant du fort de Brescou pour en faire sortir M. Barou du Soleil et pour le reléguer dans sa terre du Soleil sans qu'il puisse passer par Lyon.

 

Barou est donc invité à s’exiler dans son château du Soleil, le temps que l’affaire s’apaise.


Pourquoi Pierre Antoine Barou a-t-il été incarcéré dans cette île ? me demanderez-vous.

Cela fera l’objet d’un billet suivant : O_Opposant à la réforme

 


2025-11-08

H_Herboriser


Parmi les botanistes lyonnais, Pierre Antoine Barou du Soleil est connu pour sa découverte d’une orchidée rare : l’orchis papilionacea. L’orchis papillon est une plante protégée.

Orchis papilionacea


Il herborisait notamment autour de son domaine du Soleil à Beynost, en Bresse.

Formé par Marc Antoine Claret de la Tourette, Barou est l’ami intime et le fidèle compagnon de ses sorties botaniques. 

La Tourette écrit dans ses « Démonstrations élémentaires de botanique » :

« Notre ami M. Barou du Soleil, Amateur éclairé, a le premier découvert dans notre province cette espèce ; il la trouva en 1788, dans un petit pré, situé près de la grande route de Montluel, à une lieue et demie de Lyon. »

 

La Tourrette avait eu comme lui une charge de conseiller à la Cour des monnaies. Au bout de vingt ans, il avait renoncé à ses fonctions pour se consacrer à sa passion. Il organise le jardin botanique de la nouvelle école vétérinaire avec son ami l’abbé Rozier. Je peux imaginer P.A Barou en train d’admirer tant de plantes alpines ou étrangères qui poussaient là. Il était invité dans le jardin d’acclimatation que La Tourrette cultivait chez lui, montée des Chazeaux à Lyon et d’autres encore dans le jardin botanique dans son domaine de la Tourrette à Eveux.

Le voyage en Italie

De novembre 1768 à mai 1769, Barou et La Tourrette voyagent en Italie et jusqu’en Sicile. Ce Grand Tour constitue un long voyage de formation pour le jeune homme sous la direction de son maître. Il lui fait découvrir la culture, pratiquer l’italien en rencontrant des érudits, et cela permet d’enrichir le cabinet de curiosité et les collections des deux naturalistes.

Dans la lettre qu’il envoie, le 17 décembre 1769, à Claret de la Tourrette au retour de cette expédition en Italie, Jean Jacques Rousseau lui reproche de ne s’être pas suffisamment consacré à la botanique.

« Quand j’appris votre voyage, je craignis, Monsieur, que les autres parties de l’histoire naturelle ne fissent quelque tort à la botanique, et que vous ne rapportassiez de ce pays-là plus de raretés pour votre cabinet, que de plantes pour votre herbier. Je présume au ton de votre lettre, que je ne me suis pas beaucoup trompé. »

 

Rousseau, etc.

Marc Antoine Claret de la Tourrette herborise avec J.J. Rousseau qu’il rencontre lors de ses séjours à Lyon ; c’est un ami qui fréquente le salon littéraire de sa mère. Voltaire est un ami de son père. Celui-ci possède une bibliothèque réputée pour être une des plus belles de Lyon. On voit que les relations de cette famille apparaissent fabuleuses pour le jeune Barou.  

De retour d’une expédition dans La Grande Chartreuse, Rousseau dit : « Vous trouverez dans notre guide et chef, monsieur de la Tourrette, un botaniste aussi savant qu’aimable, qui vous ferait aimer les sciences qu’il cultive ». (cité dans Les Années Rousseau, le patrimoine du XVIIIe siècle en Rhône-Alpes EMCC 2012)

La Tourrette participe au projet de la nomenclature linnéenne pour renommer les espèces connues. Il correspond avec les principaux botanistes de son époque, Carl von Linné, Albrecht von Haller, et les Lyonnais : Jean Emmanuel Gilibert, Bernard de Jussieu

Barou a rencontré, ou très souvent entendu parler de tous ces personnages que fréquente La Tourrette. Nul doute que, comme Rousseau, il a partagé leur goût pour le développement de la culture scientifique et littéraire du siècle des Lumières.

