2016-12-29

Une feuille cachée sous une poutre brûlée

Il y a plusieurs siècles, un homme a glissé une feuille de papier manuscrite sous une poutre de sa maison.
Le temps passa, ce bout de papier a été oublié. La maison a changé de propriétaire plusieurs fois. La poutre brûla en partie, le feu a été éteint avant que le papier ne se consume. Ce document n’a pas été découvert jusqu’à l’époque contemporaine.

Notre voisin, et ami, a aménagé la cave au sous-sol de sa maison et il a eu la surprise de trouver ce petit morceau de papier.

La feuille de papier a été pliée en deux, en quatre, en huit … 
Les traces de l’incendie dessinent une belle symétrie étoilée.
Froissé, troué, déchiré, rongé par les vers et brûlé, ce document apparaît néanmoins déchiffrable en partie.
L’encre a beaucoup pâli rendant plusieurs mots illisibles. Le scripteur écrivait avec soin, dans son souci d’être précis il a raturé plusieurs mots.

Que contient ce document ? On ne sait pas qui l’a écrit.

Pourquoi voulait-il le cacher cela aux regards indiscrets ?


La suite à lire dans les prochains billets, cliquez sur les liens ci-dessous :

Les patronymes  : Une feuille cachée sous une poutre _2

Les lieux : Une feuille cachée sous une poutre _3

Les comptesUne feuille cachée sous une poutre _4

Les hommes : Une feuille cachée sous une poutre_5

Document et transcription : Une feuille cachée sous une poutre _6

Lumières et ombres  : Une feuille cachée sous une poutre_7

2016-12-17

Il était une fois un berger arrivé chez nous pour la Noël

Au moment où j’ai rencontré Marxel, pour ce Rendez-Vous Ancestral, (#RDVAncestral) il était absorbé dans ses rêveries, il contemplait ses montagnes.
Je m’attendais à le trouver là, sur l’aire du Baou, je connaissais son point de vue préféré pour voir le Portaou dou Bliou.

Je m’approchai doucement, je lui dis que comme lui j’admirais le Mourre de Chanier majestueux en ce soir de Noël.  


Ce jeune homme portait une pèlerine négligemment ouverte par le vent, laissant voir une veste en drap de laine épaisse. Il se tenait fier et droit dans ses chaussures en cuir de Barjols dont la propreté m’étonna. Ce jour-là, le berger n’avait pas couru les chemins, il avait d’autres occupations puisque son mariage venait d’être célébré le 21 décembre 1610.
Le ciel devenait rose sur le plan de Canjuers et sur les Gorges du Verdon, la lumière rendait les montagnes  magiques.
Marxel calma son chien qui me faisait des fêtes et son beau sourire fut irrésistible lorsqu’il m’invita à le suivre : 
« Une double fête se tient se soir chez Magdallene Boyer. Nous fêtons nos noces et c’est la nuit de Noël. Le gros souper se prépare, viens donc, tu es des nôtres. »

Déjà l’obscurité avait recouvert notre village, j’essayais de trouver des re-pères, car j'étais transportée quatre siècles auparavant, j’étais éberluée, mais tellement heureuse d'être invitée par mon ancêtre Marcel Audibert (sosa 1376).


 Je vous assure que c’est un véritable conte de Noël que j’ai vécu ce soir-là.
Nous entrâmes dans la crèche où notre berger alla nourrir ses moutons, il s’attarda pour caresser sa mule. Nous montâmes à l’étage, je ne saurais l’affirmer mais il me semble que nous arrivâmes dans ma maison. Toute la famille était rassemblée dans une salle voûtée aux murs épais, je ne reconnus personne !

Marxel se dirigea vers Magdallenne, il lui murmura un secret, elle se tourna vers moi, alors son regard s’embruma d’une émotion violente. Malgré le soutien de son mari, ma toute jeune aïeule ne put franchir la distance qui nous sépare.

Il aurait fallu que je rencontre son père, prénommé Guilhem sur leur contrat de mariage et Pierre sur l’acte de baptême de la jeune épouse. Mais il y eut alors une grande agitation. Tous s'exprimaient dans la vieille langue provençale. Ils se mirent à chanter :
Cacho-fio
Bouto-fio
Un vieillard portait la bûche de Noël, il était accompagné d’un jeune enfant qui tenait un verre de vin. On alluma le feu dans la cheminée. Le papé versa le vin cuit sur la bûche qui sentait bon le bois d'olivier, la déposa dans l’âtre. On boute le feu.
Avant que j'aie pu essayer de comprendre, je fus entraînée dans une farandole autour de la table.

