2022-08-20

S'envoler

 

« Au revoir là-haut »  Antoine l'écrit dans sa dernière lettre. 

Ces mots auraient pu être le titre de ce troisième billet de la série en hommage au grand-père ce héros : S'envoler...






Un cavalier courageux

Antoine a été cité trois fois à l’ordre de l’armée pour des actions d'éclat. Il n’a pas eu le temps de participer à cinq combats aériens ce qui lui aurait donné le titre officiel d’as de l’aviation. (J’ai osé néanmoins illustrer avec l’as de 💛 un billet intitulé ainsi.)

Son courage est déjà attesté le 20 mai 1908, puisqu’il « a reçu une lettre de félicitations pour s’être signalé en maîtrisant un cheval emporté ». Il était alors brigadier au 14e régiment de chasseurs à cheval.


Pilote aviateur de sang-froid

Les cavaliers sont appréciés dans l’armée, on admire leur équilibre à cheval, on suppose qu’ils feront merveille dans l’aviation. Cette nouvelle discipline a besoin de recruter d’excellents pilotes. Lorsqu’une formation est proposée, Antoine se porte candidat sans hésiter.

En mai 1915, à l’issue d’un premier stage, il obtient le brevet d’observateur dans les escadrilles d’Armée.

Par sa fonction : sous-lieutenant observateur, il seconde son chef lors des missions de reconnaissance qui peuvent devenir des opérations de chasse.



Le 11 septembre 1915

Il fait équipage sur le Morane avec le capitaine René Turin, pilote commandant l’escadrille MS 15[1]. Au sud de Savy-Berlette (Pas-de-Calais), le combat s’engage avec deux puissants Aviatiks ennemis.

Une balle atteint la jambe droite du pilote qui perd connaissance et l’appareil est endommagé. Vertigineuse est la chute, car l’avion volait à 2700 m d’altitude. Antoine parvient à rétablir l’équilibre à seulement 700 m du sol. Mais ils se trouvent toujours en zone ennemie. Tout en se faisant copieusement arroser par l’artillerie, il descend à 300 mètres, il franchit la frontière et Antoine réussit à le poser à 150 mètres des lignes adverses. Malgré le choc violent à l’atterrissage, ils s’en sont sortis. Il reste à prévenir Henri, le mécanicien, pour lui demander de récupérer le plus discrètement possible le moteur, les armes et les équipements. Durant la nuit, l’équipe des camarades travaille en silence pour ne pas attirer l’attention des Allemands qui se trouvent à proximité.

Voici la version racontée par Antoine dans une lettre à ses parents le 17/9 :




 Bien Chers Parents

Vous m'excuserez de mon long silence. J'ai eu la chance d'avoir cinq combats aériens depuis quelques jours. J'ai descendu un "Boche" dans ses lignes.

Le 10 de ce mois, j'ai attaqué deux appareils ennemis après les avoir fait fuir une première fois et poursuivi dans leurs lignes, nous nous sommes rencontrés de nouveau. Mais malheureusement au début du combat mon capitaine qui pilotait l'appareil a été touché ainsi que l'appareil qui s'est abattu verticalement d'une hauteur de 2600 mètres. J'ai recommandé alors mon âme à Dieu me préparant à l'horrible mort qui nous attendait. Mais par miracle, car le capitaine avait perdu connaissance, l'appareil s'est redressé à 500 m du sol et nous avons pu gagner nos tranchées après avoir passé à 200 m au dessus des ouvrages ennemis, salués au passage par un feu d'enfer transformant notre appareil en écumoire. Après une chute un peu dure, je me suis tâté je n'avais absolument rien.

J'ai été cité à l'ordre de l'armée et décoré de la croix de guerre avec palme. J'ai été également proposé pour la légion d'honneur.

J'espère que vous serez content de moi et continuerez à prier pour que Dieu ne cesse de me protéger.

Votre fils affectueux

Antoine


Le 26 septembre 1915

Deux semaines plus tard, le courage et le sang-froid du sous-lieutenant Antoine Laplace apparaissent une nouvelle fois remarquables, comme il est décrit dans la citation qu’il reçoit. 

Le Général commandant de la 10 ° Armée cite à l’ordre de l’armée :

Le lieutenant Laplace Antoine, observateur à l’escadrille N. 15.

« Remarquable observateur et mitrailleur plein de sang-froid.

Le 26 septembre 1915, au cours d’une reconnaissance effectuée très bas par suite du mauvais temps, a été atteint d’un éclat d’obus à la cuisse. A cherché à continuer sa mission, et ses forces l’ayant trahi a, aussitôt sorti d’avion, donné les renseignements recueillis. 



Le 16 juin 1917

Il est trop triste Antoine en ce mois de juin 1917. Il se trouve en Lorraine basé sur le terrain d’aviation de Souilly. Ce jeune lieutenant pilote monte dans son avion, il a le cœur gros en pensant à Marie, sa femme qu’il ne reverra plus. Il met le moteur en marche, il faut rester concentré, le SPAD VII décolle, il doit demeurer vigilant. Marie était malade, Marie est morte il y a moins de deux mois, le 24 avril 1917. Depuis que la nouvelle lui est parvenue, Antoine n’est plus qu’une ombre, il se porte volontaire pour des missions difficiles de photographies aériennes. Son avion est pris sous les tirs ennemis, il est touché. Il réussit à se poser sans s’écraser au sol. Il se couche sous son avion et meurt le 16 juin 1917 à Commercy, Meuse.


Voir aussi :

Antoine, un As de l’aviation

Marie, jeune épouse dans son nouveau foyer

S’envoler  

Détruire les lettres 

Un télégramme redouté