Marie et André désiraient avoir une famille nombreuse, leur troisième enfant aurait vu le jour plus tôt si leur projet n’avait pas été compliqué par la Grande Guerre.
Pierre aurait cent ans dans quelques jours, il est né le 25
mars 1918.
Pierre P. |
Était-ce une bonne époque pour donner vie à un enfant ?
Marie désespère de ne pouvoir
mettre en route cette grossesse, elle consulte son médecin … Elle aimerait que
les permissions d’André soient propices et se désole lorsque cela n’est pas le
cas.
Cela nous étonne ce désir
d’agrandir la famille puisque la vie est tellement difficile en ces temps de guerre, mais alors
la société encourageait les naissances.
Les familles catholiques sont
influencées par le prêche des curés. Le 13 janvier 1917, la jeune femme approuve
le prédicateur tout en déplorant le contexte de cette injonction : « Il est revenu plusieurs fois à son
thème favori : le nombre des enfants qui doit être aussi grand que
possible et il appelle tout simplement « déserteurs » ceux qui n’ont
point ou peu d’enfants. Il est bien difficile de lui obéir quand on est à Lyon
et l’autre à Verdun »
La propagande politique est persuasive,
pour affronter l’ennemi, il est indispensable de repeupler la France qui
enterre chaque jour tant de jeunes gens tombés sur le front.
Aux soldats on accorde des permissions
et on augmente les congés pour les naissances.
Comme beaucoup de femmes, Marie
calcule, il ne faut pas négliger les avantages qu’elle sait rappeler à son
époux le 11 décembre 1916.
« Pour ces permissions dues
aux enfants nés depuis la guerre, possibilité d’ajouter 3 jours aux 7
autres d’une prochaine permission »
Fécondité
Chacun d’eux est issu d’une
famille de huit enfants. Il faut noter
que les générations précédant leurs parents ne se montraient pas aussi fertiles,
ce regain de natalité dans leur milieu socio-économique date de la seconde
moitié du XIXème siècle. Il est intéressant d’analyser le cas des 101 couples de
cette généalogie. Mon logiciel Généatique donne ce tableau statistique de
fécondité, la hauteur indique le nombre d’enfants par couple selon l’année de mariage.
Cliquer pour agrandir les statistiques |
Au début du XIXème
siècle, ces familles-là ont entre un et trois enfants, voire quatre. La génération suivante
est plus prolifique, le nombre augmente jusqu’à huit enfants. Et cette tendance se
poursuit malgré les années de guerre.
Le titre que j’ai choisi pour ce
billet est anachronique, jamais Marie, ni son entourage, n’utilisent le mot bébé pour
parler de ses nouveau-nés, elle écrit le plus souvent "le très petit", "le fils ", et " la
fille " pour désigner Anne dont elle n’écrit jamais le prénom, usant
éventuellement du diminutif "Mimi".
Jean, "le bon gros fils ", est
toujours " Jeannet " pour
le différencier de Jean P. son oncle et parrain.
Le dernier-né, Pierre : " notre très petit fils ".
Pierre porte le prénom du frère
d’André, celui qui est mort en août 1917, il a pu être choisi dès les premiers
mois de la grossesse de Marie.
Élever les enfants
La jeune maman n’est pas isolée, elle est assistée par son
entourage ; malgré cette aide, Marie accuse le choc de la naissance de son
troisième enfant, c’est un surcroît de fatigue dont elle se plaint à son mari.
Elle reste au repos le premier
mois après l’accouchement, puis la vie reprend son cours, le 24 avril 1918 elle
se rend à l’église :
« J’ai fait hier mes relevailles à Ainay accompagnée de tante
Claire ; voilà qui est accompli »
La semaine suivante, « J’ai sorti Pierrot pour la première fois » le 30 avril
1918
Marie sait que cela n’intéresse
guère le père, mais le 6 mai elle ne peut s’empêcher de donner des détails
concernant les soins que nous n’oserions plus infliger à un enfant de nos jours :
« Lavement et huile de ricin. »
Plus encore que pour les aînés,
la jeune maman doit s’occuper de ce petit, elle assure les tétées « Je suis tout à fait réduite à
l’esclavage ».
Le 20 août, Mimi a de la fièvre.
Pierrot pleure, voilà que Marie est épuisée.
« Ma vie depuis cinq mois n’est certainement pas reposante et
j’envie Juliette [sa belle-sœur] qui
joue du piano en ce moment … »
Les soucis continuent, le 22 août,
la chaleur est écrasante et les fièvres, diarrhées et autres maladies des
petits persistent, elle doit s’occuper des malaises de la digestion et
donner des purgations …
Le petit Pierre a une santé
fragile, sa maman est souvent inquiète au sujet de ses petites maladies
infantiles.
« Ca tousse, ça tousse » le 11 mars 1919, on craint la
coqueluche qui ne manquera pas d’atteindre les enfants.
André doit trouver que sa femme
se fait du souci pour des symptômes d’une grande banalité chez les jeunes
enfants, (comme cela a été mon sentiment en lisant ces lettres). Marie en a conscience, cependant elle relate régulièrement
tout ce qui la préoccupe au sujet de la santé ceux qu’elle aime.
Toutes les mères savent que la
vie est fragile
Le petit Pierre meurt le 8 août 1920
à l’âge de 29 mois.
Quelle tristesse, cette mortalité infantile, je ne m'y fais toujours pas ! Le petit Pierrot était de santé fragile certes, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'aujourd'hui, on l'aurait probablement sauvé :(
RépondreSupprimerMarie, une mère courage dans les temps difficiles de la fin de la guerre ! Comme le dit Marie, la mort d'un enfant est toujours aussi triste.
RépondreSupprimerJ'ai également le cas dans ma famille où le terme "bébé" n'était pas trop utilisé. Mon arrière-grand-père, dans ses lettres, parlait de petit Pierre ou alors de Pierrot pour parler de son fils...
Il n'était pas un bébé parmi d'autres puisqu'il était le tout petit porteur d'espoirs, le fils désiré, le petit Pierre identifié qui vit toujours puisque nous en parlons si longtemps après son éphémère passage sur terre
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