Cacho-fio

Bouto-fio

Alegre ! Diou nous alegre !

Calendo ven, tout ben ven

Diou nous fague la graci de veire l’an que ven

E se noun sian pas mai, 
que noun fugen pas mens


Bûche de Noël, 
Donne le feu 
Réjouissons nous 
Dieu nous donne la joie 
Noël vient, tout vient bien 
Dieu nous fasse la grâce de voir l’an qui vient 
Et si nous ne se sommes pas plus 
Que nous ne soyons pas moins.

2016-12-11

Les enfants d’Élisabeth et Charles en 1914/18

Nous avons assisté, dans l'article précédent, à la demande en mariage de Charles, suivie d'un bouquet de lilas blancs envoyé chez Élisabeth.
Occupée à numériser le fonds de correspondance, j’ai ouvert le paquet de lettres écrites par Élisabeth, Charles et leurs enfants.

Pendant les années 1914-1919 leurs enfants ont participé à la Première Guerre Mondiale.
J’ai accordé une attention particulière à certaines missives touchantes. Les informations qu’elles contiennent sont intéressantes pour comprendre comment nos familles ont survécu pendant cette période.

Élisabeth et Charles, mariés en 1891, ont cinq enfants entre 1892 et 1903.
En 1914, l’aîné, René, a 22 ans et le plus jeune, Louis, a 11 ans.

René part avec le 99e régiment d’infanterie dès la déclaration de guerre le 2 août 1914.
Le 3 octobre, il est fait prisonnier de guerre, à Fontaine-les-Cappy dans la Somme.
Il est transféré en Bavière, à l’ouest de Munich ; il reste en captivité à Lechfeld, jusqu’ au 23 décembre 1918.
René écrit des lettres qui échappent à la censure. Néanmoins il ne raconte pas exactement les conditions qui s’avèrent particulièrement rudes dans ce «camp de la terreur» où il y avait  peu de soins sanitaires, pas de chauffage, les hommes ne disposaient même pas tous d'un lit. Les prisonniers travaillent dur et surtout ils ont faim. «Il nous demande du pain», «Est-ce un signe de disette générale ou un régime plus sévère dans cette caserne ?» écrit son père, le 20/04/1915.
Il semble que son oncle André puisse lui envoyer des mandats. La famille prépare des colis.
Voilà ce que dit sa mère qui reste optimiste :

Dans la même lettre, (non datée mais écrite à la fin de 1915), Élisabeth donne des nouvelles des plus jeunes :
« Poucette grandit toujours et tricote pour les soldats »
Loulou est élève au lycée des Minimes « mais tous les professeurs partent prochainement paraît-il». On peut se demander ce que deviennent les lycéens dès lors.
Marcelle, l'ainée des filles, a 20 ans, elle est infirmière à la Croix-Rouge de Lyon, comme le sont la plupart de ses cousines proches et lointaines.
 «Marcelle continue à aller régulièrement à son ambulance »
Dans une lettre ultérieure, sa sœur écrit à son sujet :
«Elle est très inquiète d’Albéric (son fiancé) qui est à Verdun et qui n’a pas écrit depuis le 30 juin »
Ces fiancés vont se marier le 8 juin 1917, sans attendre la fin de la guerre.  
Lucien, le troisième de la fratrie «s’apprête à partir avec la classe 1916» annonce sa mère qui ne montre pas d’émotion lorsqu’elle donne des nouvelles de chacun de ses enfants. Elle ne laisse transparaître aucune inquiétude, aucune réticence à voir partir ses fils. Nous n’avons pas vécu cette époque dans laquelle les sentiments patriotiques étaient de rigueur.
D’après sa fiche matricule, Lucien est parti le 2 décembre 1915 avec le 30e bataillon de chasseurs à pied.
Le jeune homme est gravement blessé aux deux cuisses, le 18 juin 1918, à Dammard, dans l’Aisne, «en portant des ordres sous un violent bombardement.» Sa nomination pour la Croix de guerre avec étoile en argent, précise qu’il est «Excellent chasseur. Modèle de bonne humeur et de courage, toujours volontaire pour les missions périlleuses.»
Ses parents vont le voir à Montauban où il est soigné. Charles, son père, donne des nouvelles :
En convalescence, Lucien écrit à son oncle André, il le remercie pour sa lettre de félicitations à la suite de sa décoration. 
Quelle modestie ! Il ne se pose pas en héros, ce jeune homme faisant le bilan de cette guerre qui le rend handicapé et décoré d’une médaille. 

