2025-07-25

Noyé dans le Verdon

 

Je vous ai emmenés au bord du Verdon à Quinson, à Esparron-de-Verdon. À l’occasion du généathème « au bord de l’eau », je relis ces articles et je vois que je vous ai promis celui-ci.

Je cherche dans mes projets de billets en cours d’écriture, ne trouvant pas cette histoire tragique qui m’avait interpellée. Le moment est venu de la raconter.

Vive les challenges qui nous incitent à écrire !

 

 

Je vous propose d’aller rendre visite à la famille Gaide, en mai 1781.

 

Esparron-de-Verdon, 04
CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons


Ils vivent à Esparron-de-Verdon

Ils ne pourraient pas me croire si je leur disais qu’aujourd’hui s’étale un lac qui fait miroiter sur sa surface les mille nuances vertes de leur rivière. Le Verdon que le barrage contient merveilleusement se révélait plus sauvage et coulait autrefois dans son lit profond. Mais, si l'on observe la vue aérienne, il est facile d'imaginer que le Verdon est devenu un dragon ! A présent, l’endroit magnifique attire dans leur village de nombreux touristes, certains ont construit des villas cossues sur les pentes abruptes baignées par la rive droite. Des bateaux électriques mouillent dans un petit port. Sur la rive gauche, on est dans le département du Var, précisément sur le territoire de notre commune de Saint-Julien.

 


En 1781

Paul Gaide (sosa 842 à la génération X) a alors 58 ans. Une trentaine d’années auparavant, il est allé à Quinson pour épouser Chrétienne Terrasson, qui préfère le prénom plus moderne de Christine.


Le couple a eu sept enfants dont les prénoms ont été choisis parmi ceux de la famille, ce qui témoigne de la proximité entre les deux villages où résidaient les grands-parents paternels et maternels.

 

SchiDD, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

Aujourd’hui, depuis Quinson, on peut descendre en canoë les Basses Gorges du Verdon qui offrent un parcours exceptionnel digne d’être comparé aux célèbres Gorges du Verdon situées quelques kilomètres en amont.

La route, ou les chemins passent plus haut à l’extrémité sud du plateau de Valensole. 



Paul Gaide est connu comme négociant. Il devait posséder des mulets qui transportaient les marchandises d’un bourg à l’autre. Il pouvait compter sur son fils Joseph, négociant lui aussi.

 

Paul Gaide
Joseph Gaide


Joseph est un jeune homme de 26 ans. Il a déjà fondé une famille avec Marie Anne Roux. Une petite Marie Christine Catherine est née le 11 mai 1779, et hélas morte il y a huit mois. Sa femme a accouché d’un fils, Joseph Paul, en février dernier, l’enfant va avoir trois mois.

 


Christine, la femme de Paul connaît la douleur de perdre un enfant : Jean Paul est mort à deux ans, Théodore Euphroisine à huit mois, Magdeleine à quatre ans. On comprend que Christine paraisse toujours inquiète pour ses petits-enfants. 

Chez Élisabeth, mon ancêtre (sosa 421), on s’est réjoui de douze naissances. Âgée de 30 ans, Élisabeth n’a pourtant que quatre ans de plus que son frère Joseph Paul. 

Élisabeth a perdu sept enfants. Étant l’épouse d’un boulanger, elle devait travailler avec son mari, elle ne pouvait pas allaiter et s’occuper des nouveau-nés, peut-être étaient-ils placés en nourrice. Les petits anges n’ont vécu que deux mois, deux jours, deux semaines, dix mois, vingt et un mois.

Saint-Martin-de-Brômes se trouve à une heure et demie de marche, ils n’habitent pas trop loin, on peut aller leur rendre visite pour les aider.

 

dronepicr, CC BY 2.0 via Wikimedia Commons


Que faisait Joseph au bord du Verdon, le mercredi 2 mai 1781 ?

Allait-il pêcher des écrevisses ? L'eau est haute au début du moi de mai, a-t-il glissé sur les galets, emporté par des tourbillons dangereux ?

 

Il a été « trouvé sur le bord du Verdon, où il a eu le malheur de se noyer. »


Quel drame pour la famille ! Son père est dévasté, il perd son fils ; comment continuer à s’occuper du négoce ? Il doit pourtant aider sa belle-fille veuve à élever le petit, qui hélas mourra à trois ans.

