2016-12-29

Une feuille cachée sous une poutre brûlée

Il y a plusieurs siècles, un homme a glissé une feuille de papier manuscrite sous une poutre de sa maison.
Le temps passa, ce bout de papier a été oublié. La maison a changé de propriétaire plusieurs fois. La poutre brûla en partie, le feu a été éteint avant que le papier ne se consume. Ce document n’a pas été découvert jusqu’à l’époque contemporaine.

Notre voisin, et ami, a aménagé la cave au sous-sol de sa maison et il a eu la surprise de trouver ce petit morceau de papier.

La feuille de papier a été pliée en deux, en quatre, en huit … 
Les traces de l’incendie dessinent une belle symétrie étoilée.
Froissé, troué, déchiré, rongé par les vers et brûlé, ce document apparaît néanmoins déchiffrable en partie.
L’encre a beaucoup pâli rendant plusieurs mots illisibles. Le scripteur écrivait avec soin, dans son souci d’être précis il a raturé plusieurs mots.

Que contient ce document ? On ne sait pas qui l’a écrit.

Pourquoi voulait-il le cacher cela aux regards indiscrets ?


La suite à lire dans les prochains billets, cliquez sur les liens ci-dessous :

Les patronymes  : Une feuille cachée sous une poutre _2

Les lieux : Une feuille cachée sous une poutre _3

Les comptesUne feuille cachée sous une poutre _4

Les hommes : Une feuille cachée sous une poutre_5

Document et transcription : Une feuille cachée sous une poutre _6

Lumières et ombres  : Une feuille cachée sous une poutre_7

2016-12-17

Il était une fois un berger arrivé chez nous pour la Noël

Au moment où j’ai rencontré Marxel, pour ce Rendez-Vous Ancestral, (#RDVAncestral) il était absorbé dans ses rêveries, il contemplait ses montagnes.
Je m’attendais à le trouver là, sur l’aire du Baou, je connaissais son point de vue préféré pour voir le Portaou dou Bliou.

Je m’approchai doucement, je lui dis que comme lui j’admirais le Mourre de Chanier majestueux en ce soir de Noël.  


Ce jeune homme portait une pèlerine négligemment ouverte par le vent, laissant voir une veste en drap de laine épaisse. Il se tenait fier et droit dans ses chaussures en cuir de Barjols dont la propreté m’étonna. Ce jour-là, le berger n’avait pas couru les chemins, il avait d’autres occupations puisque son mariage venait d’être célébré le 21 décembre 1610.
Le ciel devenait rose sur le plan de Canjuers et sur les Gorges du Verdon, la lumière rendait les montagnes  magiques.
Marxel calma son chien qui me faisait des fêtes et son beau sourire fut irrésistible lorsqu’il m’invita à le suivre : 
« Une double fête se tient se soir chez Magdallene Boyer. Nous fêtons nos noces et c’est la nuit de Noël. Le gros souper se prépare, viens donc, tu es des nôtres. »

Déjà l’obscurité avait recouvert notre village, j’essayais de trouver des re-pères, car j'étais transportée quatre siècles auparavant, j’étais éberluée, mais tellement heureuse d'être invitée par mon ancêtre Marcel Audibert (sosa 1376).


 Je vous assure que c’est un véritable conte de Noël que j’ai vécu ce soir-là.
Nous entrâmes dans la crèche où notre berger alla nourrir ses moutons, il s’attarda pour caresser sa mule. Nous montâmes à l’étage, je ne saurais l’affirmer mais il me semble que nous arrivâmes dans ma maison. Toute la famille était rassemblée dans une salle voûtée aux murs épais, je ne reconnus personne !

Marxel se dirigea vers Magdallenne, il lui murmura un secret, elle se tourna vers moi, alors son regard s’embruma d’une émotion violente. Malgré le soutien de son mari, ma toute jeune aïeule ne put franchir la distance qui nous sépare.

Il aurait fallu que je rencontre son père, prénommé Guilhem sur leur contrat de mariage et Pierre sur l’acte de baptême de la jeune épouse. Mais il y eut alors une grande agitation. Tous s'exprimaient dans la vieille langue provençale. Ils se mirent à chanter :
Cacho-fio
Bouto-fio
Un vieillard portait la bûche de Noël, il était accompagné d’un jeune enfant qui tenait un verre de vin. On alluma le feu dans la cheminée. Le papé versa le vin cuit sur la bûche qui sentait bon le bois d'olivier, la déposa dans l’âtre. On boute le feu.
Avant que j'aie pu essayer de comprendre, je fus entraînée dans une farandole autour de la table.

