On espérait la fin de la guerre.
C’étaient les derniers
jours du mois d’octobre 1918, l’armistice allait être signé dans deux semaines.
On espérait la naissance prochaine d’un enfant chez Gabriel
et Anne.
Leur mariage avait été célébré le plus simplement, deux ans auparavant.
Certains s’étaient offusqués qu’on puisse organiser des noces en mars 1916.
Mais, surmontant ses doutes, Gabriel avait mené ce beau projet d’épouser cette
précieuse jeune femme de 28 ans. Gabriel avait alors 41 ans et il désespérait
de trouver l’âme sœur.
Précieuse, Anne avait toutes les qualités d’une parfaite
épouse; mais pas fragile, elle montrait une étonnante force de caractère. Elle
avait décidé de vouvoyer son fiancé définitivement, elle avait choisi d’avoir
une chambre à elle.
Anne ne se montrait pas timide, son aisance, sa liberté de
parole pouvaient surprendre ceux qui auraient voulu confiner une jeune femme
dans la discrétion qui paraissait de mise à son époque.
Elle cousait, elle brodait à merveille. Elle faisait des
confitures de fraises, d’abricots.
Anne chantait. Marie disait
qu’elle avait peu de voix, sa belle-sœur qui l‘accompagnait au piano se montrait meilleure musicienne. Les deux jeunes femmes, si différentes, ont lié amitié pour se soutenir dans ces temps difficiles.
Anne s’habillait avec soin. Il arrivait qu’un corsage trop
échancré apparaisse choquant pour sa belle-famille. Mais, son mari trouvait cette élégance naturelle, cet habillement si
parfaitement seyant et à la mode. Il était cependant un peu inquiet de la trouver si
peu champêtre; pourtant Anne savait s’adapter aux séjours dans la
campagne qu’il affectionnait.
Elle partageait des conversations
au coin du feu avec son époux, brillant chartiste, passionné d’histoire, qu'elle admirait pour ses qualités (comme tout le monde ). Gabriel a
reconstitué une longue généalogie de nos ancêtres, entre autres travaux personnels et ses fonctions d'archiviste de la Savoie.
Bien que ne demeurant pas dans la
même ville, elle savait prendre des nouvelles de sa nombreuse belle-famille,
tante, neveux, fratrie… Même si celle-ci était réticente pour l’adopter, la jeune femme a
su s’intégrer avec patience. Elle est devenue l’amie de sa belle-sœur Marie.
Elle a gardé le petit Jean chez elle, pour aider Marie lors de la naissance de Pierre.
Dans son ambulance, elle soignait
les blessés de la guerre. C’est elle, la jeune infirmière assise qui sourit, entourée de ces
soldats si sérieux.
Octobre 1918
25-27-28
octobre, chaque jour, le docteur Denarié écrit une ordonnance pour tenter de guérir sa
fille, malade de la grippe qui l'emportera.
Le 30 octobre, il écrit ces mots
déchirants : Pourquoi pourquoi pourquoi
Anne était l’aînée des six enfants
du docteur Amédée Denarié et de Marguerite Martha.
J’ai essayé de contacter
d’éventuels descendants de ses neveux. Je lance un appel ici, car ils pourraient
avoir conservé des archives d’Anne Denarié. La famille de Gabriel serait heureuse
de retrouver des traces, j’ai numérisé quelques documents qu’ils possèdent,
correspondances, faire-part, cartes de condoléances… mais seulement ces photographies. Où
sont les autres ?
Ps. Alors que je terminais ce billet, je reçois un message d’un membre de sa famille contacté l’an dernier qui connait un dossier d’archives d’Anne. Quelle coïncidence !