Dans son livre de raison,
l’arrière-grand-père nous donne le témoignage de son grand-père pendant la « Grande
Peur » lors de la Révolution en Mâconnais.
Adrien écrit :
« Mon grand-père avait trente sept ans quand la révolution éclata. Son
honorabilité et ses sentiments royalistes le désignaient à la haine des patriotes.
Quand les mauvais jours arrivèrent il envoya sa mère[i] et
ses sœurs se réfugier dans la montagne, du côté de Cenves, chez des braves
paysans en qui il avait confiance et il attendit les événements dans sa maison
de Fuissé.
On ne l’y laissa pas longtemps en paix. Une bande de sans-culottes vint
l’y chercher et l’emmena prisonnier. On arriva le soir à Cluny. Ses gardiens,
fatigués de la route, se mirent à boire copieusement et le plaçant au milieu d’eux,
commencèrent à autour de lui une danse infernale sur l’air de la Carmagnole[ii].
Mon grand-père s’apercevant que quelques uns d’entre eux chancelaient par l’effet
du vin[iii] qu’ils
avaient bu en trop grande quantité, s’élança dans leur direction, les culbuta
et parvint à s’échapper à la faveur des ténèbres. […]
La maison un siècle plus tard |
Pendant ce temps-là ma grand-mère[iv]
était revenue avec ses jeunes enfants[v] à
Fuissé. Elle faillit y être victime de la brutalité républicaine. Une bande de
vendangeurs, étrangers au village[vi]
venant à passer devant la maison l’aperçut sur la galerie où elle était assise
et l’un d’eux prenant une lourde pierre la lui lança en criant : « Mort
aux aristocrates ! » La pierre effleura la tempe de ma pauvre
grand-mère et alla briser un volet derrière elle. Un bruyant attroupement s’était
formé sur la terrasse ; on criait ; on menaçait ; on vociférait.
Elle envoya chercher le maire, le citoyen Larochette et lui raconta ce qui
venait de se passer.
[i] Madelaine
Solvy est sexagénaire
[ii] La Carmagnole
est l’hymne des sans-culottes
[iii] Nous sommes
en région de vignes et le vin est bon dans le Mâconnais
[iv] Rosalie
Martine
[v] Antoine
est né en 1800
[vi] Donc c’est
l’époque des vendanges : septembre
En copiant ces lignes, je suis admirative du style d’Adrien
A. (qui ferait bien de m’inspirer pour écrire dans ce blog). J’ai beaucoup de gratitude
pour cet aïeul qui a passé sa vie à écrire les généalogies de ses familles,
alors qu’il ne disposait pas de nos moyens actuels pour effectuer ses
recherches.
C'est bien d'avoir des récits autre que ceux des historiens.
RépondreSupprimerUn récit très subjectif qu'il faut prendre comme un témoignage, sans porter de jugement sur les différents personnages. Ils n'avaient pas le recul que nous avons pour comprendre l'histoire.
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