Certains de mes ancêtres ont fait de beaux voyages : de
longues traversées en mer pour les marins tropéziens ; pour d’autres, des trajets
par les routes de terre qui restent à situer dans leurs histoires.
Que penseraient-ils si je leur racontais mes voyages au XXIe
siècle ?
Laissez-moi les étonner à mon tour, puisque leurs vies ne cessent
de susciter mon imagination, d’occuper mes recherches et d’aller de surprises
en découvertes.
Vous allez penser que vos descendants de l’an 2016 sont atteint
de folie. Je vous l’accorde, il m’arrive de le penser moi aussi.
Ce matin, votre petit-fils s’est envolé pour Londres. Oui,
envolé au-dessus des nuages, vous m’entendez bien ? Le vent soufflait en
tempête, il pleuvait des trombes d’eau, la météo se détraque ces temps-ci. J’ai
un peu honte de vous avouer que nous avons négligé la planète qui se détériore
de plus en plus inexorablement. Mais nous avons des avantages, le pétrole
permet aux avions d’aller si vite, si loin. Pourquoi ce jeune homme est-il allé
à Londres ? Pour rien, pour changer d’avion ; à peine une visite de
quelques heures dans la City. Ensuite il est monté dans un Boeing qui traverse
l’Atlantique en quelques heures. Direction l’hémisphère sud, escale à Sao Paulo,
pas le temps de voir la ville. Supersonique
je vous explique. Atterrissage en Argentine où il va séjourner.
Antoine, l’aviateur, si tu n’étais pas mort en 1917, tu
aurais vu comme il était fréquent pour tes petits enfants de prendre des avions
qui t’auraient bien intéressé.
Pendant ce temps, nous partons nous aussi de Lyon, l’avion s’élève au-dessus des Alpes ; cet hiver il a enfin
neigé, les sommets deviennent roses. Quatre heures plus tard, l’avion perd de la vitesse,
il plonge dans un scintillement de lumières, dans un conte des mille et une
nuits. Nous arrivons à Istanbul. C’est le nom actuel de Constantinople où tu
mourus, Jean François Simon, le 14 novembre 1767, tu étais parti en caravane au Levant.
Le lendemain, nous embarquons pour un long vol
transatlantique de 12254 km qui ne durera que quinze heures. Combien de semaines,
combien de tempêtes ont affronté vos bateaux? Aujourd’hui, quelques
turbulences, on attache nos ceintures, même
pas peur.
Sur l‘ordinateur de bord, nous situons les Dardanelles ;
un terrible souvenir pour toi Marius, c’était la guerre sur le Front d’Orient,
tu fus blessé plusieurs fois.
Nous passons la Méditerranée où vous avez navigué
vaillamment, tout au long des siècles.
A la vitesse de 900 km / heure, vous me croyez si vous
voulez, nous serons ce soir à Buenos Aires.
Vos fils marins ont connu ces terres d’Amérique du Sud.
Antoine Ricard, je sais que ton fils a déserté pour rester à Montevideo.
Quant à toi, belle Nina, il faudra que tu nous racontes tes
aventures, toi qui partis pour vivre en Argentine. Je suis impatiente de les
écrire.
J'espère, mes chers Ancêtres, que vous pourrez comprendre cette missive que je vous adresse familièrement, avec le style du XXIe siècle qui risque de vous paraître peu formel.
Bien à vous,
Votre arrière ... arrière .... petite-fille