Aux prisons d’Aix.
Ouh ! Ce ciel noir n’est pas bon signe, pensent les amis de Joseph Audibert…
Orage sur Aix-en-Provence |
C’est avec beaucoup d’appréhension que je me mets en route vers Aix, pour ce #RDVAncestral.
Je me fais du souci pour mon
ancêtre, Joseph Audibert.
J’ai décidé d’assister au procès qui a lieu en ce jour du 24 avril 1711.
Quelle va être la sentence ? Tout le monde est inquiet.
Françoise Gaillardon, aidée de sa famille, continue de tenir leur auberge depuis le départ de son mari.
Dans les couloirs du palais de
justice, je rencontre un homme aussi désolé que moi. Joseph P. l’auteur du récit « les mulets du sel », c’est lui qui va m’apprendre la
sentence.
J’ai décidé d’assister au procès qui a lieu en ce jour du 24 avril 1711.
Quelle va être la sentence ? Tout le monde est inquiet.
Françoise Gaillardon, aidée de sa famille, continue de tenir leur auberge depuis le départ de son mari.
Le 28 octobre 1710, des archers
sont venus chez nous pour l’arrêter. Son séjour en prison doit être bien
pénible, même si sa famille a dû payer pour améliorer ses repas.
Pour ceux qui sont pris, la
prison est un endroit d’attente, pas un lieu pour purger sa peine.
Aujourd'hui, nous allons connaître les peines que les cours de justice d'Aix vont attribuer aux détenus, et par contumace à leurs compagnons en fuite.
Aujourd'hui, nous allons connaître les peines que les cours de justice d'Aix vont attribuer aux détenus, et par contumace à leurs compagnons en fuite.
J’ai rendu visite à l’épouse de
Pierre Taron, à Gréoux. Elle est effondrée. Il ne lui a guère laissé d’espoir,
l’avocat que la communauté a payé pour défendre celui qui est considéré comme
le meneur de la révolte contre les gabelous. (voir les épisodes
précédents : « Les mulets du sel »)
Les habitants de Saint-Julien ont pu voir l’affiche
placardée sur la porte de l’église au mois de novembre. Elle indique ce qu'ils risquent, d’ailleurs le curé a
bien été obligé de la lire à contrecœur au prône du dimanche. Les peines
encourues pour le faux saunage, les amendes exorbitantes, et la perspective d’être
envoyé aux galères épouvantent tout le monde. Prisons d'Aix (source Wikipédia) |
Mon inquiétude augmente en voyant
les juges des deux cours d’appel de Provence qui siègent au tribunal. Quelle va
être l’issue du procès ? Ces hommes du Parlement portant perruque ne
semblent être là que pour jouer un rôle de mise en scène afin d’affirmer leur
pouvoir. Ils sont en rivalité avec ceux de la Cour des Comptes dont le
président H.R. d’Albertas ne veut pas déplaire au roi Louis XIV.
Nous restons en silence lorsqu'entrent les cinq détenus, leur mine
lamentable en dit long sur l’horreur des semaines passées en prison.
Arnoud Emeric, le faux saunier, apparaît très affaibli par sa blessure. Pierre Taron, le meneur
de la révolte, a perdu son enthousiasme ; il devine déjà qu’il ne reverra
plus Marie, son épouse qu’il aime tant.
Joseph Audibert, dit Masseau, semble plus vaillant, il essaye
de se tenir la tête haute. Il dit que ce n’est pas lui, mais sa femme qui a reçu
la bourse de 28 écus.
Son beau-frère André Gos, dit le Sauteur, (que je n’avais jamais
rencontré) affirme qu’« il était à
une bastide avec des messieurs à qui il apprêta à manger pendant deux
jours. » ….
Je sais bien qu’ils ont tiré les
deux premiers coups de fusil dans les bois de Cadarache, lors de l’embuscade
qu’ils ont montée pour tenter de délivrer les faux sauniers.
On les a vus avec leurs amis les
jours suivants à deux lieues de Saint-Julien, dans les rues de Vinon essayant
d’organiser la libération des prisonniers et tentant avec les paysans de récupérer
les mulets.
L’avocat de Joseph a été suffisamment
rétribué par sa famille pour plaider avec un bon alibi. Il dit qu’on n’a pu le
voir ni à Cadarache ni à Vinon, car il a fait « un voyage de deux jours au Val (près de Brignoles) où il acheta
du vin d’un inconnu ».