Tous sont revenus vivants de la Grande Guerre, mais que de douleurs !

2016-12-06

Bibliographie : Mariages, à Lyon, au XIXe siècle.


Philippe Ariès et Georges Duby (dir.) Histoire de la vie privée, tome IV
                   « De la Révolution à la Grande Guerre », Paris, Seuil, 1987

Cécile Dauphin, Pierrette Lebrun-Pezerat, Danièle Poublan, Ces bonnes lettres. Une correspondance familiale au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1995    http://correspondancefamiliale.ehess.fr/

Cécile Dauphin et Danièle Poublan, « De l’amour et du mariage. Une correspondance familiale au XIXe siècle », Clio. Femmes, Genre, Histoire [En ligne], 34 | 2011. URL : http://clio.revues.org/102

Caroline Muller. "Je crois que je l'aimerai de tout mon cœur" Le rôle du journal de jeune fille dans la préparation des mariages, XIXe siècle, 2013. 
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01287244/document

Michelle Perrot, La vie de famille au XIXe siècle, Ed. Seuil 2015 
suivi de
Anne Martin-Fugier, Les rites de la vie privée bourgeoise,

Bernard Berthod, Elisabeth Hardouin-Fugier, Les ex-voto de Fourvière, La Taillanderie, 2008

André Chagny, Un lyonnais d’autrefois Joseph Perouse, Audin Lyon, 1946

Dictionnaire historique de Lyon, par Patrice Béghain, Bruno Benoit, Gérard Corneloup,  Bruno Thévenon,  Ed. Stéphane Bachès, 2010

Sociologie de Lyon, M. Vogel, I. Mallon, Y. Grafmeyer, JY. Authier, 2010  http://widget.editis.com/ladecouverte/9782707156020/#page/1/mode/1up

Jean Dufourt, Calixte ou l’introduction à la vie lyonnaise, 1925

Catherine Pelissier, La vie privée des notables lyonnais (XIXème siècle), Editions lyonnaises d’art et d’histoire, 1996

Segalen Martine, éloge du mariage, Gallimard, 2003


 La Noce chez le photographe, Dagnan-Bouveret, 1879, MBA Lyon, 

Pour voir l’œuvre en détail, image de meilleure qualité au Musée des Beaux-Arts de Lyon : http://bit.ly/29mpEKn
Pour écouter l’audio guide du musée, commentaire excellent (1:56) en admirant les détails du tableau :
https://www.youtube.com/watch?v=ttDTOiaSCLw

2016-12-01

Un bouquet de lilas blancs

Une lectrice attentive que je remercie vivement, attire notre attention sur le bouquet de lilas dont il est question dans l’article précédent sur les mariages à Lyon au XIXe siècle.

La lettre de Jeanne, datée du 28 janvier 1891, annonce le prochain mariage de sa fille Elisabeth.



Dans cette lettre délicieuse, tous les mots comptent.
Jeanne vient d’accepter la demande en mariage et tout va aller très vite : « c’est à la vapeur … »

Depuis onze mois, Jeanne hésite à donner son accord, mais ce jour-là elle ne résiste pas. Elle paraît la première à être surprise de prononcer le "Oui" qui a débloqué la situation.
On peut imaginer la joie du jeune homme persévérant.
Élisabeth a 20 ans, elle est jolie. Elle ne se fait pas prier pour se présenter à son futur beau-père et à son fiancé. Elle apparaît « en toilette assez négligée » la visite ayant lieu le matin, la jeune fille ne s’attend pas à devoir faire toilette si tôt.


En tout cas, elle vient saluer « sans faire la moindre difficulté », il est évident que la jeune demoiselle a été consultée, le projet de mariage lui convient.
Charles va avoir 27 ans, il est clerc de notaire. Peut-être n’a-t-il pas encore une situation confortable, mais son père a su convaincre la future belle-mère. 

« Un moment après nous recevions un paquet de lilas blancs ».
Le futur marié sait se conformer à la tradition de faire livrer illico un bouquet dans la maison de la future. S’est-il posé la question du symbolisme des fleurs ?  Au XIX, le langage des fleurs est chargé de sens, le lilas blanc annonce l’amour naissant idéalisé, il veut dire : aimons-nous.

