Vite
avant que tout disparaisse, allons sur le plateau de la Croix-Rousse pour ce #RDVAncestral.
À la rupture de pente côté est, un immeuble, nommé le Belvédère, domine
le Rhône.
Mais peu à peu, ce mastodonte s’efface, comme s'il n'avait pas encore été construit...
Et nous voilà en 1854, exactement sur son terrain.
Le long de la voie, les Gloriettes sont des tonnelles recouvertes par des treilles, où grimpent des guirlandes légères de fleurs. Par extension, ce nom fut donné aux pavillons de jardin marquant l’angle d’un mur, puis aux demeures de ce quartier.
Le long de la voie, les Gloriettes sont des tonnelles recouvertes par des treilles, où grimpent des guirlandes légères de fleurs. Par extension, ce nom fut donné aux pavillons de jardin marquant l’angle d’un mur, puis aux demeures de ce quartier.
Déjà en 1696, sur le plan scénographique (AML), on voit la Gloriette |
J’arrive devant la maison au numéro 4,
Petite-rue des Gloriettes.
Une silhouette passe derrière l’une
des petites fenêtres donnant sur la rue.
Thérèse Mital (sosa 45) me fait entrer dans une pièce servant de salle à manger,
éclairée par deux croisées avec de grands rideaux en coton blanc, une porte vitrée
ouvre sur un jardin à l’orient.
Je remarque son ventre arrondi. La
future maman aura vingt et un ans et un mois, en décembre, lorsqu’arrivera
son premier né. Elle annonce : si c’est un garçon, il s’appellera Joseph.
C’est le trisaïeul de mes enfants, lui dis-je.
Tiens ! On entend des musiciens
dans cette maison : dans le
salon voisin, la petite Julie
Victoire, âgée de huit ans, travaille une sonatine sur le piano droit en acajou.
Assise à côté d’elle, sa sœur Élisa qui a le double de son âge classe des partitions
dans le casier à musique. Elle pose un cahier sur le pupitre.
Les sœurs ressemblent-elles à celles-ci Renoir (Musée d'Orsay) |
Thérèse ouvre la porte vitrée aux rideaux en mousseline brodée, donnant au matin sur le jardin complanté d’arbres. L’automne les pare de feuillage doré. Depuis le balcon de la Croix-Rousse, on peut voir le Mont-Blanc lorsque souffle le vent du midi qui annonce la pluie. Le jardin est vaste, beaucoup plus que ce que je l'imaginais. Nous faisons le tour du potager, il donne des fruits et des légumes appréciés. Les chrysanthèmes sont en fleurs. Thérèse m’explique que dans ce quartier, l’air passe pour bien meilleur que celui de Lyon.
Je ne sais pas si, en 1920, le jardin était encore à eux. |
Trois
bancs en bois avec pieds et garniture en fonte nous
invitent à nous asseoir autour d’une table.
Thérèse Victoire s’est mariée
avec Casimir l’an dernier, mais elle aime revenir dans sa maison où elle
retrouve ses sœurs et son frère Jérôme, de deux ans son cadet.
Le voilà qui nous
rejoint, portant une cafetière entourée de tasses en porcelaine, de cuillères à
café en vermeil, sur un plateau en tôle vernie.
La Pergola, S. Lega, 1868, Pinacoteca Brera, Milan, |
Lorsqu’ils étaient enfants, ils
venaient ici l’été seulement, c’était leur maison de campagne, ou plutôt celle
du grand-oncle Joseph Sandier.
Généreux, il a donné cette maison à sa nièce, Julie
Catherine Sandier, leur mère, le jour où son contrat de mariage a été signé. Bien sûr, il
s’en réservait la jouissance, jusqu’à sa mort, survenue il y a dix ans.
Leur famille qui habitait place
de la Baleine, dans le vieux quartier de Lyon, préféra alors s’installer dans cette propriété à la Croix-Rousse. La grand-tante, Jeanne Marie Steinman, restée dans sa demeure depuis la mort de Joseph, a
maintenant 83 ans, elle vit avec eux.
Jérôme dit que nous pouvons aller voir leur mère qui se repose dans sa chambre au premier étage. Thérèse ne cache pas son inquiétude, car Julie Catherine est bien faible. Elle n’a que 53 ans, pourtant elle semble épuisée.
Elle s’excuse de laisser à sa fille le
soin me recevoir. Je lui confie que Thérèse est une ancêtre pour laquelle j’ai beaucoup
d’affection (peut-être parce qu’elle est décédée si précocement). Mais cela, je
préfère ne pas le révéler à sa mère qui, heureusement, ne verra pas mourir trois
des quatre jeunes qu’il lui reste. Un sourire illumine furtivement son visage
lorsqu’elle me dit qu’elle a donné naissance à neuf enfants, hélas cinq sont décédés
en bas âge.
Devine-t-elle mes pensées ? Julie
Catherine me demande si je suis allée au cimetière de la Croix-Rousse. En effet, j’ai
admiré la tombe qu’elle a fait construire pour Jean, son mari.
Sait-elle qu’elle
va le rejoindre le 30 octobre prochain ?
Thérèse se rend compte que sa mère commence à s’assoupir, nous la laissons dormir.
Nous traversons un corridor de distribution, dans lequel se trouve : un corps de
bibliothèque en bois noyer. J’aimerais m’attarder pour examiner les livres.
Mais je n’ose le faire aujourd’hui, car je me rends compte que tout le monde
est fatigué : Thérèse dont le pas ralentit, Jérôme qui a envie de courir
ailleurs, les jeunes sœurs qui ont arrêté la musique et mes lecteurs aussi, je
suppose, qui aiment les textes courts.
Je les ai croisés aujourd'hui et ils m'ont conduit chez eux lors du récent #ChallengeAZ :
Casimir, rue Grenette
Sources
Archives de Lyon, état civil, plans et cadastre
AD 69, Inventaire après décès (d'où proviennent les citations en italique)
La Pergola, https://pinacotecabrera.org/en/collezione-online/opere/an-afternoon-the-pergola/
La Pergola, https://pinacotecabrera.org/en/collezione-online/opere/an-afternoon-the-pergola/