2022-06-25

Antoine, un As de l’aviation

 

Antoine Laplace, l’arrière-grand-père est un As de l’aviation.




Comme tous les héros, le personnage n’est pas lisse et présente deux faces.


À la fois courageux et lâche. Amoureux et désespéré. Aventurier et gratte-papier. Cavalier puis aviateur dans l’armée. Il fut un soldat, victime de la Première Guerre mondiale, un lieutenant pilote, actif lors d’une époque qui lui a permis de mourir en héros.

Un as !

Lorsqu’il s’est marié le 8 mai 1913 à Chambéry, il était chef de bureau au Comptoir national d’escompte de Paris (CNEP) à Grenoble. Mais, n’allons pas installer ce jeune homme séduisant dans l'existence banale d’un employé de banque, sa vie fut brève mais intense.

Marie lui écrit le 14 mai 1914 : « Comme notre vie va être courte, ils fuient si vite les jours de bonheur. » Incroyable pressentiment, pourquoi a-t-elle pensé cela ? Elle venait de donner naissance à un beau garçon, au printemps le pays était encore en paix. Leur merveilleuse lune de miel a perdu ses couleurs dans la poussière de la guerre, de la maladie et du désespoir.

Le petit Paul, est né le 8 mai 1914, exactement un an après leur mariage, tel un cadeau, deux jours après l'anniversaire des 26 ans du jeune papa. 


Deux ans plus tard, la femme de sa vie allait le quitter pour rejoindre les bras de la maladie qui devait la livrer à la mort. Amoureux à jamais inconsolable, il l’a suivi sans se retourner.

Ils ont laissé un fils, si jeune imprégné de tristesse du destin, relevant la tête, mais marchant péniblement le long de ses parcours brisés.

L’ombre de la mort ne peut éteindre ce couple, marqué par la lumière des printemps où l’on se rappelle sa naissance et celle de son fils, leur mariage et leurs décès. C'est en silence que ses petits-fils fleurissent leur tombe à Chambéry. Nous dormons dans les draps qu’ils n’ont pas usés, nous mangeons dans leur vaisselle qu’ils n’ont pas ébréchée, sur d'impeccables nappes brodées (par Marie ?) à leurs initiales juxtaposées.  

 


 

 Le 1er août 1914,

Les hommes sont rappelés à la suite de la mobilisation générale. Antoine rejoint le 13ème régiment de Chasseurs à cheval. La vie militaire ne doit pas être un mauvais souvenir. En 1906, à l’âge de 18 ans, il a devancé l’appel ; cela a dû lui plaire, car il a effectué six années de service dans la cavalerie. Il sait parler aux chevaux, le 20 mai 1908, il reçoit des félicitations pour avoir maîtrisé un cheval emporté. Il a aussi l’occasion de pratiquer l’escrime et il est bon nageur.

Mais cette fois-ci, on ne joue plus, c’est la guerre, alors Antoine, le cœur serré, doit quitter sa jeune famille. Il rejoint son régiment à Valence.

Dix jours plus tard, il propose à Marie de venir le retrouver pour quelques jours à Lyon.


Les lettres qu’ils échangeaient devaient être beaucoup trop intimes, il n’a pas voulu les conserver. On ne peut qu’imaginer, les déclarations enflammées, les confidences brûlantes, les souvenirs chaleureux de ce couple amoureux.

 


Le 26 septembre 1915, en effectuant une reconnaissance, il est blessé à la cuisse par un éclat d’obus. Cela lui vaut une citation à l’ordre de l’armée. Espérons qu’il a passé sa convalescence chez eux à Grenoble ou plus probablement à Chambéry auprès de leurs familles. Antoine, Marie et le petit Paul ont partagé si peu de temps tous les trois ensemble, cela doit se compter en jours pour l’année 1915, trois mois en 1914.

En janvier 1916, de retour sur le front, il est nommé lieutenant au 13ème chasseurs.


Un valeureux pilote

Antoine est un jeune homme moderne, lorsqu’il apprend qu’il a l’opportunité de suivre une formation, il se montre intéressé par les progrès de l’aviation. Il accomplit un stage au sein de l’école militaire d’aviation du Crotoy. Marie le rejoint pendant trois mois. Elle passe les journées à attendre son héros, il effectue des trajets de plus en plus longs. Le soir, il lui raconte ses vols au-dessus de la baie de Somme, au-dessus des ruines des champs de bataille, au-dessus des villages bombardés, au-dessus des nuages. Puisqu’il est bien classé, il se présente rapidement à l’examen final. Le 24 août 1916, son épouse est fière d’assister à la remise du brevet d’aviateur. Mais elle se montre sûrement inquiète à l’idée qu’il parte combattre sur le front comme pilote à l’escadrille n° 27.

Marie tousse. Marie ne guérit pas des suites de la pleurésie dont elle souffre depuis l’an passé ; plus légère qu’une plume, elle ne réussit pas à reprendre des forces. Elle voudrait Antoine auprès d’elle. Antoine obtient quelques jours de permission, pour la voir si faible qu’il en est désespéré.


