Le Généathème nous propose ce mois-ci de partager un ouvrage qui résonne avec nos recherches. C’est l’occasion d’ouvrir cet essai que j’ai lu cette année :
La Voix des fantômes, Quand débordent les morts, Grégory Delaplace, éditions du Seuil, 2024, 267 p.
Avez-vous rencontré des fantômes ?
Lorsque nous explorons les siècles passés, nos ancêtres hantent l’arbre généalogique qui se constitue. Transmettre leur nom pour ne pas les oublier, leur donner une voix, les faire parler pour qu’ils nous racontent un moment de leur vie, tel est mon projet.
A la suite d'une rencontre intéressante, au mois de mai, dans le cadre du festival Littérature Live à Lyon, j'ai eu envie de découvrir cet essai de l'anthropologue Grégory Delaplace, avec qui j'ai un peu échangé lors de la dédicace. Il m'a passionnée malgré quelques difficultés de lecture qui valent bien la peine d'être surmontées.
Son propos est d’étudier les façons dont les morts sont mis en place par ceux qui leur survivent.
Dans nos cimetières du XIe au XVIIIe siècle, on recherche la compagnie des morts. On se réunit dans les nécropoles, pour des spectacles ou des marchés, pour tenir des assemblées de justice, pour signer un contrat. Les défunts se font alors discrets, leurs noms ne sont pas inscrits. Les rares stèles en bois ou en pierre ne tiennent pas longtemps debout.
L’auteur nous fait encore voyager de l'Amazonie chez les Achuars, jusqu'en Mongolie, en visitant aussi au Brésil, en Inde, en Chine, plusieurs groupes aux comportements étonnants pour lesquels la présence des morts est plus ou moins bien tolérée.
Les récits apparaissent fascinants où l'on voit des chamans dialoguer avec des défunts, des cadavres proposés à la dévoration cannibale ou purifiés par les animaux prédateurs.
D'autres sociétés (y compris la nôtre) déplacent rituellement leurs morts. Certaines familles pleurent bruyamment, d'autres imposent le silence, jusqu'à rendre tabou le nom du défunt.
Il est étonnant d’apprendre comment les Tziganes du Royaume-Uni se préoccupent d’empêcher le retour du mort chez les vivants. Pour éviter d’attirer son fantôme, « ils effacent méticuleusement toute trace du défunt parmi eux : son nom n’est plus prononcé, ses possessions sont cédées au plus vite, sa roulotte est démontée et brûlée. » Chez les Manouches en France, la distance est plus nuancée. Peu de temps après les funérailles « le mort est tu, tandis que les parents plus éloignés en parlent librement. […] A mesure que le temps passe, cela s’inverse, ceux qui avaient connu le mort finissent par n’en plus parler, alors que les proches parents s’autorisent de nouveau à le faire ».
Cela vous arrive-t-il, comme moi, de soigner des objets sans les utiliser ? En signe de respect comme un hommage au défunt.
J'ai dépoussiéré, nettoyé et rangé les rabots de Jean.
Chez les Achuars, aucune relique n’est conservée, les morts sont effacés et livrés à la forêt. Il se peut que leur âme, sous la forme d’un jaguar, rentre en communication avec un jeune homme lors d’une aventure initiatique.
Selon l’auteur, les rituels funéraires auraient pour but de mettre les morts à distance, leur enjoignant le silence et le respect des vivants qu'ils ne doivent pas hanter.
Cette hypothèse m’est apparue à contre-courant de ma pratique où je m’efforce de donner la parole aux ancêtres que je réveille les uns après les autres. Ainsi, ils me deviennent plus proches et je suis ravie de les tirer de l’oubli.
Comme vous, j'aime bien les ranger dans ce que nous appelons des arbres généalogiques, chacun identifié dans une petite case, avec un numéro sosa, ordonné selon les générations.
Je suis toujours étonnée de constater que les personnes
auxquelles je parle de mon intérêt pour les générations passées, éprouvent des
difficultés pour citer le nom de leurs arrières-grands-parents et ignorent le
plus souvent leurs trisaïeuls.
J’aime bien rappeler cette tradition provençale du repas des Armettos : https://www.briqueloup.fr/2020/11/aarchives-marseille.html
Constatez-vous aussi que nos ancêtres en révélant leurs secrets nous apprennent à vivre ?

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