J.E. Gilibert était proche d’eux ; il a une pensée amicale et triste pour Barou dans son Histoire des plantes d’Europe :

«L’Orchis papilionacea, plante réputée italienne, trouvée au-delà de la Pape par notre malheureux ami Barou du Soleil.»

https://archive.org/details/histoiredesplan00giligoog/page/n18/mode/2up?q=Barou

 

Les herbiers


Admirez quelques planches de l’herbier de Marc Antoine Claret qui rassemble plus de mille spécimens, il est conservé au Parc de la Tête d’Or. 

Pierre Antoine Barou avait constitué 146 cahiers intitulés Herbiers de la France qui hélas semblent perdus après avoir été saisis et confiés aux membres du comité de l’Égalité le 24 fructidor de l’ère républicaine. Il n’a pas eu le temps d’ajouter à sa collection deux liasses de papier contenant des herbes desséchées qui ont dû être jetées par ceux qui sont entrés dans sa maison après son arrestation.


Barou aurait aussi découvert plusieurs plantes aquatiques, peu fréquentes dans les étangs de Dombes telle la pilularia globulifera.

Pilularia globulifera


L’herboriste Benoit Vaivolet dit à propos de l’orchis :

« Je devais le reconnaître en allant voir mon très cher ami Barou que je regretterai toujours ! » source https://www.persee.fr/doc/linly_1160-6436_1887_num_14_1_4837

 

Une passion partagée

Dans la correspondance avec Jeanne Marie, le couple échange des nouvelles sur les cueillettes de plantes.

Il est touchant de voir combien cette passion devient communicative.

Sa femme s’adonne elle aussi à la botanique, elle met à profit ses séjours dans leur domaine de Châtillon d'Azergues pour initier sa nièce Marie Antoinette Durand de Châtillon. Dans cette lettre, il lui adresse ses félicitations lorsqu’elle herborise, même en son absence.  

31 juillet 1782

« Tu as bien fait, ma bonne amie d’aller passer quelques jours à Bayères. Tu vas t’occuper sans doute de botanique et j’espère qu’à mon retour tu pourras m’en donner des leçons. Mademoiselle de Châtillon surtout doit y avoir fait de grands progrès, présente-lui l’hommage de mon admiration pour ses connaissances, en lui faisant agréer mes tendres compliments. »

 

Je ne suis pas sûre que les herbiers de Barou du Soleil aient été conservés. Je vais essayer de me renseigner auprès du jardin botanique de la ville de Lyon.


 

2025-11-07

G_ Guillotine

 

Le 13 décembre 1793, sur la place des Terreaux, devant l’Hôtel de Ville de Lyon, le spectacle est terrifiant. La guillotine est dressée et les citoyens curieux se rassemblent sidérés par l’horreur.

Des dizaines d’hommes enchaînés attendent leur tour. Parmi eux, Pierre Antoine Barou, 51 ans.

Les jours précédents, il pensait encore sauver sa vie. En prison, il écrivait à Jeanne Marie pour l’encourager à garder confiance.

Il a appris la mort de ses collègues ; dix magistrats de la Cour des Monnaies ont été exécutés sur cette place, ou fusillés dans la plaine des Brotteaux.



Son heure est venue. Il a conscience d’être innocent, mais impuissant face à la folie des révolutionnaires. Ses camarades montent les uns après les autres sur l’échafaud.

Il se dit qu’il n’aurait pas dû revenir à Lyon, ce printemps. Il voulait ne plus habiter dans cette ville qui devenait trop dangereuse pour des personnes comme lui.