Edouard Manet, Lilas dans un vase, 1882

La question posée est celle-ci :
Le bouquet est livré le 28 janvier, comme le précise la lettre de Jeanne. 
Comment un fleuriste lyonnais peut-il trouver des lilas blancs en cette saison ? Au mois de janvier, sont-ils en fleurs sur la Côte d’Azur ? Viennent-ils d’Italie ou d’ailleurs ?
J’attends vos suggestions …

Merci aux lecteurs qui ont contribué à chercher ces réponses, à voir ci-dessous ...↘

2016-11-27

Mariages à Lyon, XIXe siècle

Cette étude a été réalisée grâce à un fonds de correspondance que je numérise et aux actes que l’on trouve aux archives. Je l’ai présentée aux Archives de Lyon à l’occasion de la Semaine de Généalogie, sur le thème des Mariages à Lyon.


Le récit commence après la Révolution, lorsque l’ancêtre Joseph Pérouse se marie et va s’installer à Lyon. (Pour lire les mésaventures de Joseph pendant la Révolution clic sur ce lien)
Les recherches portent sur les 33 couples de ses descendants, sur cinq générations, au XIXème siècle, jusqu’à la guerre de 1914-18.
Avec les conjoints, et les enfants sans postérité, on recense 118 personnes.

Ces familles ont trouvé leur place à Lyon tout au long du XIXème siècle. Les premières générations viennent s’installer à Lyon, les conjoints choisis par les générations suivantes ont soit des parents, soit des grands-parents, qui ne sont pas nés à Lyon, mais provenant d’afflux migratoires venus de la région Rhône-Alpe-Auvergne.

On découvre la stratégie d’alliance privilégiée : même milieu social, même profession.
Joseph P, le chapelier, marie sa fille Joséphine au fils d’un fabricant de chapeaux, lui-même marchand fabricant de chapeaux, en 1821.
Jean G, avocat, a marié sa fille à un avocat, il accordera sa petite-fille à un avocat, en 1813.
Ces mariages choisis par la famille n’empêchent pas que l’amitié, (et même l’amour) unisse les conjoints comme en témoignent les lettres de Zélia, de Jeanne et de Marie, ainsi que les journaux intimes des jeunes filles comme celui de Virginie. (J'aurai l'occasion de vous parler encore de ces femmes admirables dont vous pouvez voir les photos, en suivant les liens)

Chaque union est le début d’une histoire unique. Il est passionnant d’observer au sein de chaque branche les similarités et les divergences des situations. On voit ainsi :
   Des mariages romantiques dans lesquels la différence d’âge ne semble pas gêner les amoureux comme Jeanne et Jean. 
  Des mariages arrangés, deux sœurs épousent deux frères, la première sera heureuse, la seconde regrettera le choix de  sa famille. 
  Des alliances qui sont menées tambour battant en quelques semaines. D'autres nécessitent de longues négociations.

   Les mères sont tristes lorsque leurs fils épousent une jeune fille étrangère à leur entourage.
Zélia à Jeanne 1899

C’est l’occasion d’observer les rituels liés à la demande en mariage, au temps des fiançailles et des noces. En m’appuyant sur des références tirées de la bibliographie, j’ai pu comprendre les usages en cours au XIXe siècle. L’écart à la norme est révélateur de la dynamique des tensions amoureuses ou émancipatrices des jeunes gens.

La signature du contrat de mariage couronne les négociations entre les deux parties.  C’est la récolte de ces contrats dans la série 3E aux AD qui permet de comparer les dots et les alliances entre les familles. Voilà des projets pour continuer cette étude...


Il est temps de parler d’amour avec le langage des fleurs.  

Un bouquet de lilas blancs, symbole de l’amour naissant, est envoyé le 28 janvier 1891, par Charles, à l’adresse d’Élisabeth aussitôt que sa mère consent au mariage qui est célébré le 11 avril suivant.


Ce bouquet de lilas blancs suscite une question (voir commentaires) qui fait l'objet de l'article qui suit. Avez-vous des suggestions ?

cliquez pour lire Le bouquet de lilas blancs 

2016-11-19

Joseph P.

Pour le 3ème #RDVAncestral,  rendez-vous avec un ancêtre, le sujet était tout trouvé. Tout au long de ces dernières semaines, j’ai travaillé sur le thème du mariage des descendants de Joseph P. Je viens de faire une présentation aux Archives de Lyon, dans le cadre de la semaine de la généalogie. 
A partir d’un fonds de correspondance et des documents des archives, je me suis appliquée à retracer tous les mariages de cinq générations à Lyon, au XIXe siècle.

C’est en rentrant des Archives que je me suis sentie proche de Joseph P. au point de lui rendre visite.

                       

Je fais souvent un détour par la rue Auguste Comte pour admirer ce balcon qui porte les initiales J.P de Joseph Pérouse (sosa 186).