 

L’année suivante, le 26 septembre 1782, c’est le cadet Joseph Paul que l’on enterre. Il était prêtre vicaire sur la paroisse d’Esparron. Il avait 26 ans. Outre l'officiant du lieu, deux de ses confrères se sont déplacés : le curé de Quinson et celui de Brauch, signe que messire Gayde était apprécié comme un homme important. Il devait faire la fierté de la famille.

 

Dominique Dardenne, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons


En 1813, leurs parents ne seront plus présents dans l'église d'Esparron pour pleurer leurs deux filles.

Élisabeth est revenue habiter à Esparron, en sa maison rue de l’hôpital, c’est là qu’elle mourra le 1er août, seulement dix jours après sa petite sœur Marie-Christine.


 Allons au bord du Verdon :

à Quinson,

Passer le pont du Verdon

Noyé dans le Verdon

2025-07-05

Comment faire pousser une branche ?

  

À la pointe de l’épée

Je me suis hissée à la génération XI. J’ai demandé à Pierre Destas, maître fourbisseur et batteur d'épées, d’affûter ses outils pour me montrer les branches supérieures de notre arbre.

Il choisit une épée et pointa tout en haut, mais il demeura muet en touchant des cases qui restaient blanches.  

 


Je connaissais Edme et Anne, les parents de Marie Louise Mauprivé (sosa 1639).

Impossible de comprendre pourquoi ceux de son époux Pierre m’échappaient. Les différents index des archives des notaires de Paris ne révélaient rien.

 

Faire appel à une amie

Grâce à l'aide d'Hélène que je remercie, j’ai pu remonter à la génération mystérieuse. Elle a consacré une partie de son temps lors de recherches dans les archives de notaires. Elle a trouvé le contrat de mariage que Pierre et Marie Louise ont signé le 25 octobre 1678, à Paris.

 

1678, Pierre Destas et Marie Louise Mauprivé


Pierre a pour parents : Jacques Destas et Jacqueline Trossart.

Jacqueline est ma sosa 3277, je pourrais la nommer Jacquotte, car on l’appelle ainsi sur l’acte de mariage de son fils Jacques.

 

Jacques et Jacqueline

Mon ancêtre Pierre est entouré de plusieurs Jacques : son père, son frère qui doit être l’aîné, son grand-père maternel, lequel a nommé sa fille Jacqueline et son fils Jacques. Et bientôt, sans grande surprise, j’inscrirai son grand-père paternel avec ce prénom.

 

Jacques et Jacqueline se sont mariés le 12 février 1641 à Orléans.

1641, Jacques Destas et Jacqueline Trossart 


Orléans

Voilà une surprise ! Mes ancêtres ne m’avaient pas préparée à entreprendre des recherches dans cette cité où je ne suis encore jamais allée.


Alors, c’est parti pour une visite virtuelle de la ville en promenade sur les bords de la Loire.

J’ouvre les archives du Loiret afin de mener mon enquête.

Jacques et Jacqueline se sont mariés dans l’église Saint-Paul dont il ne reste actuellement que le clocher.


Par chance, une étude sur les familles orléanaises s’intéresse au patronyme Destas, de Stas, d’Estas. Parmi des personnages listés en vrac, je reconnais mon ancêtre Jacques deSTAS. Il est huissier au bailliage d’Orléans et paroissien de L’Alleu Saint-Mesmin.

C’est l’occasion d’apprendre le terme alleu qui désigne une terre n’appartenant pas à une seigneurie, ce qui est implique que les résidants n’ont pas à payer d’impôts à un seigneur.

 

Ne négliger aucune piste

J’explore les rares renseignements pour relier des éventuelles fratries et j’ouvre les registres de différentes paroisses d’Orléans : Saint-Paul, Saint-Paterne, Saint-Pierre-Ensentelée, Saint-Sulpice, Saint-Liphard, Notre-Dame de la Recouvrance. Ces noms jamais entendus me ravissent ; tout apparaît nouveau pour moi à Orléans.

 

Lorsque Jacques, le frère de mon ancêtre Pierre se marie, deux de ses cousins germains sont témoins.