Il se revoit au mois de mars, lorsqu’il était allé retrouver ses cousins à Annonay, les Barou de Canson. Ils l’avaient aidé à trouver une maison qu’il était sur le point d’acheter. Il se souvient des mots pour annoncer ce projet à Jeanne Marie. Elle se montrait réticente à quitter Lyon. Il avait l’intuition du danger à y rester.

Lettre à sa femme, le 2 mars 1793.

Il est ensuite revenu régler quelques affaires et il a été pris dans le tourbillon des événements, après les combats du mois de mai et le siège de la ville.


Aujourd’hui, il voit les têtes tomber dans la flaque de sang des précédents. Cette épreuve se déroule comme dans un vertige. Il essaye de ne pas faiblir, de se redresser, de respirer, de maîtriser le tremblement qui le gagne. Il se rend compte que les autres tentent de garder la face eux aussi. Courage, courage, murmurent-ils.

Comment est-ce possible ? La vie ne va pas s’arrêter là ? Pierre Antoine n’invoque pas le ciel, il ne croit pas à la vie éternelle. Sa mère l’a fait baptiser, son père l’a élevé dans la religion protestante. Mais il n’apparaît pas pratiquant. Il n’a pas l’habitude de prier. Ou alors peut-être un peu maintenant.

Il pense à Jeanne Marie, il l’aime, il l’a aimée… pas assez. S’il pouvait obtenir une plume, de l’encre et du papier, pour partager tout ce qu’il aurait encore à lui dire. Il voudrait être avec elle. Mais grâce au ciel … voilà qu’il invoque le ciel ... mais heureusement elle n’est pas ici… non ce n’est pas heureux, il ne la reverra plus… Enfin, par chance, elle n’est pas là. Il est préférable qu’elle demeure loin de Lyon.


Les camarades avancent les uns après les autres sur l’échafaud, ils placent leur tête sous le couperet. Les bourreaux sont épuisés, il faut continuer à trancher le plus efficacement possible. Un coup sec, pas deux (ni quatre comme pour Chalier). La foule est horrifiée.


Que va devenir Jeanne Marie ?

Ses biens seront confisqués. Les scellés seront posés sur sa maison. Son mari lui disait il y a peu : « Je crois à présent que le sacrifice de ma fortune sera ma seule peine. Que ma résignation et ma sécurité te rendent tranquille. » 

Madame Barou participe à la souscription pour l’élévation du monument des Brotteaux  (source AD 44 J 220).


Élevé en 1819, il contenait les ossements des victimes de la Révolution. Ceux-ci sont actuellement conservés dans la crypte de la chapelle Sainte-Croix (6e).


Parmi ceux-ci, j'ai cherché Pierre Antoine et d'autres parents victimes de la Révolution.

Rendez-vous dans la crypte :  l'ossuaire.

https://www.briqueloup.fr/2017/06/oossuaire.html


2025-11-06

F_ Femme de cœur

 

Une carte dans les archives de Jeanne Marie


Jeanne Marie Durand a épousé Pierre Antoine Barou le 9 mars 1770.

Elle l’a aimé pendant 24 années de leur vie de couple. Elle l’a pleuré pendant 39 années après sa mort en 1793 (G_Guillotine).

Voici son épitaphe au cimetière de Loyasse :

Ci-gît dame Jeanne-Marie Durand de Châtillon, veuve de Pierre-Antoine Barou du Soleil, ancien procureur général de la cour des monnaies, laquelle est décédée le 9 janvier 1832.

Elle réunissait toutes les qualités ; aimable, douce et sociable, amie dévouée, bienfaitrice des pauvres, elle est regrettée de tous ceux dont elle fut connue.


Fort amoureuse de ce beau parleur, Madame Barou a vécu des moments heureux avec son mari qui lui a offert une vie agréable, entre leur hôtel particulier et leur château du Soleil. Ils entretenaient des relations avec quantité d’amis dont certains l’ont beaucoup aidée. Les samedis, ils donnaient des réceptions appréciées de leurs invités.

