L’église de Pâquiers* est remplie de ses paroissiens.
Le village presque tout entier a tenu à être présent. Les parents, les alliés, tous sont venus. Je ne suis pas sûre de
reconnaître les Falcouz, Pollin, Garipel, Garipel Blachet, Izoard, Izoard Rey,
Recolin, Recolin Blardon … Certains font partie de notre famille, d’autres assistent
en voisins, en amis.
Cette basilique romane a sans
doute été le témoin d’innombrables événements familiaux depuis le XIIe siècle.
Tandis que les femmes se serrent
sur les bancs, plusieurs hommes restent debout au fond de leur église
paroissiale, guère plus grande qu’une chapelle, laquelle peine à contenir toute
l’assistance.
Lorsqu’Antoinette entre avec une
lenteur solennelle, l’émotion est tangible, les yeux se troublent, les
mouchoirs s’agitent discrètement pour sécher quelques larmes.
Une faible lumière pénètre par
les fenêtres, le froid pique, en ce quatorzième jour de février de l’année 1785.
De chaque côté de la nef, les
trois piliers carrés supportent les voûtes en ogive qui font résonner les
chants des femmes, soutenus par les voix graves des hommes.
Puis le silence s’installe. La
porte est restée entrouverte, on est étonné de constater que le village paraît inhabituellement
calme en ce jour.
À présent, tous les participants
de la cérémonie se tournent vers le curé officiant devant l’autel, sous la
voûte en coquille. Il apprécie Antoinette et il le dit haut et fort.
Des regards furtifs se dirigent
vers le premier rang où se serrent Noël Falcouz et ses deux fils Etienne et
François Noël, deux gaillards de vingt-quatre et quinze ans. Ils n’ont pas compris
comment les heures ont pu s’écouler depuis avant-hier soir ; pour eux, le
temps s’est arrêté.
Le curé Jolly prononce cet
hommage à Antoinette : " regrettée de tout le monde. Elle s’est
attiré l’estime par sa douceur et ses autres vertus. Mais surtout par sa
générosité envers les pauvres."
Le quatorze dudit mois et an (février 1785) j'ai inhumé Antoinette
Pollin, femme de Sr Noël Falque, décédée avant-hier soir, munie des
sacrements, âgée d'env[iron] 50 ans. Ont assisté à ses obsèques presque toute la
paroisse, étant regrettée de tout le monde dont elle s'est attiré l'estime par
sa douceur et ses autres vertus, mais surtout par sa générosité envers les
pauvres.
Signatures: Ennemond Pollin, Antoine Pollin, (frères d'Antoinette) et Hugue Sauze
Samedi dernier, la terre était
encore gelée dans ces montagnes de Lans, mais ce lundi on a pu creuser la tombe
à l’extérieur de l’église, dans le cimetière où reposent nos aïeux.
Dans quelques semaines, le
printemps fera fleurir la végétation autour des croix plantées dans l’herbe.
Antoinette Pollin (sosa 241) a été baptisée ici, le 22 juin 1733.
Elle s’est mariée dans cette église, il y a 263 ans, le 26 janvier 1757.
Elle s’est mariée dans cette église, il y a 263 ans, le 26 janvier 1757.
Vous connaissez déjà son époux
(sosa 240) : il s’appelle Noël.
Vous retrouverez prochainement son
fils François Noël (sosa120), celui qui est venu habiter à Lyon.
Bibliographie
Guide du voyageur dans le département de l'Isère (XIXe siècle) sur Gallica
Iconographie
Chapelle Saint-Christophe de Pâquier
Guide du voyageur dans le département de l'Isère (XIXe siècle) sur Gallica
Iconographie
Chapelle Saint-Christophe de Pâquier
Pethrus [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)]
Jvillafruela [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)]
Jvillafruela [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)]
* Pâquier, Pasquiers ou Pâquiers, dépend de Saint-Martin-de-la-Cluze en Isère. (voir la carte en lien ci-dessous)
Rare mention du prêtre et combien précieuse, émotion à la découvrir j'imagine.
RépondreSupprimerMais oui, il est trop bien ce curé !
SupprimerIl va m'inspirer d'autres histoires à raconter.
Quelle belle découverte, malgré cette triste circonstance. Il est rare de trouver de telles mentions. Cette dame devait être réellement douce, généreuse et aimée de ses amis.
RépondreSupprimerJe découvre avec un peu de retard ton joli texte plein d'émotions, bravo !
RépondreSupprimerTrès émouvant!
RépondreSupprimerquel bel hommage rendu à cette femme par le prêtre, et par toi via ce billet, 235 ans après...
RépondreSupprimer