Entre le 10 mars et le 26 avril 1917, les lettres, adressées à Antoine par Marie, et par sa sœur Fanny lorsqu’elle est trop fatiguée, donnent à suivre le déclin de Marie.

Elle s’éteint le 26 avril 1917.


Souvenirs de Marie, ses cheveux dans le médaillon

Le 5 mai, le jeune homme éploré écrit : «Mes Biens chers Parents : 

 … Toujours de plus en plus désespéré. Je n’ai de goût à rien, je suis désorienté je ne puis m’habituer à mon affreux malheur. Je sens bien que si le Bon Dieu n’a pas pitié de moi en nous réunissant, il n’y a plus une minute de joie ici-bas.  […] 

Un nouveau deuil vent de frapper encore notre pauvre escadrille. J’arrivais sur le terrain pour voir un de mes camarades se tuer. C’est un lieutenant marié. Si je pouvais être à sa place, moi qui n’est [sic] plus rien. »

Il dit encore : « Prenez bien soin de mon pauvre Petit, apprenez lui à prier pour sa chère Petite Maman. […] »

Son anniversaire est le lendemain, il a 29 ans, et son fils Paul va avoir trois ans dans trois jours.


Il prend des risques de plus en plus importants. Il "a exécuté des croisières de chasse poussées loin dans les lignes ennemies, rentrant à plusieurs reprises avec un avion atteint par les projectiles."

Le 16 juin 1917, "au cours d'un combat qu'il avait engagé avec son énergie accoutumée", son avion est atteint par des tirs ennemis. Il réussit à se poser, il descend et se couche sous l’appareil pour mourir.


D’autres billets sont en cours d’écriture pour raconter Antoine, 

un grand-père séduisant comme l’as de cœur :

Antoine, un As de l’aviation

Marie, jeune épouse dans son nouveau foyer

S’envoler (Au revoir là-haut)

Détruire les lettres 

Un télégramme redouté

De l'autre côté des combats 

La mort ou la vie


16 commentaires:

  1. cette guerre, elle en aura fait des dégâts !

    RépondreSupprimer
  2. Très touchée par ce billet, par ta façon pudique de parler de cet ancêtre, par l'impact même léger que son couple avec Marie a encore dans votre vie. C'est un beau billet que tu nous offres, et une très belle photo

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Sympa, Brigitte, d'avoir parlé de ce billet sur ton stream Twitch !

      Supprimer
  3. Bonjour
    J’ai lu votre texte par un de ces hasards qui font l’intérêt d’internet ;)
    Vous avez probablement déjà identifié ces sources, mais je voulais signaler qu’Antoine Laplace est plusieurs fois évoqué - et photographié - dans ce site site encyclopédique consacré aux escadrilles de 14-18 :
    Escadrille N15 (observateur) http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/escadrille015.htm
    Escadrille N23 (pilote) : http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/escadrille023.htm
    Bonne lecture !

    (Sans esprit de polémique, le terme « as » est réservé aux pilotes ayant validé au moins 5 victoires contre l’ennemi)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je vous remercie de cette précision concernant les as de l’aviation. Je connais le site mémoriel très explicatif que vous citez.
      Antoine reste un héros pour la légende familiale. J’espère qu’il n’a pas abattu 5 aéronefs en combat aérien pour mériter officiellement le titre d’As de l’aviation. Ce que l’on demande aux hommes pendant la guerre est toujours effroyable. Les récits qu’il en fait dans ses lettres sont terribles.
      Le titre que j’ai choisi pour ce billet n’est pas un hommage militaire, mais un coup de cœur ♥ pour ce jeune grand-père.

      Supprimer
  4. Magnifique ! Merci.

    RépondreSupprimer
  5. Merci pour ces commentaires ! Je peux vous dire que j'ai longtemps hésité à écrire et à publier ce billet qui tout de même révèle un lourd secret familial !

    RépondreSupprimer
  6. Bonjour
    Joli texte sur ces vies brisées..
    Je pense que vous en disposez déjà, mais voici un lien vers la fiche aéronautique de votre ancêtre, remplie de sa main...
    https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m00523ad26dcf0cc/5242c7f5906cc

    Et peut être celle d'un cousin aviateur ?
    https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m00523ad1790417a/5242c79be2e3e

    Cordialement
    Thierry

    RépondreSupprimer
  7. Comme c’est bien ecrit! Les larmes me viennent aux yeux. Merci de faire revivre cet amour.

    RépondreSupprimer
  8. Extrêmement poignant votre récit. Je n'ai pi retenir une larme malgré mes 81 ans. Merci

    RépondreSupprimer
  9. Très triste histoire si bien contée. Les guerres ont fait tellement de dégâts dans les familles.

    RépondreSupprimer
  10. Bel hommage à un couple qui n'a pas eu de chance.

    RépondreSupprimer
  11. Comment ne pas être ému à lire votre récit.. c est un très bel hommage à ce jeune couple..merci

    RépondreSupprimer
  12. Deux jeunesses foudroyées et un jeune orphelin. Quelle tristesse ! Les larmes nous viennent.

    RépondreSupprimer

Merci pour le commentaire que vous laisserez !