Cacho-fio

Bouto-fio

Alegre ! Diou nous alegre !

Calendo ven, tout ben ven

Diou nous fague la graci de veire l’an que ven

E se noun sian pas mai, 
que noun fugen pas mens


Bûche de Noël, 
Donne le feu 
Réjouissons nous 
Dieu nous donne la joie 
Noël vient, tout vient bien 
Dieu nous fasse la grâce de voir l’an qui vient 
Et si nous ne se sommes pas plus 
Que nous ne soyons pas moins.

2016-12-11

Les enfants d’Élisabeth et Charles en 1914/18

Nous avons assisté, dans l'article précédent, à la demande en mariage de Charles, suivie d'un bouquet de lilas blancs envoyé chez Élisabeth.
Occupée à numériser le fonds de correspondance, j’ai ouvert le paquet de lettres écrites par Élisabeth, Charles et leurs enfants.

Pendant les années 1914-1919 leurs enfants ont participé à la Première Guerre Mondiale.
J’ai accordé une attention particulière à certaines missives touchantes. Les informations qu’elles contiennent sont intéressantes pour comprendre comment nos familles ont survécu pendant cette période.

Élisabeth et Charles, mariés en 1891, ont cinq enfants entre 1892 et 1903.
En 1914, l’aîné, René, a 22 ans et le plus jeune, Louis, a 11 ans.

René part avec le 99e régiment d’infanterie dès la déclaration de guerre le 2 août 1914.
Le 3 octobre, il est fait prisonnier de guerre, à Fontaine-les-Cappy dans la Somme.
Il est transféré en Bavière, à l’ouest de Munich ; il reste en captivité à Lechfeld, jusqu’ au 23 décembre 1918.
René écrit des lettres qui échappent à la censure. Néanmoins il ne raconte pas exactement les conditions qui s’avèrent particulièrement rudes dans ce «camp de la terreur» où il y avait  peu de soins sanitaires, pas de chauffage, les hommes ne disposaient même pas tous d'un lit. Les prisonniers travaillent dur et surtout ils ont faim. «Il nous demande du pain», «Est-ce un signe de disette générale ou un régime plus sévère dans cette caserne ?» écrit son père, le 20/04/1915.
Il semble que son oncle André puisse lui envoyer des mandats. La famille prépare des colis.
Voilà ce que dit sa mère qui reste optimiste :

Dans la même lettre, (non datée mais écrite à la fin de 1915), Élisabeth donne des nouvelles des plus jeunes :
« Poucette grandit toujours et tricote pour les soldats »
Loulou est élève au lycée des Minimes « mais tous les professeurs partent prochainement paraît-il». On peut se demander ce que deviennent les lycéens dès lors.
Marcelle, l'ainée des filles, a 20 ans, elle est infirmière à la Croix-Rouge de Lyon, comme le sont la plupart de ses cousines proches et lointaines.
 «Marcelle continue à aller régulièrement à son ambulance »
Dans une lettre ultérieure, sa sœur écrit à son sujet :
«Elle est très inquiète d’Albéric (son fiancé) qui est à Verdun et qui n’a pas écrit depuis le 30 juin »
Ces fiancés vont se marier le 8 juin 1917, sans attendre la fin de la guerre.  
Lucien, le troisième de la fratrie «s’apprête à partir avec la classe 1916» annonce sa mère qui ne montre pas d’émotion lorsqu’elle donne des nouvelles de chacun de ses enfants. Elle ne laisse transparaître aucune inquiétude, aucune réticence à voir partir ses fils. Nous n’avons pas vécu cette époque dans laquelle les sentiments patriotiques étaient de rigueur.
D’après sa fiche matricule, Lucien est parti le 2 décembre 1915 avec le 30e bataillon de chasseurs à pied.
Le jeune homme est gravement blessé aux deux cuisses, le 18 juin 1918, à Dammard, dans l’Aisne, «en portant des ordres sous un violent bombardement.» Sa nomination pour la Croix de guerre avec étoile en argent, précise qu’il est «Excellent chasseur. Modèle de bonne humeur et de courage, toujours volontaire pour les missions périlleuses.»
Ses parents vont le voir à Montauban où il est soigné. Charles, son père, donne des nouvelles :
En convalescence, Lucien écrit à son oncle André, il le remercie pour sa lettre de félicitations à la suite de sa décoration. 
Quelle modestie ! Il ne se pose pas en héros, ce jeune homme faisant le bilan de cette guerre qui le rend handicapé et décoré d’une médaille. 

Tous sont revenus vivants de la Grande Guerre, mais que de douleurs !

2016-12-06

Bibliographie : Mariages, à Lyon, au XIXe siècle.