Je fais l’hypothèse que Pierre Ytasse est le fils d’une tante qu’il faut alors trouver. Effectivement, Jacques et Jacqueline assistent au mariage de Marie Destas. Cet acte devient particulièrement intéressant puisqu'il me permet de connaître le nom des ascendants à la génération XIII.

 

Remonter plus haut

Jacques est le père de Jacques, sa mère est Marie Pisseau.

Jacques Destas officie comme sergent royal au Châtelet d’Orléans.

Place du Châtelet à Orléans

Ces familles n’ont guère laissé de traces, et je n’ai pas accès aux actes de notaires.

 

Des cousins, officiers à Versailles 

J’ai approché les gens travaillant à Versailles à l’occasion de mon challenge Az, Ancêtres à Versailles.

Ils se situent du côté paternel de mes enfants. Je ne m’attendais pas à ajouter de mon côté des cousins certes éloignés assurant des fonctions dans la maison du roi.




Les descendants de Jacques, fils de l’aïeul Jacques Trossart ont fait fortune, ils se présentent comme des riches marchands bourgeois d’Orléans. René, le cousin germain se distingue par l’achat de la seigneurie et du château de la Turpinière. Même si ce sont des branches collatérales, cela reste très atypique dans cet arbre de ma forêt.

René, le fils de René est chef de l’échansonnerie et du gobelet du roi de 1694 à 1720. Si j’avais eu cette information inattendue, j’aurais pu le raconter dans le billet : chef de gobelet de vin du roi, qui concerne un autre cousin.  

René le fils du fils de René est fourrier ordinaire des logis de 1734 à 1742. Cet officier précède en voyage les princes et les hauts personnages, il est chargé d’assurer les logements.

Les Trossart, pour s'élever de niveau social, ont donc acheté des offices, ils remplissaient leur fonction en travaillant à Versailles par quartier et ils rejoignaient Orléans le reste de l’année. 



Si je convoquais mes ancêtres paternels à la X et XI et XIIe générations, les pêcheurs et jardiniers marseillais seraient fort surpris de se retrouver dans cette compagnie de bourgeois d’Orléans. Les bouts de branche et leurs rameaux cachés nous étonnent. 

 

Voir aussi

Pierre Destas dans son atelier de maitre fourbisseur

https://www.briqueloup.fr/2023/11/un-fourbisseur.html

 

 

Sources

https://www.geneanet.org/bibliotheque-genealogie/viewer/1649814?name=DESTAS&with_variantes=0#page=398

 

2025-06-21

Une chandelle et une bassinoire

 

Mars 1699, en Provence.

La nuit envahit la grand-rue qui monte vers le haut du bourg de Saint-Julien.

Le vent apporte le parfum du bois qui brûle dans les cheminées, il fait encore frais en ce mois de mars 1699. Les nuages s’écartent et la lune qui se lève éclaire de sa clarté.

Alors que j’approche de notre maison, je vois sortir une femme, elle est suivie d’un homme.

Elle porte une chandelle et une sorte de boîte avec une lueur rougeoyante. Ils marchent en silence. Ils ne semblent pas me voir, sont-ils des fantômes ou bien suis-je transparente?



Elle a confié la petite lanterne à la chandelle à cet homme à l’allure élégante, tel un monsieur étranger : chapeau de feutre, bottes cirées et manteau de drap sombre bien coupé dont les boutons discrets luisent à peine à la lumière de la lanterne. 

La femme paraît jeune, elle a jeté rapidement un châle de laine sur ses épaules avant de sortir. Elle n'a pas ôté son tablier. Ses jupons superposés se balancent au rythme de sa démarche vive.

Elle semble fatiguée, mais elle avance d’un pas décidé avec ses souliers fins; pas trop vite pourtant, car elle est chargée. Elle ne s’arrête pas pour «faire charrette» avec les commères qui la saluent : «Bonsoir, Françoise». Elle travaille, ce n’est pas une bavarde, elle préfère rester discrète.

 

Je ne peux la laisser me dépasser sans l’interpeller. C’est Françoise Gaillardon, mon aïeule (sosa 857).