A côté d’eux se tient le jeune abbé
Caillat, il est accusé d’avoir écrit une lettre où il invite à la révolte. Ses
supérieurs ont bien essayé d’intervenir, sa famille a des relations, mais cela n’a
pas été suffisant pour lui éviter d’être avec les autres « pris et saisis au corps, menés et conduits en bonne et sûre
garde dans les prisons royaux de la ville d’Aix pour y être détenus ».
Il est évident que cette
rébellion de villageois a fort déplu à Monsieur d’Albertas.
Le premier président déplore que
l’enquête de son conseiller De Broglie, ait été difficile à Saint-Julien, à Gréoux, ou à Vinon, car personne ne voulait répondre à leurs questions. « Il y a
un passe-parole de silence dans les trois villages de ne rien déclarer en
justice »
Il apparaît que dans ce pays du
Verdon les gens essayent de fomenter des révoltes plutôt que de coopérer pour
briser la contrebande du sel. Il faut rendre un jugement qui serve d’exemple.
A voir tous ces hommes abattus,
mes yeux s’embuent de larmes.
Parmi les témoins, je ne suis pas
sûre de reconnaître Jacques Gastaud. Lorsque j’ai rencontré mon aïeul (sosa 698) le
8 septembre 1710, celui-ci ne m’a pas dit qu’il était consul de
Saint-Julien. Il paraît vieilli, les épaules alourdies par le poids du scandale dans
lequel notre bourg est compromis, il s’avère que beaucoup, parmi les habitants, sont
impliqués dans cette affaire.
Hélas ! J’entends que la peine maximale est requise.
Là, vu de Saint-Julien, il pleut très fort sur Aix. |
Hélas ! J’entends que la peine maximale est requise.
Pierre Taron est condamné aux
galères. Arnoud Emeric au supplice de la roue sur la place publique.
Ses compagnons laissent échapper
une plainte devant tant d’injustice.
La tête me tourne, je me sens de
plus en plus mal, et je dois sortir pour mieux respirer.
Je n’ose pas imaginer le sort de
Masseau, du Sauteur et des autres.
merci : Joseph Piégay |
Le registre a disparu, cette
lacune est bien ennuyeuse dans l’histoire. Jo pense que l’aubergiste et son
beau-frère « n’ont pu éviter la peine du fouet et le bannissement. Ils
furent sans doute « condamnés à être livrés entre les mains de l’exécuteur
de la Haute Justice pour avoir à souffrir le fouet jusqu’à effusion de sang par
tous les lieux et carrefours de cette ville accoutumés. Et, ce fait, à être et
demeurer bannis de cette ville,[…] pendant le temps et terme de cinq années. »
En plus, ils furent imposés chacun d’une amende de 300 livres ajoutée aux frais
de justice. »
Le maire consul, Jacques Gastaud,
a dû être condamné et payer « pour complicité, manque de zèle à faire
respecter les agents de la douane et négligence à mettre la justice locale en
action : cent livres. »
Dans quelque temps, j’écrirai l’épilogue.
Pour l’heure, je suis tellement bouleversée par ce procès que je dois retourner
dans la forêt de ces ancêtres pour retrouver l’arbre de mes hôtes Joseph et
Françoise.
Pour ceux qui ayant manqué les premiers épisodes
voudraient mieux comprendre l'enchaînement des événements :
voudraient mieux comprendre l'enchaînement des événements :
Prologue : Entrons
dans la farandole
Michèle Vin :"incorporation "des notes judiciaires tres réussie--toujours aussi touchant,et quelles belles photos de l'orage prises de Saint Julien
RépondreSupprimerEn effet les orages quasi quotidiens m'ont inspirée cet été. Penser aux temps difficiles traversés par nos ancêtres ...
RépondreSupprimerBeaucoup d'empathie de ta part.
RépondreSupprimerL'expression passe-parole de silence est à retenir,
elle s'appliquait dans toutes les provinces du royaume
Il est très difficile d'appréhender les souffrances de nos ancêtres quoi qu'ils aient pu commettre. La justice était impitoyable.
RépondreSupprimerTout en délicatesse, tu montres cette justice d'alors qui nous semble si implacable, si dure... si injuste et cette guerre incessante entre gabelous (j'en ai quelques uns dans ma généalogie) et contrebandiers.
RépondreSupprimerMerci pour vos commentaires.
RépondreSupprimerMon ancêtre n'était faux saunier. Il était aubergiste et donc ami avec les muletiers qu’il a voulu aider à s'échapper. Les gabelous auraient aussi pu fermer les yeux moyennant quelques écus mais l’affaire a trop mal tourné.