Pierre Antoine apparaît comme un homme attentionné qui lui écrivait des lettres pleines d’amour qui se terminaient toujours sur des mots  tendres et des baisers (K_Kisses).

Elle était son amie, sa confidente, il partageait avec elle ses projets, ses inquiétudes, ses espoirs. Lors de ses séjours à Paris, il lui écrivait tous les deux jours en réponse à ses lettres. Il racontait en détail ses affaires, il avait certains soucis financiers qui ne mettaient pas en péril leur train de vie. Il commente les événements politiques, l'engageant à lire les publications et journaux. En critique averti, il lui décrivait les spectacles à l’opéra ou au théâtre,  

En rentrant des visites à leurs amis, il ne manquait pas de lui transmettre les gentillesses évoquées à son intention, comme si elle était présente dans ces réunions.


Elle lui a pardonné son attirance pour d’autres femmes, elle a mis des limites à une certaine relation qui pouvait devenir dangereuse pour leur couple. Elle doutait de sa fidélité et le rappelait à l’ordre fermement, tout en étant consciente qu’elle n’avait pas autant de charme que sa rivale.



Monsieur et madame Barou n’ont pas eu d’enfant, peut-être que ce manque les unissait dans la vie qu’ils ont construite ensemble.

Sans doute avait-elle été éduquée dans un pensionnat de jeunes filles catholiques, elle avait un oncle chanoine, cependant elle ne parait guère pratiquante. Elle déplorait d’être moins instruite que son mari. Celui-ci partageait avec elle ses lectures, ses critiques musicales et littéraires, Elle a dû apprendre beaucoup de ces échanges, et des rencontres avec des académiciens, des savants, des érudits qu’ils recevaient dans leur salon.

Comme eux, elle s’est passionnée pour la botanique, elle aimait herboriser dans son domaine du Soleil et dans les propriétés de sa famille à Châtillon, Bayère, La Flachère, etc

Famille Durand de Châtillon

 


Jeanne Marie Durand est issue d’une famille de bourgeois lyonnais qui ont fait fortune dans le commerce. Son père, Paul Durand était marchand fabriquant veloutier. Il a acquis un office de conseiller secrétaire du roi. En 1753, il a acheté la seigneurie de Châtillon d’Azergues.


Jeanne Marie a deux frères et une seule nièce qui hérite d’elle. Marie a conservé les archives et la correspondance à travers laquelle j’essaye de dessiner le portrait de Jeanne Marie.

 

Vous avez aimé, relisez ces billets :

De la tendresse dans les archives

Son portefeuille plein de douceur, de nostalgie et de mystère



2025-11-05

E_ En son hôtel

 Erreur sur la maison


« A l‘ouest de la place de la Trinité, entre la rue Saint-Georges et la montée du Gourguillon, l'étroite façade Nord de la maison emblématique de la place dite la « Maison du Soleil», datée de 1723, est décorée en son centre d'un soleil doré sur fond bleu en référence au propriétaire du XVIIe siècle, un capitaine de la milice nommé Barou du Soleil, ainsi que d'une statue de la Vierge et d'une statue de Saint-Pierre dans deux niches d'angle. » (source http://www.patrimoine-lyon.org/Vieux-Lyon/saint-georges/la-place-de-la-trinite)

Ce joli soleil fait lever la tête des passants, les touristes s’arrêtent pour zoomer l’astre qui darde ses rayons. Et les guides racontent cette légende que l’on peut lire dans plusieurs ouvrages :

« Cette maison, construite au 16ème siècle, tire son nom du soleil surmontant une fenêtre du 1er étage, emblème de la famille Barou du Soleil, propriétaire des lieux au 17ème siècle. La tête casquée, au-dessus de la porte, en est peut-être un autre souvenir, en référence à l’éminente fonction de l’un d’eux, capitaine de la milice urbaine. »

Pourtant, le propriétaire n’a jamais été Barou du Soleil !