Ce soir, j’hésite un peu avant d’oser entrer. Nous sommes en 1821, je me trouve devant le numéro 7 de cette rue qui s'appelle alors : rue Saint-Joseph.

Joseph Pérouse qui m’ouvre la porte paraît surpris de me voir. Néanmoins il me fait bonne figure.


Je me présente en précisant que je suis l’épouse de son descendant à la septième génération.
Il m'annonce qu’il est très occupé parce qu’il doit préparer le mariage de sa fille Joséphine. Justement, lui dirai-je que je m’intéresse aux mariages lyonnais ? C'est à l’occasion de la semaine de la généalogie qui a lieu aux Archives de Lyon, pas très loin d’ici.
Ouf pas d’erreur ! Il faut que je reste concentrée sur son époque, car nous pourrions avoir des difficultés de communication.
Intrigué, Joseph me propose d’entrer dans son atelier. Il est marchand fabriquant de chapeaux.
Je lui dis que je serais curieuse de découvrir les chapeaux de paille d’Italie qui ont fait sa réputation à Marseille. Son regard devient alors plus dur et il réplique qu’il n’a aucune envie de se remémorer cette sombre période de la Révolution Française. J’ai conscience d’avoir fait une gaffe, je vous raconterai cette période ultérieurement en aparté sur ce blog. (voir J_Joseph P.)


Pour me faire pardonner, j’admire avec sincérité ses créations. Je lui demande s’il va offrir des chapeaux dans le trousseau de Joséphine. 
Il me montre de superbes chapeaux de paille ou de feutre, ornée de plumes, de fleurs, de perles, et de magnifiques rubans en soie tissés de fils d’or et d’argent comme les soyeux de Lyon savent les fabriquer … Elle n’aura qu’à choisir.

Joseph me confie combien il est heureux qu’Antoine Falcouz ait demandé sa fille en mariage. Antoine est lui-même chapelier, il habite avec sa mère, à deux rues d’ici . Son défunt père avait une boutique de chapeaux dont Antoine a hérité. Joseph espère que son gendre va réunir les deux affaires, ce qui lui permettrait de cesser la fabrication d’ici quelques mois, pour se consacrer au négoce. Qu’en pense Joséphine, lui demandé-je ? Bien sûr, la jeune fille a été consultée avant d’accepter cette alliance. Il est préférable que le couple s’entende bien pour que les affaires marchent. Joséphine connait Antoine depuis longtemps, ils ont l’occasion de se rencontrer. (nos sosas 92 et 93)
J’essaye alors de maintenir la conversation sur le sujet du mariage puisque c’est l’objet de notre rencontre. Est-ce une bonne idée d’expliquer que j'ai dressé cet arbre de sa descendance ?

Au début du XXème siècle, ils sont au nombre de soixante-et-onze, ses descendants à la cinquième génération. La plupart vivent à Lyon. 
Ensuite trois générations et cent ans plus tard … je ne les ai pas encore tous comptés ses arrières arrières arrières …. petits-enfants !
Je pourrais lui montrer les photos de beaucoup de ceux-ci, je les classe précieusement sur mon ordinateur que j’hésite à sortir de mon sac.
Mais Joseph ne semble guère intéressé par mes recherches sur sa famille, il reste plus préoccupé par sa boutique, par l’établissement de sa fille et par le contrat à établir en faveur des nouveaux mariés.


En le félicitant pour ce mariage, je lui promets d’assister à la cérémonie le onze du mois de janvier.
Je le quitte sans avoir pu photographier ses chefs-d’œuvre. Trop de distance entre nous ce jour là, cependant il me plait bien cet ancêtre, je reviendrai lui rendre visite !

Voir aussi ces billets:

2016-11-01

Un tout petit village

 Aubenas-les-Alpes


Ouvrir un très vieux registre (AD 13)
et trouver un contrat de mariage passé en 1655, à Marseille.

Celui d’Estienne Mauroux et Anne Gatte.

Ajouter un lieu où pousse un rameau ancien :
Aubenas-les-Alpes se trouve dans le diocèse de Sisteron. 



Perché sur une colline où pousse la lavande, entre la montagne de Lure et le Luberon, ce village minuscule, peut-être le plus petit village de France, compte aujourd’hui cinq habitants, dans l'unique rue. 

Une toute petite église du XIIème siècle et quelques maisons en pierre du XVIème siècle, en contrebas d’une demeure seigneuriale dite le Château.


