Il était une fois une jeune fille qui vivait dans un château où elle était employée. Elle s’appelait Marie Dubois. Ses journées passées dans l’ombre de l’arrière-cuisine étaient grises comme la souillarde où elle travaillait.
Elle avait une marraine, telle une fée qui, la voyant triste, lui demande quel est son souhait.
Ah, si je pouvais revêtir une belle robe, au moins un petit moment, comme je me sentirais mieux ! Marie regrette presque d’avoir prononcé ce vœu insignifiant alors qu’elle aurait tellement de choses plus raisonnables à désirer.
Ma grand-mère me contait cette histoire que je lui réclamais souvent.
Il me reste en mémoire quatre épisodes clés, mais comment les articuler ?
Est-ce que Mamie Rose, qui faisait ces merveilleuses dentelles, brodait aussi sur la trame de ce récit ? Et, d’où le tenait-elle ? Pour le transmettre, j’essaye de l’écrire comme s’il s’adressait à d’éventuels petits-enfants. Ma fille vient de me dire qu’elle aimait beaucoup que je le raconte.
Je me demande comment vous intéresser à une histoire pleine de mystères qui m’a ravie. Et puis, l’époque a changé, les jeunes filles ont d’autres idées qui s’envolent comme des bulles colorées, sans comparaison avec la vie dont rêvaient leurs ancêtres.
Il était une fois
Marie Dubois dormait dans le tiroir d’une commode, c’est étrange, me direz-vous !
Elle apparaissait comme une fillette rangée, discrète, silencieuse, elle se montrait toujours obéissante aux ordres des chefs de cuisine. Le soir, pour une nuit sans rêve, elle entrait dans sa commode. (Était-ce un lit clos ?)
Un dimanche matin, lorsque Marie Dubois sortit de son tiroir, sa marraine vint l’accueillir. Elle lui demanda de penser très fort à quelque chose qu’elle aimerait.
Aussitôt, voilà Marie revêtue d’un habit extraordinaire, une robe qui dégageait une clarté comme la lune, blanche comme le lait qu’elle versait pour préparer les œufs à la neige.
Une robe de lune |
Les cloches sonnèrent pour annoncer la messe
dominicale, Marie courut pour éviter d’arriver en retard. Lorsqu’elle entra
dans l’église, elle attira les regards. Mais, personne ne reconnut la petite
servante.
Lors du repas, les convives réunis dans la salle à manger du château commentaient cette mystérieuse apparition d’une belle inconnue. Marie lavait la vaisselle, elle écoutait ses camarades qui rapportaient les conversations jusque dans les cuisines.
Le dimanche suivant, la fée revint voir sa filleule ; elle lui proposa de formuler un nouveau souhait.
Cette fois-ci, Marie scintilla, les étoiles se déposèrent sur sa robe bleue qui étincelait comme une nuit d’été.
Une robe d'étoiles |
Elle se rendit à l’église d’un pas léger mais assuré, elle s’assit dans la rangée
latérale. L’assistance ne put s’empêcher de la regarder, si bien que le curé dut
surjouer son service pour monopoliser l’attention tout au long du déroulement
de la messe.
Comme la semaine précédente, elle quitta l’église, avant que l’on réussisse à l’identifier.
Elle rentra vite dans son tiroir, changea de tenue, et alla dans la cuisine pour éplucher les légumes.
Ses camarades lui rapportèrent qu’elles avaient entendu le prince, d’ordinaire peu enjoué, confier à ses cousins qu’il était complètement sous le charme de la belle inconnue, il serait prêt à la rencontrer pour l’inviter à sa table. Marie esquissa un sourire, mais ne dit mot pour ne pas révéler son secret.
Marraine, reviendras-tu pour entendre un troisième vœu ?
Lorsque Marie sortit de son tiroir, la fée bienveillante l’attendait. Elle pensa très fort à une belle lumière, et la voilà parée d’une magnifique robe de soleil.