 

Où habitaient Monsieur et Madame Barou du Soleil ?

C’est la question que je me suis posée, car j’aurais aimé leur rendre visite.

Le facteur savait où porter cette lettre ! 

Quelle satisfaction pour Pierre Antoine d’habiter avec sa femme dans leur bel hôtel à Lyon, proche de voisins et amis importants !

La maison se trouvait au numéro 4 de la rue Saint-Joseph, connue actuellement comme la rue Auguste Comte. 


Malheureusement, la démolition de l’immeuble, il y a une soixantaine d’années en a effacé les traces. Regardons attentivement cette photo de 1972, à l’arrière-plan, l’immeuble neuf en clair semble évoquer le fantôme de l’hôtel des Barou du Soleil, que j’aimerais tellement voir en gravure.


L'hôtel des Barou du Soleil apparaît sur cette photo de la fin du XIXe, à côté de l’hôtel de Varey situé au n° 2, avec sa façade sur la place Bellecour. Jean Dervieux du Villars de Varey est le voisin, et aussi collègue de Barou, conseiller à la Cour des Monnaies.

 

Sur ce plan de 1865, la propriété appartient au petit-neveu de Jeanne Marie, comte de Chaponay.

La façade principale donne sur la rue Saint-Joseph, et la cour sur la rue de Bourbon, actuellement rue Victor Hugo. La cour intérieure, considérée comme un jardin, car les Barou aimaient les plantes, contient un puits. Elle s’ouvre sur les écuries où l’on peut loger quatre chevaux, et les remises où se gare une diligence verte, et une autre remise où est déposée une chaise à porteurs.

 

Le 1er avril 1758, le père Antoine Barou avait fait, moyennant la somme de 95 000 livres, l’acquisition d’une partie du terrain provenant du monastère des Bénédictines du Blye. Les religieuses y restèrent jusqu’en 1741, date à laquelle ce prieuré est supprimé. Il a fait construire un bâtiment de 760 m2 s’élevant sur trois étages, à côté de l’hôtel de Varey.

La façade ayant pour surface 760 m2 mesure dix-huit mètres. Le rez-de-chaussée comporte dix- sept pièces, le premier étage treize pièces, le deuxième étage dix pièces, et le troisième étage sept pièces.


En 1809,

Trente et une personnes vivent dans l’immeuble, dont deux membres du conseil municipal de Lyon. La Veuve Barou occupe huit pièces, avec son frère Simon Antoine Durand de la Flachère et quatre domestiques. Au 2ème étage, sept pièces sont attribuées à sa nièce Marie, épouse de Chaponay avec leurs trois enfants.

https://www.fondsenligne.archives-lyon.fr/ark:/18811/7c634670c230b8187f6c1d02e81fae2b#

En 1815

On compte trente-six personnes. On loge quatre chevaux dans l’écurie, deux appartiennent à madame Barou, et deux à sa nièce. Beaucoup de personnes sont veuves, la cour est animée par cinq enfants. Un portier qui est aussi tailleur garde la maison. Une brodeuse à main habite au dernier étage. Malgré les travaux d’entretien qui ont été faits, les appartements doivent avoir perdu de la valeur, car les locataires apparaissent moins aisés, selon le recensement aux AML.

https://www.fondsenligne.archives-lyon.fr/ark:/18811/9012e606fbeb4efb3de0f309eb1ca8ad

En 1878,

Le contrat de mariage de son petit-neveu, Antonin de Chaponay avec Cécile Reynaud de Boulogne mentionne en dot l’immeuble du n°4 rue Saint-Joseph dont le revenu annuel excède 16000 francs.

Il le vend le 5 mars 1881. Au siècle suivant, l’immeuble va être démoli entre 1968 et 1972.

