Nous avons vu la poussière au loin, et entendu les sonnailles qui tintaient. Le troupeau s’approchait, moutons, brebis agneaux, béliers, boucs, chèvres, ânes, chiens et bergers, tous marchant depuis Marseille vers les montagnes.
L’odeur puissante des animaux, le piétinement des sabots, ils arrivaient.
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Alpes de Haute Provence, CC BY 2.0 , via Wikimedia Commons |
Qui allai-je rencontrer parmi les bergers ?
Plusieurs de mes ancêtres sont des nourriguiers, des pâtres chevronnés, dotés d’expérience, responsables de centaines de bêtes qu’ils conduisent dans l’alpage, pour le compte de différents propriétaires.
Cette rencontre se passe au mois de juin en 1479.
C’est Jean Olive (sosa 205184) qui me propose de le suivre sur les chemins de la transhumance. J’accepte, ravie de partager l’aventure avec lui.
Je lui demande d’abord des nouvelles de la famille.
Il me dit que son père, Simon Olive ferme la marche à l’arrière du troupeau, veillant à ne perdre aucune bête. Lou bayle, le chef des bergers commande tous les pastres. Simon est un patriarche, mon ancêtre à la génération XIX.
Jean rayonne comme un novi, un nouveau marié; il a laissé Jeanne Chautard, sa jeune épouse, à Marseille. Le mariage a été célébré le 10 juin 1479, peu de temps avant le départ. C’est un peu précipité reconnaît-il, mais il était préférable de signer le contrat sans attendre l’automne.
Constitution de dot |
Le père de Jeanne, Jacques Chautard travaillait comme nourriguier. Hélas, il est mort depuis dix ans.
En attendant le retour de la transhumance, Jeanne, avec sa plus jeune sœur Marthone, demeure auprès de sa mère Jaumette Verdillon.
Les aînées, Catherine et Batrone n’ont pas épousé de bergers. Jacques est travailleur, c'est un homme qui vit avec la terre, il ne suit pas les moutons.
Le père aurait été heureux de voir se concrétiser ces noces qu’il a tant souhaitées. Avec son ami Simon Olive, le père de Jean, ils avaient depuis longtemps discuté du projet de marier leurs enfants.
Jacques Chautard (sosa 410370) et Simon Olive (sosa 410368) sont des nourriguiers renommés tout au long les drailles de la transhumance de Marseille.
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La montagne
Sainte-Victoire, transhumance. Emile Loubon coll. musée des Beaux-Arts de Marseille |
Jean se montre bavard, il dit que Jeanne aurait voulu nous accompagner; si nous passions par Brunet dans la vallée de l’Asse, elle aurait pu s’arrêter chez ses cousins. Je lui réponds que moi aussi, j’aimerais voir où vivaient ses grands-parents Monet et Peyroncelle Chautard (sosas 820740 et 820741). Nous sommes allés à Brunet l’an dernier, c'est un petit village accroché sur le bord du plateau de Valensole.
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Vallée de l'Asse à Brunet, 04 Sébastien Thébault, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons |
Jean a envie de parler de lui : Nous, à Marseille, nous sommes installés dans le quartier des Olives fondé pour notre famille. Mon père est né à Guillaumes dans le pays niçois.
Je rêve de connaître ce village perché aux confins du royaume, lui dis-je.
Quel est le chemin de la transhumance ?
Nous avons rassemblé les bêtes qui ont hiverné dans la plaine de La Crau. Nos chemins ont contourné Aix, puis Vauvenargues et Rians.
Et vous voilà vers chez moi, à parcourir le pays de tous mes ancêtres provençaux ! (Je ne peux lui expliquer ma géographie ancestrale, mais différentes carraires traversent les villages où poussent mes arbres.)
On ira traverser le Verdon à Quinson, on va grimper sur le plateau de Valensole en passant par Riez, Puimoisson.
Pas bien loin de Brunet, donc !
Et far la routo vers Digne, pour monter en altitude où l'herbe est bien tendre.
Les troupeaux se déplacent lentement, il ne faut pas les épuiser. On prévoit des étapes avec des pâturages.
À raison de trois ou quatre lieues par jour, cela fera une vingtaine de jours de marche.
Comment êtes-vous accueillis ?
Je veille à ce que les moutons n’aillent pas faire de dégâts en s’éloignant des carraires. Le fumier qu’ils laissent est convoité, sais-tu que les pets de brebis sont considérés comme un trésor très utile pour les cultures. On échange du lait contre du pain et de la nourriture pour les bergers.
Les habitants doivent remettre en ordre les carraires un peu dérangées par le passage de nos bêtes. Alors, nous devons nous acquitter du droit de pulvérage.
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Alpes de Haute Provence, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons |
Jean marche devant le troupeau, derrière lui les menons, boucs de tête puissants et cornus conduisent les moutons. Ils portent autour du cou un collier de cuir auquel est attachée une grosse cloche. Les chiens répondent à ses ordres pour encadrer les bêtes. Nous marchons d’un pas régulier long et lent pour calmer l’ardeur des bêtes. Jean explique qu’il faut les mener doucement pour ne pas les échauffer, ni les fatiguer.
Il aime les bêtes dont il prend soin, elles ont une grande valeur, elles procurent les fumiers, les laines, les peaux, les cuirs, et la viande. Les brebis donnent le lait avec lequel on fait le fromage.
Jean continue à m'expliquer avec passion tout ce qui concerne son activité de pâtre en transhumance.
Nous voilà partis, le retour est prévu à la mi-octobre avant les premières neiges.
Voir aussi :
- site de F. Barby pour la généalogie marseillaise
- Instructions pour les bergers et les propriétaires de troupeaux, M.Daubenton
- Lou pastre, Les chemins de la transhumance, Emmanuel Breteau, 2022
La transhumance ! j'adorais la voir quand je pouvais !
RépondreSupprimerOn sent toute la passion à travers ton récit et j'adore aussi ces prénoms que je découvre !
RépondreSupprimerAir de Provence, sons, odeurs, prénoms, une belle rencontre avec un ancêtre disposé à la confidence
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