Que pensaient les habitants de Saint-Julien de cet artiste qui vivait ici, de 1889 à 1901, avec sa femme et ses enfants ?
Paul Blanc, peintre et graveur, originaire du village voisin, se montrait assurément original. Il s’intéressait aux mendiants pour les dessiner. Ils arrivaient dans sa maison où il leur offrait à manger. Il les habillait de guenilles qu’il avait achetées lors de ses voyages en Italie et il faisait poser ces pauvres chemineaux pour les croquer au crayon et ensuite graver leurs portraits.
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La demeure de Pierre et d’Éléonore (sosa 52
et 53) qui est encore ma maison, est proche de celle de l’artiste.
Ce dessin de Paul Blanc pourrait presque
avoir pour cadre leur intérieur.
Paul Blanc, intérieur Provençal |
Pierre Angelvin est boulanger,
il a dû maintes fois offrir un morceau de pain aux vagabonds attirés par la
réputation de Paul Blanc.
Paul Blanc, Ayez pitié |
Éléonore plaignait souvent Rosalie, la femme de Paul, qui devait subir les inconvénients et même les parasites que les voyageurs apportaient dans sa maison. Écoutez ce que confiait Paul, toujours bienveillant envers les mendicanti :
« Ce n’est pas pour le leur reprocher,
mais du 1er janvier au 31 décembre, ma jeune famille et moi sommes
littéralement dévorés par la vermine. Sitôt que nous sommes débarrassés de
celle du dernier modèle qui vient de nous quitter qu’un autre plus intéressant
nous arrive, avec sa surcharge de petites bêtes qui, en quelques heures, ont
vite fait de nous envahir tous. »
La maison de Paul
Bien que sa présence soit attestée dans le recensement, je n’ai pas réussi à situer précisément la maison de Paul Blanc, elle a peut-être été démolie. Étroite, comme beaucoup dans les villages perchés en Provence, elle comportait une pièce par étage :
« Au rez-de-chaussée, la cuisine basse et enfumée : on montait à l’étage supérieur par des marches branlantes en se tenant à une corde poisseuse ; la pièce principale était son atelier. »
Le vagabond
Paul Blanc
raconte avoir déniché certain jour un petit vieux Bourguignon des plus
bizarres, dont chaque mouvement était un tableau :
“Je l’ai
gardé plusieurs semaines. Je n’ai jamais vu de modèle plus intéressant. Il
circulait librement dans les rues du village, affublé de costumes fantastiques
que j’avais rapportés d’Italie. Je n’ai jamais rencontré d’être plus
indépendant. J’en ai tiré un très bon parti comme modèle. Il m’a quitté, à mon
grand regret, heureux comme un Dieu, me promettant de revenir… Tiendra-t-il sa
promesse ? En peu de temps, il s’est engraissé, sa figure était remplie et cela
lui a fait perdre son caractère.”
La chanson
« Deux trimardeurs ont passé la nuit chez moi. L’un est le bossu physiquement faible et délicat, à l’âme identique ; l’autre a une jambe coupée au raz du bassin, mais il demeure intrépide et plein de santé, un vrai indépendant. » « Et c’est ainsi que tous deux reflètent l’image vivante de leur chanson :
Gai comme un gueux, le pas traînant,
Narguant les gens qui me repoussent,
Insouciant, je vis content,
Je m’en vais où le vent me pousse.
Je trouve mon sort sans pareil
Quand j’ai du pain et du soleil.
Il n’est pas sûr que les villageois
appréciaient ces passagers miséreux. Bien qu’il jouisse d’une réputation de la
part de ses amis peintres ou critiques d’art, l’artiste n’a guère vendu de
gravures lors des expositions à Marseille ou à Paris. Ceux-ci lui conseillaient
de changer de sujet, mais Paul Blanc était passionné par ses mendicati.
La série des articles sur Paul Blanc et sa famille :
Rosalie Mothère est-elle la mère ?
Bibliographie
Jean Marzet, Paul Blanc et ses mendicanti : d’après des documents recueillis par Eugène Hoffmann et les fils de l’artiste, Paris, Valère Blanc, 1959, 180 p.
J’ai créé l’article Paul Blanc (peintre graveur) sur Wikipédia, ma source étant principalement ce livre.