Une robe de soleil |
Ce dimanche, Marie remonta tranquillement l’allée centrale pour s’asseoir au premier rang dans l'église.
Elle éblouit les fidèles qui osèrent à peine la regarder. Le prince rougit, il se sentait brûlant comme s’il avait pris un coup de soleil.
Après avoir reçu la communion, elle se déroba et ne revint pas à la place qu’elle occupait, car elle craignait d’être découverte.
Elle revêtit sa petite robe grise sur laquelle elle noua son tablier de tous les jours. Elle se rendit dans la cuisine. Ses compagnes n’étaient pas encore rentrées de la messe, elle prit de la farine, du lait, un œuf, du sucre, des épices… et confectionna un petit gâteau. Elle glissa un anneau d’or dans la pâte onctueuse, elle traça un soleil avant d’enfourner le moule. Lorsque la cuisson fut terminée, elle le décora de chocolat, elle estima qu’il pourrait faire son effet.
Ce jour-là, les hôtes du château fêtaient l’anniversaire du jeune prince.
Marie se glissa dans la procession des servantes qui apportaient les suites de desserts. Devant lui, elle déposa son joli petit gâteau doré qui sentait si bon, il avait bien levé, il était parfaitement appétissant.
Elle ne resta guère, sa place n’était pas là.
Un feu pétillait dans la grande cheminée, les lustres étincelaient, les musiciens donnaient une aubade dédicacée en l’honneur du prince.
Le gourmand se laissa tenter par cette douceur, il savoura ce délice qu’il n’avait jamais goûté auparavant. Mais, voilà qu’il s’étouffa, il devint rouge, il toussa, il perdit le souffle, le roi affolé lui donna une tape dans le dos. Alors, il cracha un anneau qu’il avait failli avaler. Reprenant ses esprits, le fils rassura tout le monde et réfléchit en son for intérieur.
Or le bal se préparait, il devait l’ouvrir en invitant une cavalière. C’est le moment où le prince annonça qu’il voulait rencontrer la pâtissière qui lui avait servi ce délicieux gâteau. On les fit toutes appeler, elles quittèrent la cuisine et Marie se présenta, accompagnée de sa marraine. Ses yeux resplendissaient comme des étoiles. Le jeune homme sut que c’était elle. Il lui demanda si elle acceptait d’ouvrir le bal avec lui. Marie baissa les yeux, regarda sa robe que la magie rendit lumineuse, elle sourit au prince charmant qui lui prit la main et l’entraîna sur le parquet ciré. Les musiciens comprirent et rompirent le silence solennel qui avait suivi les murmures des curieux. La valse commença. Les danseurs tournoyaient et le roi et la reine ainsi que leurs invités se réjouirent de voir leur prince radieux.
Comme dans les contes, ne doutons pas qu’ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants et vécurent heureux de longues années ensemble.
Un petit air de "Peau d'âne" dans ce conte. Merci pour cette jolie histoire
RépondreSupprimerbravo pour ce joli conte plein de poésie
RépondreSupprimerOh les robes, les robes ! Comme dans Peu d'Âne, ce sont les robes que j'aimais le plus quand j'étais petite ! Avec le Prince et le bal, bien-sûr, comme dans Cendrillon cette fois ! Un très joli conte à raconter à nos futures petites filles, peut-être, un jour...
RépondreSupprimerOh un très beau conte, on a besoin de poésie, de mystère, extraordinaire Mamie Rose, et belle transmission de souvenirs.
RépondreSupprimerJe vois que ce conte ne touche pas que les enfants !
RépondreSupprimerC’est une variante de Peau d’âne, moins violente car il n’y a pas le risque de l’inceste. Les jeunes gens sont de la même génération. Leur milieu social est différent donc les deux lignes de la conclusion ne sont pas garanties !
Ce conte est intéressant, car il nous parle d'une jeune fille qui devient femme en osant exprimer des désirs. Elle prend des initiatives et s’affirme avec douceur sous la protection bienveillante de sa marraine. Un conte qui fait grandir les petites filles…