2018-06-25

Le fils du héros


Le fils du héros, Karla Suarez

El Hijo del héroe,
traduit de l’espagnol (Cuba) par François Gaudry, éd. Métailié, 2017, 259 p.

https://editions-metailie.com/livre/le-fil-du-heros/

Le père du héros de ce roman est-il un héros ?
Aucun doute, il faisait partie des troupes cubaines, il est mort en Angola ce qui lui confère un statut digne des honneurs de la nation cubaine.
Ernesto avait douze ans lorsqu’il devient « le fils du héros », il prend alors sur lui le poids de ce deuil, et sa vie parait triste, taciturne, raisonnable et studieuse.
Au fil de ses rencontres amoureuses, le jeune homme devient un grand lecteur.
La construction de ce roman est brillante, chacun des 26 chapitres porte le titre d’un livre important pour Ernesto. Ce qui donne envie au lecteur d’explorer ces livres ; depuis La forêt obscure jusqu’au Retour aux sources, les récits sont émaillés de références et de citations discrètes que l’on a envie de ne pas négliger.
Cependant, le récit d’Ernesto nous ramène inexorablement à sa quête sur la biographie de son père.

Renata, sa femme, se montre réticente envers ce projet qui va finalement causer la ruine de leur couple qui était si bien assorti. C’est aussi ce que lui dit son ami Berto, un vétéran cubain à qui il pose tant de questions sur l’Angola.
« Puis il leva les yeux sur moi, je devrais prendre garde, dit-il, c’était important tout ce travail que je faisais sur la mémoire, sur le passé, mais il craignait qu’à trop m’obstiner je perde contact avec le présent. »
Ernesto tient un blog pour écrire sur cette guerre lors de laquelle Cuba s’est engagé en Angola. Par ce moyen, il essaye de comprendre pourquoi Cuba a envoyé ses hommes, dont son père, mourir en Afrique.

Ce superbe récit nous transporte de Cuba à Lisbonne, en passant par Berlin. 

« La mémoire est comme une grande malle remplie de petites boîtes des souvenirs différents qu’on sort ou qu’on laisse selon son humeur. Le problème est que parfois, par inadvertance, une de ces petites boîtes s’ouvre toute seule et devient comme la maudite boîte de Pandore. Alors il faut s’organiser, saisir les souvenirs au vol, les remettre dans leur petite boîte, la fermer en forçant et en poser une autre dessus, pleine de moments agréables, plus forts et plus volumineux.  Surtout ça : quelque chose de fort qui occupe l’espace. »
Ernesto se remémore les réunions de famille à La Havane entre l’exubérance de ses oncles et la tristesse de sa mère, les colères de sa sœur et les silences d’Antonio, ami de son père.
Ce père tellement parfait qui n’aurait comme défaut que celui d’être mort.


Lisez ce roman, vous comprendrez comment la chute qui s’esquisse dans le chapitre « Les intermittences de la mort » se révèle inattendue. Karla Suarez a réussi un livre passionnant qui nous éclaire sur l’histoire de Cuba vécue par le héros pendant les années 1970.

2018-06-16

Un grand-père intimidant


Cher grand-père, je dois d’abord vous dire que vous m’intimidiez beaucoup, avant que je ne vous rencontre.


- Vous exagérez : lors de notre premier RDVAncestral, j’étais un petit garçon !
- Déjà à cette époque, j’avais été époustouflée par votre intelligence précoce et l’on pouvait prédire que vous seriez un inventeur.
- Mais je n’ai rien inventé !
- A présent, je vous connais mieux et je sais que votre carrière est admirable. Mais pourquoi ne pas avoir expliqué à vos enfants les recherches qui vous occupaient ?
- Ma meute était bien trop dissipée pour me suivre.
- Voilà ! vos descendants ignorent que vous étiez un grand homme.
- Vous exagérez encore !
- Je dois vous avouer que pour réparer cela, j’ai commis un article sur Wikipedia.
- Veuillez m’expliquer ce que c’est ?
- Wikipedia, c’est une encyclopédie dans laquelle on écrit nos connaissances : des biographies de savants, de personnages qui ont marqué leur époque...
- J’aime beaucoup les dictionnaires et j’en possède un grand nombre, mais je ne comprends pas ce que je ferais à l’intérieur d’une encyclopédie.
- Vous avez une existence qui mérite d’être reconnue, votre travail est celui d'un précurseur,  vous avez laissé des ouvrages qui peuvent encore être étudiés avec intérêt.
- Qu’est-ce qui vous intéresse tant dans ma vie ?
- Tout bien sûr ! Mais ne vous inquiétez pas, je ne parle que de votre vie publique professionnelle pour laquelle on trouve on trouve beaucoup de traces, tout compte fait. J’ai eu envie de les rassembler pour vous rendre hommage, afin que vous ne soyez plus effacé entre votre père et vos filles.
- Alors maintenant, je ne vous intimide plus ?
- Oh si, peut-être davantage encore !