Marie mon arrière-grand-mère était épouse de marin.
J'imagine qu'elle pourrait me dire ce qui suit :
J'imagine qu'elle pourrait me dire ce qui suit :
Ma chère arrière-petite-fille,
Tu dis que tu ne peux rien écrire sur moi, puisque tu ne me
connais pas. Pourtant tu sais déjà l’essentiel de ma vie, vécue à Marseille 73 ans et huit mois.
Tu as trouvé mon acte de naissance, le 27 août 1843; mes
parents, Toussaint Nicolas et Rose Deleurye, habitaient au n°2 rue des Consuls, à Marseille.
« souvenir de ma mère »
Et sur cette photo, ne me reconnais-tu pas ?
Tu
vois ma signature, le jour de mon mariage avec Bruno.
Bruno, âgé de cinquante-cinq ans, était veuf avec deux enfants :
Baptistin vingt ans et Marie onze ans.
Un an après, le 30 janvier 1882, Marius
est né, et Joseph le 6 novembre 1883. Nous habitions 45 rue Hoche, à Marseille.
Je crois savoir que tu ne possèdes
plus la bague qui était la mienne. Tu as pleuré le jour où on te l’a dérobée. A présent, tu devrais prendre en considération certains de nos objets qui sont dans ta maison. Demande-toi
d’où ils proviennent.
Le service à thé * que Bruno m’a rapporté
de Chine ? Tu en parlais dans ce dernier article. Tu lui attribues plus de
valeur qu’il n’en a, il est tout ébréché, ta grand-mère a cassé plusieurs
tasses.
Ce n’était pas facile d’être l’épouse
de Bruno, tu le sais, un capitaine au long cours est absent longtemps. Il faudra
que tu continues à retracer ses voyages en mer… Femme de marin, je devais m’occuper
de la maison et des enfants, et lorsqu’il était de retour, il rapportait des cadeaux mais il fallait s’habituer
à vivre avec lui, Nous avons eu treize ans de vie commune. Quand il est mort,
nos fils avaient dix ans et douze ans, j’ai dû les élever seule, ils sont été des
marins comme leur père le souhaitait. Baptistin et Marie nous ont aidés, ils sont
restés très liés à leurs jeunes demi-frères.
Ouvre donc l’armoire à linge,
regarde le monogramme que j’ai brodé au point de croix sur les serviettes, lorsque je confectionnais le trousseau de Marius.
regarde le monogramme que j’ai brodé au point de croix sur les serviettes, lorsque je confectionnais le trousseau de Marius.
Utilisez-vous encore nos draps ?
Sa femme, Françoise n’a pas eu le temps de les user, elle
était malade et elle est morte.
En août 1914 la guerre a éclaté, mes deux fils ont été envoyés pour se battre en Allemagne, puis sur le Front d’Orient. Tu imagines mon inquiétude ! Marius a échappé plusieurs fois à la mort. Il nous racontait sa vie de soldat dans les lettres qu’il m’envoyait. Quel bon garçon, si courageux !
J’ai été tellement soulagée lorsqu’il est rentré pour sa
convalescence, en juillet 1915. Marius s’est fiancé avec Rose et il a ainsi pu
surmonter sa tristesse qui ne le quittait pas depuis la mort de Françoise.
Joseph vient de se marier, c’était le dernier jour de cette
année 1916, je ne souhaite qu’une chose : être encore là pour le mariage
de Marius avec Rose.
J’espère que la guerre se terminera bientôt, mais je ne sais
pas si je serai encore en vie.
Pense à moi de temps en temps !
Bien à toi,
Ton aïeule
Marie Augustine Rose Nicolas
Très belle lettre émouvante et bien écrite ! Je l'imaginais en train de vous écrire cette lettre en lisant votre article !
RépondreSupprimerBonne journée
Eline
Je suppose qu'être femme de marin devait être bien difficile... Vivre dans l'attente...
RépondreSupprimerMerci pour le partage de ce bel hommage rendu à votre aïeule !
Bravo , votre lettre est émouvante,on y croit vraiment !
RépondreSupprimerC'est une bonne idée d'avoir imaginé cette lettre de votre aïeule. Pour preuve que la généalogie, ce ne sont pas que des dates, mais aussi des efforts pour mieux comprendre et faire revivre nos ancêtres. Un très joli billet.
RépondreSupprimerQuelle magnifique idée cette lettre. C'est très émouvant et prenant, on a envie que votre ancêtre continue de nous confier quelques bribes de sa vie. Bravo
RépondreSupprimerBravo pour ta façon émouvante de parler de la vie de ton arrière-grand-mère et de tous ces objets qui sont passés de générations en générations (quelle chance d'en posséder encore !...) : ton style rend le texte très vivant et poignant !
RépondreSupprimerMagnifique lettre. Bravo !
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