#RMNA 3
C’est le troisième hiver que
Marie doit affronter seule, la vie quotidienne ne fait que se détériorer à
Lyon.
Pour se chauffer et pour
cuisiner, il est nécessaire de trouver du charbon qui se raréfie.
Marie disait (dans le précédent épisode du #RMNA) combien il faisait froid en 1918, mais dès 1915 elle a
dû affronter ce problème, sans l’aide d’André depuis que son mari est sur le
front. Ce sujet est souvent évoqué dans ses lettres.
« Pour le charbon qui est une très grave et très ennuyeuse
question, crois bien que j’en suis très préoccupée [… ] Ce qu’il y a de sûr,
c’est que le charbon atteint des prix énormes […] je ne sais pas du tout
comment je ferai et j’aurais dû faire une provision en mai dernier »
28/07/1915
Au début de la guerre, il était encore
possible de s’en faire livrer moyennant une somme importante qui grevait le
budget, alors toutes les familles ne peuvent pas se le permettre.
« On dit que les misères
sont effrayantes cette année avec le prix excessif du charbon et du reste. »
24/11/1915
En 1916, il reste encore des
stocks de coke, mais il est de plus en plus difficile d’en obtenir.
« Ce n’est pas le charbon qui manque, du moins encore pour le
moment, mais les hommes et les chevaux pour les transports ». « J’avais
été chez 3 charbonniers de notre quartier qui ne servent que leurs
clients. Finalement la belle-sœur d’Agathe a promis de m’en faire
envoyer » 13/11/1916
Marie frappe à toutes les boutiques
de Lyon, partout il y a pénurie.
« Cette
pauvre femme Perrier n’a pas encore reçu le waggon qu’elle attendait »
28/12/1916
« C’est une femme de la rue du Plat qui a eu la complaisance de
m’en envoyer. Elle m’a apporté 100 kgs de boulets (ce qui est une faveur
insigne) et 100 kg d’anthracite à 14 frs les 100 kg ce qui n’est pas bon
marché » 8 /01/1917
Marie va rapidement regretter cet
achat : « Ce qui manque à tout le monde surtout ce sont les
boulets, et malheureusement il n’y a que ça qui va bien dans notre poêle, cet
anthracite que j’ai payé un prix fou cette dernière fois chauffe à peine et ne
prend pas le matin la moitié du temps. » 13/01/1917
Ce sont les femmes, telle la belle-sœur
d’Agathe, qui gèrent les entrepôts en l’absence de leurs époux. Marie confie son
inquiétude pour le frère d’Agathe, « le grand charbonnier » « Je tremble bien maintenant pour ce brave
homme de charbonnier son frère, il est en pleine Alsace et va pour ravitailler
du front à un endroit quelconque, il paraît qu’il va souvent sur le champ de
bataille, sa pauvre femme est venue l’autre jour pour pleurer ici, elle continue
seule ce commerce de charbon. ». « Il n’a pas tort de se faire
du mauvais sang de sa femme, le pauvre
homme ; elle a maigri étonnement, et c’est une pitié que cette femme soit
obligée de remplir elle-même tous les sacs de charbon, en plus de tous les
soucis de ses arrivages qui n’arrivent pas . Elle m’avait bien promis des
boulets mais n’a pas pu encore m’en envoyer, n’en ayant point reçu ; je
mendie un peu de charbon de coté et d’autre ; la plupart du temps on me
refuse, souvent on me promet, pour se débarrasser de moi je pense »
A la fin du mois de janvier, « il
y a 14 degrés de froid »
« La belle sœur d’Agathe a
fermé son magasin de charbon n’en ayant plus »
En février, cela continue par grand
froid -15°, il y a plus de charbon. La foule attend la livraison devant le
charbonnier et la police surveille pour qu’il n’y ait pas de bagarre, le
3/02/1917.
Vente de charbon à l'Opéra en 1917 [Paris] |
Le concierge a dépanné Marie en apportant 50 kg de charbon. Quelques jours plus tard « tous les magasins de charbon se ferment, il fait encore -12 en dessous. »
En automne 1917, Marie va
investir dans des poêles à bois, il est un peu moins difficile de trouver du
bois lorsqu’on maintient des contacts à la campagne et que l’on a l'opportunité s’en faire livrer.
La jeune femme devient une maîtresse
de maison compétente pour gérer le combustible.
« J’ai fait des confitures
tous ces temps derniers et je me suis rendue compte qu’il fallait exactement
1/3 de plus de coke dans un fourneau que de charbon ; ça plante et ça
s’éteint constamment. » 22/07/1918
Les difficultés au quotidien pour ceux qui étaient "à l'arrière", précieux témoignage là encore.
RépondreSupprimerQuel trésor que ces lettres ! Un témoignage que tu as su exploiter pour nous faire revivre cette période terrible où le froid est venu compliquer une situation déjà terrible...
RépondreSupprimerTon texte nous rappelle que même loin du front, la guerre entraînait de graves conséquences dans la vie quotidienne de nos aïeux, qui plus est, dans les grandes villes.
RépondreSupprimerPour ma part, je ne peux que me demander ce que j'aurais fait à cette époque et je n'aurais pas aimé me trouver à la place de cette jeune femme.
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