2020-04-06

La grippe


On espérait la fin de la guerre. 
C’étaient les derniers jours du mois d’octobre 1918, l’armistice allait être signé dans deux semaines.

On espérait la naissance prochaine d’un enfant chez Gabriel et Anne
Leur mariage avait été célébré le plus simplement, deux ans auparavant. Certains s’étaient offusqués qu’on puisse organiser des noces en mars 1916. Mais, surmontant ses doutes, Gabriel avait mené ce beau projet d’épouser cette précieuse jeune femme de 28 ans. Gabriel avait alors 41 ans et il désespérait de trouver l’âme sœur.

Précieuse, Anne avait toutes les qualités d’une parfaite épouse; mais pas fragile, elle montrait une étonnante force de caractère. Elle avait décidé de vouvoyer son fiancé définitivement, elle avait choisi d’avoir une chambre à elle.  

Anne ne se montrait pas timide, son aisance, sa liberté de parole pouvaient surprendre ceux qui auraient voulu confiner une jeune femme dans la discrétion qui paraissait de mise à son époque.
Elle cousait, elle brodait à merveille. Elle faisait des confitures de fraises, d’abricots.
Anne chantait. Marie disait qu’elle avait peu de voix, sa belle-sœur qui l‘accompagnait au piano se montrait meilleure musicienne. Les deux jeunes femmes, si différentes, ont lié amitié pour se soutenir dans ces temps difficiles.


Anne s’habillait avec soin. Il arrivait qu’un corsage trop échancré apparaisse choquant pour sa belle-famille. Mais, son mari trouvait cette élégance naturelle, cet habillement si parfaitement seyant et à la mode. Il était cependant un peu inquiet de la trouver si peu champêtre; pourtant Anne savait s’adapter aux séjours dans la campagne qu’il affectionnait.

Elle partageait des conversations au coin du feu avec son époux, brillant chartiste, passionné d’histoire, qu'elle admirait pour ses qualités (comme tout le monde ). Gabriel a reconstitué une longue généalogie de nos ancêtres, entre autres travaux personnels et ses fonctions d'archiviste de la Savoie.

Bien que ne demeurant pas dans la même ville, elle savait prendre des nouvelles de sa nombreuse belle-famille, tante, neveux, fratrie… Même si celle-ci était réticente pour l’adopter, la jeune femme a su s’intégrer avec patience. Elle est devenue l’amie de sa belle-sœur Marie. Elle a gardé le petit Jean chez elle, pour aider Marie lors de la naissance de Pierre.
Anne, toujours vaillante, souffrait souvent de migraines terribles.


Dans son ambulance, elle soignait les blessés de la guerre. C’est elle, la jeune infirmière assise qui sourit, entourée de ces soldats si sérieux. 


Octobre 1918
25-27-28 octobre, chaque jour, le docteur Denarié écrit une ordonnance pour tenter de guérir sa fille, malade de la grippe qui l'emportera.



Le 30 octobre, il écrit ces mots déchirants : Pourquoi pourquoi pourquoi




Anne était l’aînée des six enfants du docteur Amédée Denarié et de Marguerite Martha.

J’ai essayé de contacter d’éventuels descendants de ses neveux. Je lance un appel ici, car ils pourraient avoir conservé des archives d’Anne Denarié. La famille de Gabriel serait heureuse de retrouver des traces, j’ai numérisé quelques documents qu’ils possèdent, correspondances, faire-part, cartes de condoléances…  mais seulement ces  photographies. Où sont les autres ?


Ps. Alors que je terminais ce billet, je reçois un message d’un membre de sa famille contacté l’an dernier qui connait un dossier d’archives d’Anne. Quelle coïncidence !

1 commentaire:

  1. Quelle triste fin pour une jeune femme si accomplie :(
    Une soeur aînée de mon grand-père est décédée en 1918 de la grippe espagnole mais je ne sais pas grand chose d'autre à son propos. C'est une chance d'avoir tous ces témoignages !

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