Assises là, sur un banc en pierre, deux amies octogénaires discutent tranquillement, l’une d'elles nous propose spontanément d’ouvrir l’église. Je dis que mon ancêtre est né ici. Le nom de son père Jean Mauroux (qu’elles prononcent Morouss), aussi bien que celui de sa mère Magdeleine Reynier, leur apparaissent familiers. Elles nous montrent le lieu-dit les Mauroux proche des Reynier, deux belles propriétés avec de grandes maisons en pierre, un pigeonnier, des terres … 
Cela n’étonne nullement ces deux femmes très réactives que je cherche mes ancêtres, dont elles sont sûres qu’ils sont au cimetière attenant !



Aubenas-les-Alpes, les Mauroux et les Reyniers


Etienne Mauroux (sosa 1162) habitait à Marseille depuis quelque temps déjà, lorsqu’il signa, le 4 mai 1655, le contrat régissant son union avec honeste filhe Anne Gatte. 


Il semble qu’Estienne ait touché avec sa dot sa part d’héritage. Il ne pourra désormais plus prétendre avoir d’autres biens à Aubenas. C’était la coutume de laisser la propriété à l’aîné. Son frère Gaspard a fait le voyage jusqu’à Marseille pour le mariage d’Etienne, il est chargé par leur père d’apporter l’acte fixant les conditions.
Mais Estienne fait un beau mariage car Anne est bien dotée. Son aïeul, Jacques Gatte a pensé à elle en faisant son testament deux années plus tôt. Il donne à sa petite fille vigne arbre et bastidon. Guilhen Gatte et sa femme Jeanne Sarde, les parents de la jeune épousée se montrent satisfaits de ce mariage, ayant le présent mariage agréable, chacun d’eux constitue en augment de dot…


Leur descendance sera marseillaise, une suite de six générations cultivant la terre : laboureur, ménager, puis jardinier, horticulteur…

Voici la suite de ce récit à lire en suivant ce lien  :
Une constellation familiale en Luberon, éclairée par le testament de l'aïeul Jean Mauroux, en 1656.


2016-10-11

Magdelaine m’accueille dans son auberge


J’arrivais juste à cette heure entre chien et loup qui est celle que je préfère.
Je revenais d’une grande journée aux archives de Draguignan. Mes recherches avaient été fructueuses, j’avais pris une grande quantité de photos, je n’avais pas déchiffré tous les actes des registres des notaires, seulement les premières lignes lorsque j’avais pu repérer des patronymes de mes forêts d’ancêtres. Aussi, tout au long du trajet de retour ma tête bourdonnait de tant de projets d’histoires à écrire sur mon blog. J’étais impatiente de rentrer et d’explorer ma récolte de photos.
Ce matin, j’avais laissé mon chat pour seul habitant de notre grande maison, personne ne devait rentrer avant la fin de la semaine et j’appréciais d’avoir du temps à consacrer à ma généalogie. Je vivais à mon rythme depuis quelques jours et j’avoue que j’avais un peu perdu la notion du calendrier. Donc je pouvais espérer une soirée tranquille plongée dans le XVIIIème siècle de mes ancêtres.

L’auberge était éclairée, j'aurais dû en être étonnée. Je garai la voiture devant l’écurie. Je rentrai, chargée de mes sacs contenant téléphone, ordinateur et appareil photo et je poussai la lourde porte d’entrée.

Une jeune femme, de l’âge de mes filles, assise près de la cheminée, semblait tenir sur ses genoux un bébé emmailloté. Je la reconnus, c’était Magdelaine Allier avec qui j’ai vécu par la pensée ces derniers mois.
Lorsque je m’approchai c’est un chat qui bondit hors des genoux de Magdelaine.
Mon chat ! Pacha vint à ma rencontre. D’un miaulement, il me reprocha de m’être absentée depuis le matin. J’ai un chat doué de parole.

 -Bonsoir, comme tu as tardé. Entre vite le souper est prêt.
Mon aïeule m’attendait et je n’étais même pas surprise de l’étrangeté de la situation. Elle fut bienveillante. J’étais fatiguée, les yeux me piquaient de tant d’heures à lire les vieilles liasses ou peut-être d’une émotion qui remontait du fond des temps. Je venais de si loin, j’avais traversé 250 ans. Elle m’accueillit sans me poser de questions.
Cette soupe aux herbes du jardin qui mijotait dans le chaudron me rappelait celle de ma grand-mère.
Mon hôtesse dressa un couvert pour moi, elle avait sorti sa soupière, ses plus vieilles cuillères, des ustensiles usés que je connaissais mais que nous avions oubliés à la cave.

Nous dinâmes ensemble, mon chat, installé tout près d’elle, semblait l’avoir adoptée.