Comment l’aborder? Ce serait trop confus de lui dire ce qui me passe par la tête :

Chère Françoise, me reconnais-tu? Je t’ai rencontrée le 8 septembre 1710, dans ma maison... Enfin dans ton auberge… Tu as bien su gérer la situation compliquée ce jour-là. J’ai écrit toute cette histoire des «mulets du sel», regarde le premier des six épisodes de la série à lire ici : https://www.briqueloup.fr/2018/08/les-mulets-du-sel1.html

 

Elle ne s’attend pas à croiser mon chemin, mais j’ai trop envie d’entrer dans son époque, je m’insère prudemment dans son trajet, et je me présente doucement à cette aïeule. Elle m’adresse un sourire avec un peu d’étonnement.

Je suis frappée par son air déterminé indiquant une jeune femme pressée. Je regarde le réchaud de braise qu’elle transporte avec précaution.



Il n’est pas aisé de porter cette bassinoire en cuivre puisqu'elle est remplie de braises chaudes. Elle sera bien utile pour réchauffer un lit. Mais où allez-vous?

Je peux l'accompagner, mais elle me dit qu'elle ne doit pas s’attarder, pour ensuite vite rentrer à l’auberge, car elle a tant à faire dans sa maison. Les voyageurs ont terminé de manger la soupe et c’est l’heure de tout débarrasser. Joseph Audibert, son mari sert encore quelques verres, mais la servante est débordée, c’est beaucoup de travail en fin de journée. Sans compter que son petit Joseph âgé de deux ans demande sa maman avant de s’endormir.

Elle a épousé Joseph Audibert il y a trois ans. Depuis la mort de son beau-père Jacques, six mois auparavant, elle est vraiment devenue la maîtresse de l’auberge. C’est elle qui organise et donne des ordres pour que la maison tourne bien.

 

Beaucoup de voyageurs dorment à l’étage. Tous les lits sont occupés ce soir. Elle a demandé à Catherine Arnaud qui possède une bonne chambre d’accueillir le sieur Pellissier qu’elle ne peut loger. L’homme qui marche avec nous soulève alors son chapeau pour me saluer.

Il m’explique qu’il est venu pour vacquer en la procédure et sentence par lui faite au procès criminel...

 


Il n’a pas le temps de m’en dire davantage, car il est interrompu par deux hommes qui parlent en riant fort. Voilà le notaire, maître Jean Bon est accompagné de Louis Ricard…



Ils sortent du Cercle de l’amitié, le vin les a échauffés. Françoise les salue poliment, marquant le respect dû à leur fonction.

Ils engagent la conversation avec l’étranger.

«Comment s’est passé le jour d’hui, Messire Pellissier? Est-ce que l’enquête avance?

Nous aurions pu boire un verre chez votre hôte. J’ai vu que Joseph a fait rentrer du vin dans sa cave. Il sait bien le choisir. Nous pourrions le goûter ensemble.»

Maitre Pellissier répond qu’il se fait tard et qu’il va se coucher.

«On vous souhaite une bonne nuit alors!»



Nous entrons dans la maison de Catherine Arnaud que je ne connais pas. C’est une demoiselle bien mise, elle est vêtue d’une robe en laine bleue. Ses cheveux sont couverts d’une coiffe bordée de dentelle.

Sa fille aînée Marguerite a 25 ans, elle est née la même année que Françoise qui demande de ses nouvelles.

Catherine a rangé et nettoyé sa maison pour accueillir le visiteur.

Françoise lui donne une chandelle comme elle l’a promis, elle va dans la chambre réservée à leur voyageur, elle s’assure que le lit soit convenablement arrangé, elle tapote les oreillers, elle bassine pour réchauffer les draps, elle place les couvertes de laine. Elle sait remplir son rôle d’hôtesse mieux que Catherine qui cependant lui rend un grand service en louant la chambre.


Image générée par ChatGPT avec mes indications


Je remarque son air fatigué, elle prend congé de Catherine et de son hôte. Il lui tarde de rentrer chez elle.


Sur le chemin du retour, Françoise se montre un peu plus bavarde, elle explique que le sieur Pellissier paye bien pour ses repas pris à l’auberge. Pour son cheval, pas de souci, hébergé dans notre écurie, on prend soin de le bouchonner et de lui donner de la nourriture.

L’avocat détient une importante responsabilité dans le procès en cours, il doit séjourner plusieurs jours dans le village; il est préférable qu’il dorme tranquillement dans une bonne chambre au calme.

