Marie est invitée au mariage de son amie Claire, le 23
septembre 1915
« T’ai-je dit que
Claire se mariait le jeudi 23 dans la plus stricte intimité et sans
aucun cérémonial ? La cérémonie doit se faire dans la chapelle de la
Ste-Vierge à Ainay. Il ne viendra pas beaucoup de personnes »
« Je compte y
assister, car elle m’a écrit pour m’en prier »
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Eglise Saint-Martin-d'Ainay à Lyon |
Les amies de Marie L. s’avèrent souvent être des cousines que l’on peut relier à son arbre.
Claire a 22 ans, soit quatre ans
de moins que Marie laquelle, mariée depuis quatre ans, est mère de deux enfants.
Les cérémonies heureuses n’étaient pas si fréquentes pendant la Grande Guerre,
la jeune femme a apprécié d’assister au mariage, un moment de réjouissance au
milieu de moments tristes.
Le mariage civil a eu lieu à la
mairie du 2eme arrondissement de Lyon à dix heures du matin ; ensuite on a marché simplement jusqu'à l’église proche.
Marie s'est placée à côté de sa
grand-mère.
« Mais nul de nous n’est invité au déjeuner qui suivra; bonne
maman par exemple en qualité de marraine était invitée, mais elle a refusé car
elle part le lendemain 24 jours pour Fribourg et a trouvé qu’il lui suffisait
d’aller à Ainay. »
Elles s’attendaient à ce que la
cérémonie n’ait pas l’éclat des mariages d’avant guerre, cependant Marie est
stupéfaite de l’absence de solennité de la messe.
« Ce mariage Guill. était une chose incroyable de simplicité et de
sans façon : simplicité qui était certainement voulue et cherchée à cause
de l’heure présente, mais j’ai même trouvé que c’était un peu exagéré, et que
sans l’ombre de réjouissances, ni de réceptions nombreuses , qui auraient
certes été choquantes dans un pareil moment, la cérémonie à l’église aurait pu
être un peu plus solennelle »
Naturellement la famille de Marie
et d’André a dû faire une comparaison avec leur mariage, 1911 était une époque
plus heureuse.
« On ne se marie en général
qu’une fois, et le mariage religieux doit vous laisser, je trouve, de grands et
beaux souvenirs : hier tout s’est passé dans la chapelle de la Ste-Vierge
à Ainay »
L’ office, réduit au minimum,
s’est tenu dans la chapelle latérale à droite et non dans la grande nef de la prestigieuse
basilique Saint-Martin-d’Ainay qui fait aurait fait résonner magnifiquement les chants, mais hélas l’orgue n’a pas joué pendant la messe basse voulue par la
famille.
« pas
un sou de musique ni de chant, une messe basse vite dite précédée d’une rapide
bénédiction et de quelques conseils qui n’avaient pas la prétention d’être un
discours, lus par un vicaire d’Ainay ; 2 chaises nues avec 2 prie-Dieu
devant pour les mariés »
Au mariage de Claire on ne
croisait guère de tenues élégantes, l’assistance était composée de «quelques personnes en costume sombre de
ville usagé et nullement élégant ».
On peut être assuré que la jolie Marie avait su s’habiller avec soin pour la
circonstance.
«J’ai été stupéfaite en voyant entrer Claire G. en robe tailleur de
ville qu’elle aurait pu porter dans la rue et un grand chapeau tout
blanc : c’était bien un costume de fiançailles, mais pas de mariage »
L’élégance et le savoir-vivre des
lyonnaises ne sont pas de mise ici.
« Son fiancé était en uniforme » Abel a 25 ans, sa
profession est mentionnée comme employé de commerce, mais
pour l’heure il exerce la mission de sous-lieutenant au 8ème hussard.
Les parents
de Claire auraient souhaité retarder la date de l’union, ils n’apprécient pas
que leur fille se marie si tôt.
« Les Guilleminet disent qu’ils ont fait tout le possible pour que
ce mariage ne se fasse pas encore mais que Claire a été impossible à
convaincre ; son fiancé qui a toujours été tranquillement dans le midi à
je ne sais quel poste bien sans danger est maintenant à la Valbonne et elle dit
qu’elle veut l’épouser avant son vrai départ qui ne peut plus tarder. »
Marie peut témoigner, comme cela
s’est produit pour le mariage de Gabriel et pour celui de Marcelle, que ces
réticences sont courantes en temps de guerre. Les mariés se hâtent de convoler
alors que leurs familles essayent de les dissuader ou de les freiner. En tous
cas, elles se rendent à la noce sans enthousiasme et en rang clairsemés avec
des tenues simples.
Marie se désole pour son
amie :
« Qui aurait dit que la riche, choyée et élégante Claire G. se
marierait de cette façon là ? Je sais bien qu’ils n’en sont pas moins tout
aussi bien mariés ; mais je trouve que c’est un peu exagéré. »
Voici le faire-part discret, paru deux
semaines après dans le Figaro, de ce mariage « célébré dans la plus stricte intimité »
Néanmoins
Claire et Abel auront une longue vie ensemble. Claire vivra jusqu’en 1975, atteignant l’âge de 89 ans, Abel celui de 91 ans, ce qui fait soixante ans de
vie commune.
J'aime cette façon de raconter qui donne l'impression d'être là, de les entendre se parler, de les entendre se prendre pour mari et femme ... Un mariage dans l'intimité, mais quel mariage !! 60 ans de vie commune ! C'est superbe ...
RépondreSupprimerVivre ce mariage de l'intérieur, à travers le regarde de témoins, cela fait de cette lecture un instant privilégié. Merci pour le partage
RépondreSupprimerClaire s'est obstinée, l'avenir lui a donné raison ! Ça n'aura pas été un grand mariage avec tout le tralala mais ces deux-là se sont dit oui pour la vie. Et puis, tu racontes bien, je m'y suis crue !
RépondreSupprimerSympas vos commentaires!
RépondreSupprimerJ'ai voulu mettre un peu de bonheur dans ces récits tristes que raconte Marie à André dans ses lettres au temps de la Grande Guerre.