-Je n’aurais jamais pensé avoir une petite-fille telle que toi. Je vois que tu as beaucoup plus d’imagination que moi.
-Ah, Mère-grand, tu as fait preuve de nombreuses qualités.
-Ma petite, j’ai pu voir que tu racontes ma vie à ta façon. Parfois tu te laisses emporter par ton imagination.
-Chère Magdelaine, tu as laissé plusieurs traces conservées aux archives et je te connais bien.
-Je sais tout ce que tu dis sur moi. D’un côté cela me plait bien que tu t’intéresses autant à la généalogie de nos familles. Je te félicite pour toutes ces pages que tu écris. 
-Mais tu ne sais pas lire mère-grand. Comment as-tu vu mon blog ?
-C’est ton chat, avec ses pattes douces et adroites, il a joué avec la souris, il a allumé ta petite table.
-Ma tablette ! Mon chat aime se tenir à côté de moi lorsque j’écris. Il participe à sa façon.
-Il m’a lu tes histoires.
-Oui Pacha est un chat qui parle à qui sait l’entendre.
-Cela me touche que tu t’intéresses à ma vie. Tu as bien fait d’aller jusqu’à Grambois et de montrer combien notre maison s’est transformée.
Tu as assez bien raconté cette terrible année 1766, j’avais 25 ans et tant de soucis après la mort de Jean. Mais tu as pris la liberté d’affirmer que Marguerite était venue exprès pour m’aider. En fait ce n’était pas si compliqué pour ma sœur, elle habitait à Saint-Julien.
-Ah bon ! Elle vivait à Saint-Julien ?  Si j’avais découvert cela …
-Tu aurais pu être plus perspicace. J’ai regardé ton arbre généalogique, tu connaissais le nom de son mari, cela aurait pu t’expliquer bien des choses. Tu aurais compris que c’est par son entremise que Jean m’a demandée en mariage. Mon père était heureux de donner sa fille à un aubergiste, c’est encore ce qu’il a fait pour notre petite sœur Marie.
Observe de plus près ton arbre de notre famille sur cette page.
-Effectivement, j’ai noté un premier mariage avec un dénommé Jean Gallardon (ou Gaillardon)
-Tu peux le relier, tu connais sa famille ! Cherche son histoire tu dois avoir plein de documents.
-Je n’ai pas encore tout exploité tu sais.
-Ma petite, ce soir je suis venue chez toi pour te demander d’être au plus près de la réalité de notre famille. Tu dois rectifier toutes les approximations qu’avec le regard de ton époque tu te permets d’imaginer.

La conversation avec Magdelaine s’est poursuivie en buvant une tisane de thym jusqu’au moment où nous tombâmes de sommeil, l'une et l'autre.
Le chat dormait depuis longtemps sur ses genoux, il n’est jamais aussi câlin avec nous. Il se passait une relation étrange entre elle et lui.
Je le soupçonne d’avoir servi d’intercesseur pour cette rencontre fantastique ...


Le lendemain, mon premier geste fut d’ouvrir le dossier des photos numérisées la veille. Je trouvais la preuve du mariage de la sœur de Magdelaine et plusieurs pistes à explorer.

Allié quittance hoirs Gaillardon


J’aimerais vraiment revoir Magdelaine.

2016-10-09

Résillement d’un bail à mègerie

Magdelaine a passé un bail à mègerie, 
elle va s’en départir avant le terme traditionnel de la Saint Michel. 
Que se passe-t-il ?


Revenons encore dans les liasses de ce beau registre qui m’a réservé des belles découvertes sur les habitants de Saint-Julien..


Il y a 250 ans, Jean Audibert dicte son testament, il meurt en laissant la charge de leurs enfants à Magdelaine. Cette jeune veuve fait appel au notaire qui plusieurs fois se déplace dans sa maison.


Le 16 septembre 1766, elle a passé un bail pour quatre ans qui devait se terminer à la St Michel.  Le 29 septembre est le jour de paiement des fermages après la récolte, c’est par conséquent la date traditionnelle d’expiration des baux ruraux.


Cependant, c’est au mois de mai 1769 que ce contrat, est mis au neant par delle Magdne Alliés veuve de feu sieur Jean Audibert hote de ce lieu et Joseph Gillet menager de ce meme lieu
lesquels de leurs grés sous dûe mutuelle et réciproque stipulation aceptation
intervenant se ressouvenant parfaitement de l'acte de megerie
entr'eux passé par nous no[tai]re le 16 7bre 1766
ont déclaré et consenti comme ils consentent au resillement d'iceluy
l'ont mis et mettent au neant et tout comme s'ils n'avoit jamais été fait


Les formules sont savoureuses, je ne sais pas si vous prenez le temps de les lire, moi je me régale.


