AI DOULOUREUX DEVOIR VOUS ANNONCER MORT LIEUTENANT LAPLACE
TUÉ GLORIEUSEMENT HIER SOIR OBSEQUES AURONT LIEU MERCREDI
MATIN SOUILLY PREVENEZ MOI SI VOULEZ VENIR HEURE ARRIVEE GARE
BAR-LE-DUC RESPECTUEUSES CONDOLEANCES : CAPITAINE DE LANGLE
Envoyé le 17 juin 1917 à la mairie de Chambéry.
Le maire certifie que les porteurs du présent télégramme sont les père, mère et belle-sœur du Lieutenant aviateur Laplace tué au champ d’honneur.
Reçu le 18 juin 1917.
C’est la pire nouvelle qui pouvait arriver, mais elle est tellement prévisible. Depuis presque trois ans, la guerre a détruit tant d’hommes. Cette famille a vu partir ses trois fils : Antoine, Amand et Marius.
Paul et Claudine sont inquiets, ils connaissent le chagrin éprouvé avec le deuil d’un enfant. Ils ont enterré dix ans auparavant au cimetière de Chambéry leur fille Louise, elle n’avait que 16 ans. Depuis le début de la guerre, ils ne sont rassurés que lorsque le facteur apporte de bonnes lettres de chacun de leurs garçons.
Marius, le plus jeune est né en 1896. Incorporé en avril 1915, il est parti en décembre avec le régiment d’infanterie. Il fait ce qu’il peut, mais, malade il est évacué à plusieurs reprises; il sera donc proposé pour la réforme. En 1917, il est en campagne à l’intérieur, c’est-à-dire hors de la zone des armées, Marius apparait alors un peu plus protégé.
Amand François, l’aîné se trouve au régiment d’infanterie. Il s’occupe de l’entretien et de la réparation des lignes téléphoniques lors de combat sous de violents tirs d’artillerie et de mitrailleuse. Toujours volontaire au moment le plus dangereux. Il a reçu une citation en octobre 1915 : « soldat courageux au combat, dévoué, s’est multiplié pour ramener les blessés dans nos lignes ».
Il obtient la croix de guerre avec deux étoiles de bronze.
Même si les parents peuvent se sentir fiers de leur fils, connaître les risques auxquels ils font face ajoute à leur inquiétude.
En juin 1917, tous se rendaient compte du désespoir d’Antoine qui voulait rejoindre Marie, sa jeune épouse morte quelques semaines auparavant. Ils pensaient que la présence du petit Paul rendrait son père plus prudent. L’enfant était confié à Fanny, la sœur de Marie dont la famille est voisine. Fanny leur communiquait-elle les lettres découragées dans lesquelles Antoine lui recommandait de prendre soin de Paul, déjà orphelin à trois ans ?
Antoine se porte volontaire pour des missions difficiles, il pleure la mort de ses camarades, en disant qu’il devrait être à leur place.
Ecoutez-le :
Lettre d'Antoine à Fanny, mai 1917
"Dimanche, au cours d’une mission, je suis rentré avec mon avion criblé
d’éclats d’obus, mais sans la moindre égratignure. La mort ne voudrait-elle
point de moi ? mon temps n’est sans doute pas encore venu."
"Un nouveau deuil vient de frapper encore notre pauvre escadrille. J’arrivais
sur le terrain pour voir un de mes camarades se tuer. C’est un lieutenant
marié. Si je pouvais être à sa place, moi qui n’es [sic] plus rien."
Paul et Claudine, les parents d’Antoine se sont-ils rendus dans la Meuse, à Souilly, pour la messe de funérailles ?
C’est possible, car Paul savait voyager, il a été employé au PLM, la ligne de chemin de fer Paris Lyon Marseille.
Dans quel état de tristesse puis-je les imaginer...
Marie, jeune épouse dans son
nouveau foyer
S’envoler (Au revoir là-haut)
Un télégramme redouté
Que de tristesse pour toute la famille
RépondreSupprimerOn y imagine le choc lorsque les familles recevaient ces télégrammes porteurs de deuil
RépondreSupprimer« Une femme fuyant l’annonce » tout est dans le titre du beau roman de David Grossman. C’est l’histoire d’une mère dont le fils est à la guerre et qui pressent le pire… Terrible !
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