Elle a demandé à Catherine de lui préparer un lit dans sa maison, ce qu’elle lui accorda et chaque soir, elle doit l’accompagner ainsi avec chandelle et bassinoire. Catherine est veuve d’Elzear Boyer, quelques pièces d’argent sont appréciables dans sa bourse.

Je voudrais savoir si Madeleine Boyer, la grand-mère de Joseph est de la famille d’Elzear. Mais nous arrivons sur le seuil de la maison et Françoise n’a pas le temps de me répondre. Pendant que je fais tourner la clé dans la serrure, sa présence s’est effacée. Je rentre chez moi, je m’aperçois que je tiens encore la petite lanterne dont la chandelle s’est éteinte.

 



Ce billet est né dans mon imagination, étayé par les informations que je possède sur Françoise et son auberge. L’idée a pris forme en découvrant un acte étonnant, déniché lors d’une visite aux archives à Draguignan le mois dernier.

Ces détails m’ont inspiré le texte et j'ai brodé autour comme un rendez-vous ancestral. 

Il faudra que j’élucide l’enquête sur ce procès criminel, les recherches risquent d’être difficiles, je ne sais pas ce que les Archives du Var conservent au sujet de cette affaire.


Lire aussi la série d'articles 

dans lesquels sont impliqués l'aubergiste et sa femme 


2025-05-11

Qui prenait soin de la Pichotte

 

On l’appelle la Pichotte, c’est une jolie et tendre manière de désigner la fille de Pierre Pichot. 

La féminisation des patronymes est en usage dans certaines branches de nos familles.


Françoise Pichot dite la Pichotte, a vécu en Ardèche, à Mayres. Quand est-elle née ? Quand est-elle morte ? Je n’en sais encore rien.

Elle est ma grand-mère, sosa 867 à la 10e génération.

J’ai lu son contrat de mariage, passé le 25 novembre 1665. Ce jour-là, elle épousait Antoine Bonnefoy, (sosa 866). En écrivant les deux derniers billets, j’ai fait connaissance avec les ancêtres d’Antoine qui vivaient dans la montagne du Vivarais. Je ne pourrais pas vous dire grand-chose sur ceux de Françoise qui manquent de source. 

Sa maison se trouve à Saint-Martin de Mayres. Il ne subsiste pas de bâtiments de son époque dans le quartier situé en bas à gauche de l'église.


Mayres, dans la vallée de l'Ardèche


Qui prenait soin d’elle ?

Anthoine, son époux 

J’espère qu’Anthoine a été un bon époux.

Ils ont eu au moins cinq enfants dont deux filles, Anne et Marguerite qui sont chacune mes ancêtres !

Antoine, mentionné comme "hoste", doit tenir une auberge; par ailleurs il exerce la charge de fermier, il se charge de récolter les fermages. 

Il  a pu faire plusieurs acquisitions, notamment le 13 mai 1668 "d'un bois chastagnet* et d'une "terre issartille"**, ce qui témoigne d’une certaine aisance. 

Jacques, son premier mari 

Françoise était veuve de Jacques Cellier. Elle a dû hériter de son logis puisque le contrat qui régit le second mariage est signé dans la maison de la Pichotte. 

Je ne peux m’empêcher de penser qu’avec Antoine le mariage a été plus heureux. D’abord, puisqu’il est mon ancêtre, j’ai un a priori positif. Je revendique une certaine subjectivité. J’aime mes ancêtres comme des aïeux bienveillants, j’essaye de leur rendre un hommage respectueux, ne serait-ce que parce qu’ils m’ont donné la vie. Les recherches dans ma forêt me font rencontrer d’autres personnes qui ne sont pas mes sosas et certains ne m’apparaissent pas aussi sympathiques ; je crains parfois qu’ils leur aient causé des soucis.

Je n’ai pas de certitude, seulement une intuition en ce qui concerne le premier mari de Françoise.

Regardons cette étonnante quittance qui lui est payée le dernier jour du mois de septembre 1646, par Jean Pichot.