Pour quelle raison se départir de ce bail avant la Saint Michel ?
Ledit Gillet pour raison de la mal tenue des biens dependants de la megerie devra s’acquiter de la somme de dix sept livres huit sols pour tous les dommages et interets quelle auroit peut pretendre
Néanmoins, il se réserve de faire la récolte des grains des semis y pendants tant seulement qui seront partagés en gerbe ainsi qu'il est porté par le susd[it] acte de mégerie 
Que pensez-vous de cette expression ? L'image est pleine de bon sens  :
« des grains des semis y pendant »

D’autre part, il est question "d’un clods" qui est à la vente :
promet à icelle aceptante la somme de trente livres ledit jour St Michel prochain pour la vente du susdit clods
 L’explication se trouve dans le premier bail. Il s’agit d’une terre clause appellée le clod complanté de vigne et d’oliviers



Pour lire la transcription intégrale de l’acte :

2016-09-27

Pour une recherche aux Hypothèques (II)

Une recherche aux hypothèques suit le même parcours dans toutes les archives départementales :
Table alphabétique
Répertoire de formalités
Transcriptions

J’ai décrit l'atelier aux AD du Rhône, dans ce précédent billet : pour une recherche hypothèques (I)
Cependant, selon les sites des AD ce ne sont pas les mêmes documents qui sont numérisés et publiés en ligne. Je vous fais partager ici mon expérience aux Archives départementales du Var.

Les tables alphabétiques des patronymes sont numérisées et consultables sur le site :

Après avoir choisi le bureau : Brignoles, Draguignan ou Toulon, on peut consulter l’Indicateur des noms.
Si je cherche Audibert, ce patronyme se trouve dans la table 4Q01 

Je vais dans le répertoire alphabétique des noms, je clique sur la cote 4Q04 pour ouvrir le volume 2, le folio 86 est numérisé à la page 87/202.
Étant donné que ce nom de famille est fort commun dans le sud, je dois survoler toutes les pages à l’affût de lieux et de prénoms que je connais. 
C’est un joli voyage dans les bourgs de Provence, il y a seize doubles pages.
Bon, voilà mon François Audibert :


Règle d’or du généalogiste, ne pas s’arrêter, regarder autour …

Voici le même Jean François, un peu plus loin, avec ses deux prénoms, accompagné de Cécile sa sœur.


 Le compte de Jean François Audibert se trouvera dans le volume 28_ case 205.


Je dois à présent chercher la cote du volume 28. 
Elle se trouve dans le Relevé de formalité, juste au-dessous sur la page du site. Il ne faut pas s’étonner si le volume 1 apparaît après le vol 323, on fait tourner la molette de la souris et le curseur descend dans la liste. La cote 4Q74 est nécessaire pour commander ce volume 28, consultable à Draguignan dans la salle de lecture des AD 83.
4Q74  
1798-1955  
Relevé de formalité  
Vol. 28 - non numérisé. Consultable en salle de lecture  


J’ouvre ce vieux registre avec précaution, je cherche la case 205, celle de Jean François, et la case 206 de Cécile Audibert. Ce tableau contient différentes transactions.


Voyons cette vente, pour 1200 frs, passée le 5 février 1811, d’une terre qu’ils ont héritée en commun.
Le registre de formalité sera le volume n°21 à l’article 646.

À l’étape suivante, il faut consulter les transcriptions hypothécaires qui sont en ligne. Cliquons sur le lien à droite, tout en bas de la page.

 Transcriptions Hypothécaires 

Ouvrons d’un clic le registre 4Q1777 :
Conservation de Brignoles, Transcriptions hypothécaires vol. 21
Registre de transcription des Actes translatifs de propriété d’Immeubles
Allons à l’article 646 , numérisé  page 150/230

Le cinq fructidor an 11
Une propriété de terre semable complantée d’une vigne vieille presque abandonnée en partie inculte. Sise au quartier de la Trinité. Les confronts sont énoncés.
L’acte de vente est retranscrit intégralement.


Le personnel des archives du Var se montre extrêmement sympathique, j’ai apprécié que tous soient prêts à m’aider. Je leur décerne la palme de mes archives préférées. Je suis allée plusieurs fois à Draguignan cet été, j’ai récolté beaucoup de pistes pour continuer des recherches aux hypothèques, certaines sont encore dans des impasses, d’autres feront l’objet de récits que je n’osais espérer.
Les archives sont une source de trésors inestimables !