 

Dans le prochain billet , 

nous ferons connaissance avec la maîtresse des lieux Jeanne Marie :

F _ femme de cœur.

 

 


2025-11-04

D_ Doué et doté


Antoine a des raisons d’être fier de son fils, Pierre Antoine est un élève doué et brillant, il réussit un parcours accéléré.

Son père « l’envoya dans les différents collèges de Lyon, jusqu’à l’âge de 18 ans qu’il le fit partir pour Paris pour l’instruire dans l’état qu’il lui destinoit. »

Pont du Change à Lyon


Le Petit-Collège se trouve à deux rues de leur appartement place du Change.

En grandissant, il a continué sa formation au Grand-Collège. Pour un écolier pressé, il suffisait de traverser la Saône sur le pont du Change, pour rejoindre l’église Saint-Nizier, puis la rue de la Fromagerie et continuer en courant, jusqu’au bout de la rue Neuve afin d'arriver à l'école avant la cloche du début des cours. Le collège de la Trinité est, comme le précédent, tenu par les jésuites, l’enseignement est réputé, les bourgeois de Lyon y envoient les garçons.

Antoine désirait que son fils entre dans la magistrature.

Il n’y a pas d’université à Lyon. Pierre Antoine est monté à Paris pour étudier à la Faculté de droit.


Précieusement conservé, ce diplôme en latin en partie imprimé avec le sceau pendant ogival, en cire rouge dans une boîte en fer martelé certifie que Petrus Antonius obtient une licence de droit en 1765.


L’année suivante, il achète un office d’avocat à Jean François Tolozan, au prix de 1237 livres 12 sols.



24 mars 1766, il n’a que vingt-sept ans et pas encore les trente ans exigés pour être avocat.

Alors, il a eu besoin de lettre de dispense d’âge, à l’effet d’être avocat

 


Pour doter son fils unique, son père a investi dans l’achat d’offices de conseiller du roi. Ceux-ci sont mentionnés dans le contrat de mariage.

Les sommes payées par ledit Antoine Barou pour l’acquisition, provision, réception et installation des deux offices de conseiller du Roy, son avocat général en la cour des Monnoyes, sénéchaussée et siège présidial de Lyon, et de conseiller avocat du Roy en la juridiction des traites de la même ville, dont ledit Pierre Antoine Barou est pourvu et lui en a en conséquence remis toutes les quittances.

 

Dans ce contrat de mariage, il est établi que le père vient de faire, trois ans auparavant, l’acquisition de la terre fief et château du Soleil dont il fait donation à son fils. Selon l’usage à l’époque pour les bourgeois qui n’étaient pas nobles, Pierre Antoine ajoutera désormais la particule de cette propriété ; il se fera appeler Barou du Soleil.

 

La Cour des monnaies de Lyon

La Cour des monnaies est compétente pour juger des affaires en rapport avec les monnaies et les matières d’or et d’argent, ainsi que les métiers qui les utilisent : orfèvres, tireurs d’or et d’argent, guimpiers, changeurs,…

Un office dans une cour souveraine est anoblissant, pour cette raison il est très couru par les notables de la bourgeoisie lyonnaise. Exercer les fonctions pendant 20 ans confère le titre d’écuyer et la noblesse héréditaire. Barou peut se dire « écuyer ». Il jouit des privilèges personnels de la noblesse. Mais avant d’être réellement noble, il doit accomplir les conditions de durée imposées par le roi.


Manque de chance : l’Hôtel des Monnaies de Lyon est supprimé le 21 août 1771. La création de l’office de procureur du roi en la Cour des monnaies de Lyon n’offre pas les mêmes avantages. Barou qui se sent lésé ira à Paris pour réclamer une pension en remboursement de ce préjudice. 

Ses séjours donnent l’occasion d’écrire des lettres à son épouse. Puisqu’elle les a conservées, elles nous apprennent beaucoup sur cet homme. 



En dot, il reçoit de son père un bel immeuble