Saint-Tropez en 1815
La scène
se passe dans le cimetière (ancien) derrière l’église, sur la place de l’ormeau.
Appolonie Marquet se trouve avec
ses filles jumelles,
Victoire et Marianne. Les fillettes, âgées de dix ans, pressent
leur mère de questions sur ses ancêtres.
- C’est vrai que tes grand-pères avaient les mêmes
prénoms ?
Je n’ai pas connu Jean Baptiste
Marquet qui est mort très longtemps avant ma naissance.
Les Marquet sont de Saint-Tropez
où les parents de Jean Baptiste se sont mariés en 1676.
Mon grand-père maternel, on
l’appelait Jean Rebufel, mais il portait les deux prénoms Jean Baptiste. Il venait
de Séranon.
Dans les montagnes des Alpes-Maritimes,
entre Grasse et Castellane, sur la route que notre empereur Napoléon a suivi au
mois de mars de cette année.
La famille Rebuffel est une
ancienne famille implantée à Séranon, depuis le Moyen-Age. Le vieux village était perché sur
la crête au sommet du Baou Roux puis les habitants se sont installés dans la
plaine où ils ont fondé des hameaux.
La famille David, habite Val de Roure « la
vallée des chênes » depuis plusieurs siècles. Nos ancêtres étaient
laboureurs, ils cultivaient le blé qui poussait bien sur les terrains de
l’adret. L’hiver est rude dans la montagne qui se blanchit de neige. Mon aïeul Jean
Baptiste a préféré tenter sa chance et s’installer à Saint-Tropez.
Jeanne Davite et Philippe Rebufel
sont mes arrières-grand-parents, précise Appolonie.
En arrivant à
Saint-Tropez, Rebuffel a perdu un f, Davide s’est transformée en Davite sur les
registres d’état civil.
Jean Rebufel a épousé Thérèse
Féraud (fille de
Jacques Féraud dit La Liberté) en 1722. Regarde leur contrat de mariage. Personne ne savait écrire et
l’erreur n’a pas été rectifiée.
La mère de Thérèse, Louise
Meifrette, a donné en dot une partie de maison située au quartier de Cavaillon.
Il y avait encore une vigne que Jean a cultivée, elle est sise au quartier
Saint-Joseph.
Mes deux
grand-pères, Jean Baptiste Rebufel et Jean Baptiste Marquet étaient amis et
voisins.
- Étaient-ils marins comme notre père et tous nos
oncles ?
Mes ancêtres n’avaient pas une vie de marins
comme ceux de ton père, ils étaient des hommes de la terre, travailleur,
laboureur, voilà leur métier au début.
- Comment
sais-tu qu’ils étaient amis, nos deux Jean Baptiste ?
En 1717, Marquet
qui était veuf depuis dix ans, se remarie avec Marguerite Paule, de Vergons.
Neuf mois et un jour après la noce, nait leur premier fils, Jean Baptiste.
Marquet avait dit à Rebuffel qu’il souhaitait un garçon et que ce serait bien
que celui-ci porte leur prénom. Rebuffel accepta d’être le parrain de ce bébé
fragile.
« L’an mil sept cent dix sept et le dix du
mois de novembre à deux heures après-midi, dans l’église parroissiale de
Saint-Torpez, a été suplée les cérémonies du baptême par moi, prêtre
soussigné, à Jean Baptiste Marquet, fils de Jean Baptiste travailleur, et de
Marguerite Paule du lieu de Vergons, mariés, né le neuvième du courant à deux
heures du matin, le parrain a été Jean Baptiste Rebufel de Séranon et la
marraine Élisabeth Dalere qui n’ont sceu signer v baptisé à la maison, à cause qu'il s'est
trouvé en danger de mort, par Élisabeth sage-femme »
Saint-Tropez BMS, 1711-1727, registre 2 MI EC2924R1, p.120/290
Huit semaines
plus tard, l’enfant mourait.
« L’an mil sept cent dix huit et le
neuf du mois de janvier a été enterré dans le cimetière de cette paroisse Jean
Baptiste Marquez fils de Jean Baptiste Marquez matelot et de Marguerite Paule
baptisé dans cette église le dix du mois de novembre dernier, le père et les
parents ont assisté à l’enterrement avec les prêtres de la paroisse… »
Saint-Tropez BMS, 1711-1727, registre 2 MI EC2924R1, p.122/290
A cette époque
là, mon grand-père Marquet était matelot depuis moins de deux mois. Il était
content d’avoir obtenu ce travail. Il pensait que plutôt que de rester
travailleur, ce qui est certes honorable, il aimait mieux partir en mer sur ces
tartanes qui font rêver tout le monde à Saint-Tropez. Le salaire serait
meilleur si le patron était prospère.
Deux ans après
est née ma tante Marguerite Rose, puis Jean Joseph mon père. Il n’a guère eu le
temps de connaitre sa maman qui est morte de maladie en 1723, alors qu’il avait
un peu plus de 19 mois.
Jean Baptiste Marquet
se trouva veuf pour la deuxième fois.
Mon père n’avait
pas neuf ans lorsque son père est mort.
Les deux amis, Jean Baptiste, ont dû se faire la promesse de marier leurs enfants, on pourrait
le supposer. Qu'en pensez-vous ?