Philippe Ariès et Georges Duby (dir.) Histoire de la vie privée, tome IV
                   « De la Révolution à la Grande Guerre », Paris, Seuil, 1987

Cécile Dauphin, Pierrette Lebrun-Pezerat, Danièle Poublan, Ces bonnes lettres. Une correspondance familiale au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1995    http://correspondancefamiliale.ehess.fr/

Cécile Dauphin et Danièle Poublan, « De l’amour et du mariage. Une correspondance familiale au XIXe siècle », Clio. Femmes, Genre, Histoire [En ligne], 34 | 2011. URL : http://clio.revues.org/102

Caroline Muller. "Je crois que je l'aimerai de tout mon cœur" Le rôle du journal de jeune fille dans la préparation des mariages, XIXe siècle, 2013. 
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01287244/document

Michelle Perrot, La vie de famille au XIXe siècle, Ed. Seuil 2015 
suivi de
Anne Martin-Fugier, Les rites de la vie privée bourgeoise,

Bernard Berthod, Elisabeth Hardouin-Fugier, Les ex-voto de Fourvière, La Taillanderie, 2008

André Chagny, Un lyonnais d’autrefois Joseph Perouse, Audin Lyon, 1946

Dictionnaire historique de Lyon, par Patrice Béghain, Bruno Benoit, Gérard Corneloup,  Bruno Thévenon,  Ed. Stéphane Bachès, 2010

Sociologie de Lyon, M. Vogel, I. Mallon, Y. Grafmeyer, JY. Authier, 2010  http://widget.editis.com/ladecouverte/9782707156020/#page/1/mode/1up

Jean Dufourt, Calixte ou l’introduction à la vie lyonnaise, 1925

Catherine Pelissier, La vie privée des notables lyonnais (XIXème siècle), Editions lyonnaises d’art et d’histoire, 1996

Segalen Martine, éloge du mariage, Gallimard, 2003


 La Noce chez le photographe, Dagnan-Bouveret, 1879, MBA Lyon, 

Pour voir l’œuvre en détail, image de meilleure qualité au Musée des Beaux-Arts de Lyon : http://bit.ly/29mpEKn
Pour écouter l’audio guide du musée, commentaire excellent (1:56) en admirant les détails du tableau :
https://www.youtube.com/watch?v=ttDTOiaSCLw

2016-12-01

Un bouquet de lilas blancs

Une lectrice attentive que je remercie vivement, attire notre attention sur le bouquet de lilas dont il est question dans l’article précédent sur les mariages à Lyon au XIXe siècle.

La lettre de Jeanne, datée du 28 janvier 1891, annonce le prochain mariage de sa fille Elisabeth.



Dans cette lettre délicieuse, tous les mots comptent.
Jeanne vient d’accepter la demande en mariage et tout va aller très vite : « c’est à la vapeur … »

Depuis onze mois, Jeanne hésite à donner son accord, mais ce jour-là elle ne résiste pas. Elle paraît la première à être surprise de prononcer le "Oui" qui a débloqué la situation.
On peut imaginer la joie du jeune homme persévérant.
Élisabeth a 20 ans, elle est jolie. Elle ne se fait pas prier pour se présenter à son futur beau-père et à son fiancé. Elle apparaît « en toilette assez négligée » la visite ayant lieu le matin, la jeune fille ne s’attend pas à devoir faire toilette si tôt.


En tout cas, elle vient saluer « sans faire la moindre difficulté », il est évident que la jeune demoiselle a été consultée, le projet de mariage lui convient.
Charles va avoir 27 ans, il est clerc de notaire. Peut-être n’a-t-il pas encore une situation confortable, mais son père a su convaincre la future belle-mère. 

« Un moment après nous recevions un paquet de lilas blancs ».
Le futur marié sait se conformer à la tradition de faire livrer illico un bouquet dans la maison de la future. S’est-il posé la question du symbolisme des fleurs ?  Au XIX, le langage des fleurs est chargé de sens, le lilas blanc annonce l’amour naissant idéalisé, il veut dire : aimons-nous.

Edouard Manet, Lilas dans un vase, 1882

La question posée est celle-ci :
Le bouquet est livré le 28 janvier, comme le précise la lettre de Jeanne. 
Comment un fleuriste lyonnais peut-il trouver des lilas blancs en cette saison ? Au mois de janvier, sont-ils en fleurs sur la Côte d’Azur ? Viennent-ils d’Italie ou d’ailleurs ?
J’attends vos suggestions …

Merci aux lecteurs qui ont contribué à chercher ces réponses, à voir ci-dessous ...↘