Nous irons à Versailles, nous ne resterons pas à Versailles
Nous arriverons et nos enfants repartiront
Nous écouterons l’orgue et les oraisons funèbres, puis nous mourrons
Nous arriverons en charrette, nous rêverons de repartir en carrosse
Compter les carrosses n’est pas voyager avec la Cour
Être un domestique n’est pas être un ami
Vivre au château n’est pas être châtelain
Être son amante et pas son épouse
Peindre le loup n’est pas le tuer
Remplir le gobelet du roi et ne pas le boire
N’être ni roi, ni duc, ni marquis, et porter une livrée
N’être ni reine, ni duchesse, ni marquise, élever ses enfants
Garder la porte, c’est l’ouvrir aussi
Tenir en laisse ses lévriers, c'est être attaché au roi
Être femme de chambre, c’est être dans l’intimité de la marquise
Être une marraine, c’est presque être une fée
Briller, c’est séduire et vivre dans un éclat de soleil
Cueillir des bouquets de fleurs, c’est séduire aussi
Fabriquer des chaussures, apprendre à danser, c'est faire parler les pieds
Oublier d’où viennent les anciens
Ne plus savoir le dire à ses enfants
Ignorer l'Histoire
Alors, Raconter, c’est vivre et rendre vivant
Vers librement inspirés de
« L’accent grave et l’accent aigu » de Jean Tardieu, Poésie Gallimard