2022-07-12

Marie, jeune épouse dans son nouveau foyer




Marie 1913

Elle pose son cabas, soupire en voyant le désordre dans leur nouveau petit nid. Les meubles ne sont pas tous arrivés, mais l’appartement commence à prendre de la tournure. Elle a disposé un bouquet de roses parfumées dans le vase qu'on lui a offert, elle l'a placé à côté de quelques bibelots de valeur. «On se croirait chez des gens chics.» Le fourneau vient d’être installé. Elle considère avec satisfaction leurs «quelques emplettes : deux chaises de cuisine, assiettes, verres, seau et pelles à charbon, vase de nuit.» Elle veut tout ranger et commencer l’astiquage.


Ce matin, ils sont sortis juste après le petit déjeuner qu’Antoine a préparé pendant qu’elle s’habillait. Elle choisit l’élégance dans une jupe et une blouse blanche au col de dentelle, mais elle paraît si frêle, elle a serré au dernier cran une ceinture sur sa taille trop fine. Elle a relevé en chignon, la belle masse brune de ses cheveux. Bras dessus, bras dessous, les amoureux ont parcouru ensemble le trajet pour aller jusqu’au Comptoir national d’escompte de Paris à Grenoble où Antoine a déjà en charge la fonction de chef de bureau. Au retour, Marie a traversé la ville toute seule, elle a effectué quelques courses au marché.

Elle noue un tablier et se met à l’ouvrage. Lorsque la table est nettoyée, la vaisselle lavée, elle prépare le repas, une bonne odeur de légumes se répand dans la cuisine, elle goûte pour vérifier la cuisson.

«Ma soupe, autant que possible, je la fais à midi, ainsi je suis débarrassée. J’arrive bien à me retourner, mais ce n’est pas sans embarras, n’en ayant pas eu tant à faire de ma vie.»

Elle occupe son après-midi à la couture, elle est en train de confectionner une nappe et des serviettes qu’elle brode.

 

Mariée depuis quinze jours, Marie est désireuse de devenir une parfaite épouse pour tenir leur foyer. Elle sait qu’elle n’a guère d’expérience, mais elle s’applique. «Je m’en tire gentiment avec l’aide de mon petit mari qui se multiplie pour m’éviter de la peine.» Cependant, elle souffre d’isolement dans cette grande ville enserrée dans les montagnes.

Le soir, elle oublie sa peine lorsqu’elle va attendre son chéri à la sortie du bureau.

Antoine a 25 ans, un an de plus qu’elle, tellement séduisant, il est pourvu de mille qualités : force, beauté, intelligence, il l’entoure de tendresse. Marie fait son possible : «C’est gentil la vie à deux quand chacun a bien à cœur le bonheur de l’autre.» Pourquoi ajoute-t-elle : «Si cela dure ce sera parfait»? Nous savons que leur bonheur ne va vivre que quelques mois, et puis s'envoler (la guerre, la maladie, la mort…) 

Antoine, 1913

— Ma petite Mariette, tu es une épouse merveilleuse. Comme c’est bon de ne plus être seul à Grenoble!

— Oh! Moi je me sens bien seulette, tout au long de la journée quand tu n’es pas auprès de moi. Je me surprends à chanter pour entendre le son de ma voix.

Ce qui me manque ici ce sont des amis, je ne connais personne. À Chambéry, Maman et Fanny m’entouraient ainsi que Papa. J’ai commencé une lettre pour eux. Je veux leur parler d’une machine à coudre qui me serait bien utile pour confectionner des rideaux chez nous.

— Tu ne t’ennuies pas au moins?

— Ce serait bien que tu obtiennes cette promotion dans la succursale de la banque. Aller vivre à Annecy nous rapprocherait de nos familles.

— Ah justement, je viens d’apprendre que ce ne sera pas possible. Il va falloir t’habituer ici à Grenoble. Ne souhaiterais-tu pas avoir un bel enfant pour te sentir moins seule?

     —  … 

Comme c'est émouvant de retrouver la pipe d'Antoine !

Les veillées sont un moment agréable, Antoine allume sa pipe en lisant «La Savoie libérale». Marie se met à écrire une lettre à sa sœur Fanny «Dis à la maman qu’elle conserve les plumes de poules, nos oreillers sont plutôt durs, j’aimerais les rembourrer.» Sa famille lui manque, «J’accepte de bon cœur de t’apporter notre linge à laver, ça c’est mon cauchemar surtout ici où je ne connais personne, pas même ceux qui sont à ma porte.» En attendant le week-end prochain, elle est impatiente de prendre le train pour revenir à Chambéry. 

Sources : lettres de Marie à sa famille 1913-1916


Marie est l'arrière-grand-mère, (sosa 9)

Des récits pour connaître la vie d’Antoine, séduisant comme l'as de cœur :

Antoine, un as de l’aviation

Marie, jeune épouse dans son nouveau foyer

S’envoler (Au revoir là-haut)

Détruire les lettres 

Un  télégramme redouté 

 

8 commentaires:

  1. Très bel article ! On découvre ces extraits émouvants, surtout sachant les terribles malheurs qui se sont ensuite abattus sur eux.

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  2. Fragile Marie, au beau chignon, dans ses premiers pas de jeune mariée joliment contés

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  3. C'est déjà bien triste... je déteste la solitude... alors, je ne présage rien de bon de la suite

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  4. Beaux récits tout en retenue pour des parcours émouvants

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  5. Bel article aux illustrations harmonieuses

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  6. Un roman dont on ne connait pas la fin

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    1. Si, hélas elle est doublement triste, la fin de cette histoire d'amour. L'article précédent et le suivant la racontent.

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