2018-05-19

Le journal intime de Marie


- Sois tranquille petite Marie, je ne révélerai pas les secrets de ton journal intime.
Je suis émue en lisant les récits de la fillette que tu étais, au tournant des XIX et XXème siècles.


Au mois de mai, j’ai un nouveau #RDVAncestral avec Marie que j’ai rencontrée à maintes reprises à travers sa correspondance écrite entre 1914-1918. 
En 1905, Marie est alors une jeune fille de 15 ans, elle vit à Lyon.

Marie, 9 mai 1905 _ (Les phrases en italique sont écrites dans ces pages)

- Vous avez trouvé mon journal ? Vous l’avez lu ? s’exclame Marie avec une colère difficilement contenue. 

- Rassure-toi, avec le recul d’un siècle, la plupart des soucis qui t’occupaient sont estompés et paraissent bien moins graves qu’au regard des adultes qui t’entouraient alors.
- Pour rien au monde je ne voudrais qu’on le lise mon journal. Non pour rien au monde c’est là que j’ai semé au hasard, mes joies mes chagrins, mes impressions d’enfant, c’est quelque chose de trop intime ce n’est que pour moi seule.
- Oui, mais ce journal a été soigneusement conservé par tes enfants et tes petits enfants dans le tiroir bleu.
 - Si je savais qu’on veuille me le prendre, bien vite je le brûlerais.
- Surtout n’en fait rien, ces cahiers sont trop précieux pour nous aujourd’hui.

Les 10 cahiers de Marie L.

- A quoi sert un journal ? pensais-je.  A me faire perdre du temps voilà tout… encore si c’était utile à quelqu’un !
- En te lisant, Marie, j’apprends tant de choses qui me paraissent insolites. Cela me permet de comprendre le mode de vie de nos familles ; cent ans plus tard notre vie quotidienne est tellement différente. Je lis des passages de tes écrits à ma fille qui éclate de rire en découvrant tes soucis de jeune fille. Ils sont semblables aux siens, mais vos façons de réagir sont tellement différentes. Par exemple lors que tu prépares ton brevet, l’enjeu est pour toi bien plus léger que celui d’une adolescente d’aujourd’hui.

- A quoi cela sert-il après tout ce brevet, on n’est pas plus savant quand on l’a obtenu qu’avant et comme Dieu merci j’espère n’avoir jamais besoin d’enseigner il n’est pas nécessaire que je me fasse tant de mauvais sang pour mon brevet, du reste il me semble qu’un échec est une chose de bien minime importance. 
- A notre époque, vois-tu, les jeunes filles mettent un point d’honneur à réussir avec de meilleurs résultats que les garçons de leur classe, en effet depuis 1968, les écoles sont mixtes et les filles se préparent à étudier de nombreuses années pour exercer les professions qui leur plaisent.

- Elles ne veulent pas se marier mes arrières petites filles ?

- Elles veulent choisir leur vie elles-mêmes, sans précipitation. Tu racontes que Madeleine s’est décidée en deux jours pour accepter d’épouser, deux mois plus tard, le fiancé proposé par vos parents ?

- J’en ai été étonnée moi-même. Lorsque ce sera mon tour, je prendrai le temps de réfléchir pour décider si je suis capable d’aimer mon futur mari.

- Je sais, Marie, que tu seras heureuse avec André ; l’époux qui va partager ta vie est excellent. (A peine lui ai-je confié cela que je le regrette, il ne faut pas dévoiler l’avenir ainsi…)

-  J’ai toujours aimé tellement les enfants, la famille, j’ai toujours eu tant besoin d’affection que je ne vois pas d’autre voie pour moi que celle du mariage. 

- Ce serait dommage que tu cesses d’écrire dans tes cahiers après le mariage. Ou pire, que tu les détruises pour tourner la page de ta vie de jeune fille.

Et cependant après avoir réfléchi mon avis a changé il m’est soudain venu à l’idée que plus tard lorsque je serais vieille, très vieille, j’aimerai à revoir les souvenirs de ma jeunesse. Je me suis dit aussi que mon journal m’aiderait peut-être aussi à devenir meilleure ; en feuilletant mes cahiers je pourrai constater mes progrès ou mes défaillances, cela m’aidera. 

Marie L.

Marie Leclerc a huit ans lorsqu’elle commence son journal en 1897. Elle est dans sa vingtième année, en 1910, lorsqu’elle ferme le cahier numéro dix. Il est possible qu’un ultime cahier en cours n’ait pas été conservé, puisque la jeune fille va épouser André  le 24 janvier 1911.
Les filles tenaient alors un journal qu’elles abandonnaient lorsqu’elles se mariaient.

L’écriture est parfaite, très lisible, il n’y a aucune faute d’orthographe et pas de ratures ni de taches d’encre. Pas de ligne perdue, les cahiers sont écrits de la première ligne du premier cahier jusqu'à la dernière ligne du cahier n°10.
L’absence de ponctuation, la rareté des points et des virgules souvent à contre emploi, apparaissent déroutantes ; cela restera une caractéristique de l’écriture de Marie, les normes de l’époque n’étaient pas si rigoureuses.

J’avais prévu de survoler rapidement ces cahiers d’enfant, mais la lecture s’est avérée captivante, alors j’ai numérisé l’intégralité pour conserver ce document précieux.

Les billets concernant Marie se retrouvent sous le libellé 


6 commentaires:

  1. Toujours le même plaisir de te lire Marie.
    Bises
    Véronique

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  2. Et toujours sympa de savoir que tu me lis. Merci Véronique.

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  3. Très beau rendez-vous ancestral, touchante Marie !

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  4. Quelle chance que ce journal intime et les suivants soient parvenus jusqu'à toi. Tu le traites avec tellement de respect que ça se sent et nous sommes témoins de billet en billet de ce dialogue qui s'instaure entre vous !
    Merci Marie... et Marie :)
    Marie

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    1. Ces commentaires m’encouragent à publier les confidences de Marie, alors que j’éprouve quelques réticences à dévoiler ainsi son intimité, d’autant plus que ces documents concernent des branches collatérales. Mais puisque ces archives ont été conservées, nous avons envie de partager ce témoignage précieux.

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  5. Très émouvant, ce témoignage d'une jeune fille du siècle passé!!

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