La grande boucle
ou le trajet d’une carte postale centenaire
Le #Geneathème me donne
l’occasion de remettre à l'honneur cette carte postale
et d’essayer de comprendre la grande boucle qu’elle a parcourue depuis 1915.
et d’essayer de comprendre la grande boucle qu’elle a parcourue depuis 1915.
Elle m’a été envoyée par une très
vieille et lointaine cousine qui est décédée il y a deux ans.
Ces mots tracés de sa main l’accompagnaient.
« Quelle coïncidence ! … Nos pensées se rejoignent puisque j’allais
vous écrire et vous envoyer cette carte postale trouvée au fond d’un tiroir et
qui doit représenter votre quartier… D’après l’écrit, elle est centenaire et je
suppose qu’elle était destinée à une connaissance de pays ou de l’armée à cette
époque. »
Il se trouve que le paysage de
Lyon m’est familier. Il a très peu changé depuis cent ans et l’on peut reconnaître
chaque immeuble le long du quai de Saône. La
photo a été prise depuis le pont de Serin. Le trafic des bateaux sur la Saône était
plus important, l’un est arrêté sur le port de la Chana, deux autres
remontent la rivière. La colline de Fourvière est restée aussi verte que sur
cette vue colorisée.
Qui a envoyé cette carte ?
Nous ne le savons pas, le
scripteur n’a pas signé.
La date est mentionnée « le 9/12/1915 à St-Genis-Laval »,
mais peut-être ce soldat l’a envoyée plus tard, alors qu’il était déjà loin de Lyon.
« Je suis parti au front » dit-il plus loin, ajoutant qu’il veut visiter Troyes : « Dimanche 12 décembre je pense allé à trois [sic] »
La date est mentionnée « le 9/12/1915 à St-Genis-Laval »,
mais peut-être ce soldat l’a envoyée plus tard, alors qu’il était déjà loin de Lyon.
« Je suis parti au front » dit-il plus loin, ajoutant qu’il veut visiter Troyes : « Dimanche 12 décembre je pense allé à trois [sic] »
A qui était-elle destinée ?
Il s’adresse à un « Cher Ami » et termine par
cette formule :
« En attendant de tes nouvelles reçois cher Ami une cordiale poignée de
mains »
Le A majuscule témoigne d’une
grande amitié entre ces deux hommes. C’est
remarquable, car il omet d’en mettre aux noms de villes.
Vers quoi court-elle cette écriture fine et légère ?
Cette carte postale a été mise
sous enveloppe qui n’a hélas pas été jugée digne d’être conservée, elle aurait
indiqué le nom du destinataire.
Comme la plupart
des soldats au front, le scripteur n’avait pas d’encre, il a utilisé un crayon papier léger.
Il a rempli d’une écriture fine et serré les deux colonnes de la carte sans
laisser de marges, il a ensuite utilisé l’espace au-dessus pour les
salutations.
Les barres des T rayent, griffent
et s’envolent vers le haut.
J’ai dit hâtivement que l’auteur
n’avait pas signé, mais en lisant attentivement l’avant-dernière ligne, celle
qui est placée tout en haut de la carte, on découvre : ton copain Auguste Roux (?) (copaïs = "connaissance du pays" ?) La
signature se glisse dans le corps du texte.
Cher Ami.
J’ai reçu avec plaisir de tes nouvelles il y a deux ou trois jours. Je
vois que tu ait toujours en très bonne santé. Seulement sur ta carte tu ne me
dis pas si tu as reçu la carte que je t’ais envoye de lyon. Je vais t’annoncer
que je ne suis plus à Lyon. Je suis parti au front car il y a un auxilliaire
qui m’as remplacé pour travailler. Enfin je fais la manœuvre
Nous ne sommes pas très mal, d’ailleurs il ne fais pas froid encore.
Dimanche 12 décembre je pense allé à trois alors j’en profiterai pour allé voir Mr(?) Sapet. As-tu tes reçu de ces nouvelles ainsi que celle de Lieffait.
Tu m’écriras dès que tu auras reçu ma carte car ? ta carte datée
du 18 novembre.
En attendant de tes nouvelles reçois cher Ami une cordiale poignée de mains.
ton copain Auguste Roux
Envoie moi une vue du pays où tu est, si tu trouves
J’ai fait de mon mieux pour
comprendre le sens de ce message, sans garantir des erreurs d’interprétation.
Si les lecteurs de ce billet veulent faire des suggestions, cela
m’intéresse.
Que nous apprend cette lettre ?
Peu de choses finalement. Pour
l’heure, les hommes sont tous deux en bonne santé. Ce qui est rassurant !
Comme souvent dans les
correspondances, et plus encore en temps de guerre lorsque l’acheminement des
courriers est fluctuant, les sujets majeurs sont la demande de nouvelles, la réception
et l’envoi des cartes. Ce qui peut apparaître décevant au lecteur contemporain
faisait partie des usages et des demandes dans les missives de cette époque.
C’est l’échange basique que l’on connait : ça va ? t’es où ? écris-moi !
Est-il mort à la Grande Guerre ?
Dans la liste des Morts pour la France,
j’ai cherché, tout en souhaitant ne pas le trouver, cet Auguste Roux. Il y a 42
homonymes, aucun n’est natif de l’Ardèche. Ma cousine ardéchoise suppose que c’était
une « connaissance du pays » d’un parent de sa famille.
Alors, ce poilu ne serait pas mort
au combat ?
100 ans plus tard, le voyage de la carte
Il serait bien étonné, Auguste, si je lui disais que cette carte postale est finalement arrivée justement à
l’endroit où la photo a été prise.
Peut-être, ce soldat l’a-t-il
achetée lors d’une permission à Lyon où il serait monté à Fourvière. On sait
qu’il souhaite précisément des vues des endroits traversés. Il a commencé à écrire à
St-Genis-Laval où devait se trouver sa garnison. Puis, la carte est restée dans son
sac jusqu’aux environs de Troyes. Elle a été expédiée dans un village de
l’Ardèche, peut-être Pailharès, ou Saint-Barthélemy le Plain…
Pourquoi a-t-elle été conservée
si longtemps ?
L’ami était cher, le soldat a dû lui envoyer plusieurs cartes postales, et puisque celle-ci est particulièrement belle, on l'a gardée …
Marguerite l’ayant trouvée dans
son grenier a su en prendre soin ; elle a eu la gentillesse de me l’envoyer. Mille fois, cette carte aurait pu être perdue. Elle devient encore plus précieuse à mes yeux depuis que Marguerite nous a quittés.
Belle manière de redonner vie à une carte
RépondreSupprimerCette carte postale gardera une part de mystère... C'est une très belle idée effectivement de nous la faire partager !
RépondreSupprimerMerci d'avoir partagé avec nous cette carte et son mystère. Je suis toujours émue lorsque de telles archives privées traversent le temps et continuent d'être chéries bien des années après.
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