2022-11-14

L_ Lire, relire, attendre, espérer

 

L



’attente du passage du facteur remplit ses journées d’un espoir fragile, suivi d'une déception en ouvrant la boîte vide.

Lire, relire les lettres d’André, puis lui écrire en lui demandant des nouvelles, poster des lettres, tel est le quotidien de Marie pendant les longs mois de la Grande Guerre.


Son deuxième enfant est né en août 1914. Elle a 24 ans, elle doit gérer la vie quotidienne à Lyon sans son mari. André est officier dans une ambulance proche du front. Il n’a guère le temps d’écrire, et certainement pas le cœur à raconter ce qu’il vit, ce que la censure ne permettrait pas d’ailleurs. Sa jeune épouse se montre très inquiète, elle est fatiguée par de "fréquents réveils nocturnes, suivis d’insomnies à penser aux dangers de la guerre".

 

Marie écrit tous les jours, elle reçoit « presque une lettre tous les 3 ou 4 jours. »

« Moi, je ne reste jamais plus de 2 jours sans t’écrire », dit-elle.

Elle n’envoie pas toutes les lettres qu’elle rédige, « la raison est que j’en ai déchiré et brûlé l’autre soir une de huit pages, immense où je m’étais trop laissée aller à être triste »

Marie patiente en relisant le dernier message d’André. Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé depuis !

 

12 novembre 1915

« Je ne peux pas comprendre pour quelle raison tu me laisses une semaine entière sans nouvelles ; est-ce manque de temps, as-tu changé d’occupations, d’endroit peut-être, ou n’es-tu pas bien portant et pas en train d’écrire ? As-tu des ennuis, des tristesses, je ne pense pas parce que j’espère que tu les aurais confiés à ta petite femme qui souffre tant de ne rien savoir comme ça. »

 

Au fil des mois, Marie devient moins naïve en ce qui concerne la réalité de la guerre, André lui a raconté certaines choses lors de sa dernière permission. Elle connait des familles endeuillées. Elle suit les actualités, elle en discute avec ses parents.  



 16 octobre 1916 

« Mon ami chéri,

Après quatre jours sans une seule lettre ce qui était bien attristant et finissait par m’inquiéter beaucoup, ce matin je viens de recevoir enfin un petit mot de toi, qui tout en me rassurant me déconcerte un peu ! Quelle brièveté et quel manque absolu de détails ! Pourquoi dis-tu qu’il est impossible que tu m’écrives régulièrement ces temps-ci ? […]



Alors pourquoi ne pourrais-tu pas envoyer de tes nouvelles. Au moins tous les deux jours ? […]

Dis-moi aussi si tu es un peu en danger, si vous risquez beaucoup là où vous êtes ; je t’assure que je suis courageuse tant que je pense que j’aimerais mieux, tellement mieux savoir ce qu’il en est. » 



La plupart de ses lettres présentent cette tonalité de reproches anxieux et d'inquiétude pour cet homme qu'elle aime. Il devait être difficile à André de la tranquilliser. Nous ne connaissons pas les réponses qu’il donne. Le couple n'a conservé que la correspondance féminine. Elle a lui a envoyé 783 lettres qui racontent la vie quotidienne à Lyon durant la guerre de 1914-1918.

Elles ont été archivées dans ce précieux tiroir bleu que l'on m'a prêté.



 Voir aussi la correspondance de Marie:

G- Grande Guerre 1914-1918

Promenade vers la place Bellecour en 1915

Une correspondance 1GM

2 commentaires:

  1. Des billets toujours émouvants, on te le dit souvent mais quelle chance de pouvoir détenir et lire ces lettres plus de 100 ans plus tard

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  2. C’est un peu délicat, car ces lettres ne m’appartiennent pas, mais j’ai envie vraiment de partager ces archives précieuses. Alors, par égard pour la famille et avec son accord, j’essaye de les présenter avec précautions.

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