2024-02-20

De la tendresse dans les archives

 

En ce jour de Saint-Valentin, faut-il s’attendre à dénicher de la tendresse sous la poussière des archives ?


Depuis plus de deux siècles, une correspondance a été soigneusement conservée, d’abord par sa destinataire, ensuite par les neveux et descendants des petits-neveux qui ont décidé de la confier aux AD 69, ainsi qu’une grande partie de leurs archives familiales.

Écrites entre 1771 et 1793, les lettres sont devenues encore plus précieuses pour Jeanne Marie après la mort de son époux, qui fut guillotiné en décembre 1793, victime de la Terreur à Lyon.

Pierre Antoine Barou est un lointain cousin de mon mari. Nos ancêtres communs sont ses grands-parents Antoine Barou et Marie Léorat (génération XI, sosas 1692 et 1693) mariés en 1696 à Annonay.  

Cet homme me touche, car sa famille est originaire de la même ville que moi et il habitait à Lyon dans des maisons que je peux situer. Au cours de mes recherches, j’ai croisé plusieurs personnes qu’il a rencontrées, notamment lors de l’envol des premières montgolfières, en 1784.


J’ai réservé plusieurs cotes aux Archives du Rhône pour donner du corps à mes recherches sur cet homme élégant, un gentilhomme qui m’intrigue. C’est son cœur que j’ai vu battre d’amour pour sa femme à qui il adresse des pensées pleines de tendresse.

La dame de 💜
(carte dans le fonds d'archives)

Chaque missive offre une déclinaison de ses sentiments :

« Adieu ma bonne et tendre amie, je t’aime et t’embrasse du plus profond de mon cœur. »


18 août 1782


21 may 1783


Sa fin tragique ajoute une tension terrible qui irrigue la lecture de sa correspondance. Pierre Antoine et Jeanne Marie n’ont pas eu d’enfant. Ils apparaissent comme un couple uni, amoureux, ils se confient leurs projets ainsi que les moments de déception. Il lui explique en détail les rencontres, les visites aux amis, et les affaires professionnelles qu’il traite avec plus ou moins de succès.    

Les mots par lesquels il termine ses missives sont touchants. Aimeriez-vous recevoir de telles déclarations ? 

18 septembre 1771


Lettré, polyglotte, maniant le verbe comme un avocat, séducteur jouant à l'italien, il écrit quelques pages dans cette langue et Jeanne Marie joue le jeu en lui répondant sur le même ton. 



Certaines lettres commencent sur des reproches mutuels qui apparaissent d’abord sans gravité et semblent liés aux aléas de la poste. Je dois les relire plus attentivement pour déceler ce qu’il se trame entre les lignes. Madame suspecte quelque infidélité et monsieur se justifie avec brio. 




Au nom du plus tendre attachement, ne trouble pas ma tête des inquiétudes de la tienne ; mon amitié bien éprouvée devroit t’inspirer plus de confiance, et ce n’est pas à mon âge, qu’on peut craindre de me trouver moins fidèle à ce sentiment. – Je t’embrasse sans réserve et sans conditions. Adieu. (16 août 1782)

Ces mots semblent être une réponse à la lettre de Jeanne Marie rangée sous une autre cote. Par retour, elle lui adresse de vives réprimandes sur sa conduite légère et conclut : «Je te prierai aussi de ne pas brûler cette lettre et de me la rendre à ton retour ». C’est ainsi que ces correspondances ont été conservées jusqu’à nous.

Ce billet est inspiré par le généathème "Rendons-nous aux archives !"


9 commentaires:

  1. Merci pour ce bel article qui bat en brèche l'idée que les mariages amoureux ca n'existait pas, comme je l'ai lu dernièrement.

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    1. L’amour est présent dans la vie des couples. Ici, Jeanne Marie gère la relation lorsqu’elle devine qu’il y a des écarts; Pierre se justifie en lui exprimant son amour qui est réel et doublé d'une belle amitié. Les deux écrivent avec beaucoup de nuances et calculent le sens des mots qu’ils échangent.

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  2. Lorsque les archives se conjuguent avec les sentiments et les mots choisis, émotion à la lecture.

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  3. Les histoires d'amour existaient bel et bien chez nos ancêtres. Ton billet en est la preuve ! J'adore !

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  4. Un amour épistolaire en sus de celui du quotidien ... Superbes échanges

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  5. Oh ! Rien de mieux pour bien comprendre la vie de nos ancêtres ! Belle découverte, même si le destin de l'époux est tragique.

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  6. Que c'est beau de voir et lire de tels propos ! On sent bien que l'amour les uni même au plus haut des abus de la révolution.

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  7. Très beau texte et très émouvant. Bravo de nous faire revivre l'amour de ce couple, éprouvé par la vie et les aléas de l'histoire.

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  8. Bonjour, Que de belles déclarations dans ces échanges. Une impressionnante découverte. Je ne peux qu'imaginer les émotions que l'on peut ressentir quand on fait ce type de découverte. Bravo à vous pour le travail de recherches et la rédaction de cet article.

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