Dans l’article précédent, nous avons été témoins des
dernières volontés de Jean Audibert qui est décédé le 17 juin 1766.
On trouve dans ce même registre plusieurs actes
témoignant des affaires que sa veuve a dû gérer, elle est toute jeune, elle a
25 ans et vit loin de sa famille qui demeure de l’autre coté de la Durance à Grambois en Luberon.
Laissons Magdelaine montrer comment elle se débrouille au
cours des premières semaines de son veuvage. C'était il y a exactement 250 ans.
- Ma chère Magdelaine,j'ai raconté plusieurs épisodes de ta vie et les lecteurs de ce blog me demandent de tes nouvelles pour le #RDVAncestral.
Comment s'est passé cet automne 1766 ?
Je devais être courageuse c’est ce que tout le monde me disait. Jean est parti si vite, cinq années de mariage et la mort l’a emporté en quelques jours. Dans ses dernières heures, il m’a demandé de bien m’occuper de nos petits, il m’a fait ses recommandations, me disant qu’il avait confiance en moi.
Comment s'est passé cet automne 1766 ?
Je devais être courageuse c’est ce que tout le monde me disait. Jean est parti si vite, cinq années de mariage et la mort l’a emporté en quelques jours. Dans ses dernières heures, il m’a demandé de bien m’occuper de nos petits, il m’a fait ses recommandations, me disant qu’il avait confiance en moi.
Je ne suis pas aussi instruite que mon mari, je ne sais pas
écrire, ni signer, mais il fallait que je sache compter et m’organiser pour
survivre et élever nos trois enfants.
J’ai passé plusieurs actes dont j’avais besoin, ils sont écrits
dans les registres de maître Bon et de maître Jauffret.
Le jour de 4 septembre 1766 où je suis allé céder la ferme de droit de fournage, j’étais
accompagnée « avec l’assistance et
authorization et du consentement exprès de François Allier, mon père ».
Vous croyiez que la femme demeure une éternelle mineure
n’ayant pas la gestion de ses biens, ni la tutelle de ses enfants. Et bien… mon
défunt mari m’a « nommée tutrisse et
administaraisse » ainsi que le notaire en a fait lecture le 13
septembre. Pour l’insinuation du testament, il a fallu payer 52 livres 14 sols
et 11 deniers.
oliviers et amandiers |
Le 16 septembre j’ai donné un bail à mégerie, pour quatre années, de trois terrains que notre famille
possède.
Une mégerie (miège signifie demi),
c’est un bail à moitié, dans lequel on partage les récoltes en échange des
soins des cultures. Chacun y trouve son compte, pour moi je ne vais pas travailler
sur les terres puisque je dois m’occuper des enfants et de l’auberge. Cela m’enlève
un souci car je ne puis émonder les oliviers tailler la vigne, récolter les amandes et les olives... et les gerbes que ledit Gillet s’oblige de charier
le tout et fouler à ses frais et dépens.
Bail à mégerie 16/9/1766 |
et quant aux gueres
consistant en la terre dit de la Condaminée guerée de deux railles, les deux
autres terres en restouble qu’il le sont a la fin de la megerie ledit Gillet
s’oblige de laisser dans le meme etat qui les trouve
Vous savez que la terre doit se reposer, ainsi les terres
moissonnées sont laissées en chaume dits restouble.
Le guéret est la terre labourée qui
doit rester en jachère partiellement, on n’ensemence que deux railles.
Et quant aux fumiers
les parties ont convenu d’y mettre auxdites terres la moitié chacun de son chef . Et la semence pour ensemencer elle
sera fournie par egalle part par chacun de nous.
Ce terrain des Condamines, Jean
venait de l’acquérir en septembre de l’année précédente. L’acte d’achept est dans le même registre.
Antoine Berne, le vendeur avait besoin d’argent pour la dot de sa fille
Françoise. Il reçoit 10 livres le jour de la signature et les 150 livres
restantes sont payées par l’acheteur en
un parts de mariage. Jean pouvait ainsi agrandir sa propriété qui confronte
celle-ci au levant.
A la fin de l’été, ce n’est pas
encore la période pour cueillir les olives et les vendre au moulin à huile.
En
attendant, il a fallu faire rentrer de l’argent. J’ai emprunté 169 livres à
Guillaume Hugou, le maître cordonnier, un ami qui était présent au chevet de
Jean. Au titre de cette amitié il a eu la gentillesse de me prêter sans
intérêts, je lui rendrai en septembre de l’an prochain. Pour écrire cette reconnaissance de debte, le 8 octobre, le notaire, Maitre Bon s’est cru
obligé de préciser qu’il est venu « dans la maison où elle habite attendu
son infirmité ». Je n’ai pas osé lui dire que ce n’est pas une maladie que
d’être enceinte.
L'an mille sept cent soixante six au mois d'octobre, sépulture, baptême |
Le 12 octobre, on a enterré ma belle-sœur. Magdelaine Maillet
épouse Audibert, nous sommes quasi homonymes et cela me gène un peu. Je ne suis
pas allée au cimetière, je me sentais trop lasse.
Jean François est né le
lendemain, lundi 13 octobre. J’aurais
tellement voulu que ce petit connaisse son père. Je vais le chérir beaucoup ce
petit orphelin qui porte son prénom. Si c’était une fille, elle se serait
appelée Françoise pour remplacer mon deuxième bébé qui a vécu si peu de temps.
Ma sœur Marguerite est venue m’aider, j’ai vraiment apprécié sa présence, je lui ai demandé
d’être la marraine de mon bébé.
Quittance, le 14/10/1766 |
Ah, les méchants, j’en suis encore
toute retournée ! Mes neveux se sont empressés de venir me voir. Même le
notaire et les deux témoins ont pensé que je méritais plus d’égards « attendu mon incommodité ». Ce
n’était pas une visite pour souhaiter la bienvenue à mon pitchoun qu’ils m’ont
faite ce 14 octobre, lendemain de sa
naissance. Catherine, Rose et Joseph
sont venus me réclamer « 30 livres 5
sols principal et 25 livres 14 sols trois deniers pour les insterets à quoy se
montent lesdits insterets des dix sept années procedant la susdite somme de 30
l 5 sols pour le leg à eux faits ». Il s’agit de l’héritage de leur
grand-mère, Françoise Gaillardon (sosa
345) que Jean aurait encaissé sans leur donner leur part. De surcroît,
ces mauvais bougres ont eu le culot de demander les intérêts et même la part
d’Élisabeth, leur défunte sœur. C’était une faute de Jean de n’avoir pas payé
cela plus tôt, mais franchement était-ce bien le jour de me réveiller alors que
j’ai tant besoin de repos ! et leur pauvre mère morte depuis dimanche
aurait eu plus d’égards pour nous.
Ils s’en sont retournés et « sont comme contents et satisfaits ont
tenu et tiennent quitte ladite delle Allié »
Source des actes : AD 83, registres de notaires 3E14 475
Bibliographie
Bibliographie
Thérèse Sclafert, Usages agraires dans les régions provençales avant le XVIIIe siècle. Les assolements