Jean, son frère aîné

Le 30 septembre 1646, Jean règle, ou charge une personne de payer audit Jacques Cellier :

La somme de 38 livres pour la nourriture et entretènement de Françoise Pichot fille de feu Pierre Pichot,

Laquelle il a nourry et guardé pendant 2 ans et demy 

Faut-il imaginer Françoise, petite orpheline, avec des jolies rondeurs de jeunesse, bien nourrie telle la captive de l’ogre. C’est quoi cette histoire ? Donc, après l’avoir nourrie et entretenue pendant deux ans et demi, Jacques Cellier l’a épousée. Était-elle consentante, avait-elle le choix ? Je suis inquiète, je ne le connais pas, je n’ai trouvé aucune trace de cet homme. J’espère que mes craintes ne sont pas justifiées.

Les amis et alliés

En 1665, dix neuf ans plus tard, beaucoup de personnes entourent Françoise Pichot avec Anthoine Bonnefoy, lors de la lecture de leur contrat de mariage, dans la maison de ladite Pichotte à Saint-Martin de Mayres.  

Auprès d’Anthoine se tient son oncle, Jacques Challas.

Oh ! Je vois aussi Louis Daubert qui est fils du notaire Estienne Daubert (mon sosa 3498), et encore Jacques Prat, le mari de la fille du notaire Jeanne d’Aubert (sosa 1747). Celui-ci deviendra mon sosa 1748, lorsque son fils Louis Prat épousera Marguerite Bonnefoy (sosa 875). Nous sommes en famille !


Jean Pierre, son frère

Alors, je suis sûre que Jean Pierre a pris soin de sa sœur 

C’est elle qu’il mentionne d’emblée dans son testament en 1690.

Il lui lègue 200 livres payables à raison de 40 livres par an.

Antoine Albert, le gendre va se charger de payer le légat que donne JP Pichot à sa sœur Françoise, veuve d’Antoine Bonnefoy. 80 livres, le 15 mai 1695 et sans attendre, dès le 27 juillet de la même année, il lui verse le solde.

Jean, son fils 

Jean va hériter de tous les biens de sa mère, comme elle le mentionne dans le contrat signé à l'occasion de son mariage en janvier 1695. C'est lui qui se chargera des affaires familiales, s'occupant de sa mère et de la dot de ses sœurs. 

Le fils de Françoise jouit d’une ascension sociale inattendue. Il est procureur d’office. C’est dans sa maison que se passe l’évènement ci-dessus.


Marie, sa fille

Cette somme sera vite employée par Françoise 

qui, quelques semaines plus tard, va doter sa fille.

 
Marie reçoit le jour de son mariage, le 25 juillet 1695 :

250 livres, une robe rayé grise et 2 brebis de l’héritage de son père ; et 125 livres de sa mère. 




Françoise a bien marié ses filles qui sont restées proches d’elle.



La solidarité familiale se révèle au fil des quittances acquittées. Françoise Pichot était entourée depuis ses jeunes années d’orpheline de mère puis de père, ses frères ont pris soin de payer pour qu’elle n’ait ni faim ni froid. 

Veuve en premières noces, elle a réussi un second mariage qui lui a donné 5 enfants. Anthoine Bonnefoy est mort trop tôt, entre 1681 et 1682, les enfants étaient très jeunes. La petite Anne n’avait que quelques mois. 

Françoise les a élevés peut-être avec l’aide de ses frères. Je suppose que Jean est l’aîné. Mon préféré est désigné comme Jean Pierre, on devait l’appeler Pierre comme leur père. Antoine probablement le cadet, était cordonnier, il a épousé Elenne Bonnaud en avril, peu après les noces de Françoise et Antoine.   


Françoise Pichot est ma double grand-mère à la génération 10.

Voir aussi

La montagne du Vivarais (1)

La montagne du Vivarais (2)


* Un "Bois chastagnet" est une châtaigneraie. Les châtaignes fournissent une subsistance essentielle en Ardèche.

"Terre issartille" désigne dans le parler occitan une terre "essartée". C’est une parcelle de terre anciennement débroussaillée ou défrichée (souvent en forêt), mise en culture après avoir été déboisée.

Iconographie
J'ai réalisé les gravures avec Chat GPT
source de la photo : Mayres dans la Vallée de l'Ardèche _ by Seryam, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

2025-04-05

La montagne du Vivarais (2)

 

Nos bouts de branches sommeillent depuis des siècles tout en haut de nos arbres. On désespère de mieux les connaître. Pourtant si l’on relève le défi d’écrire leur vie, la lumière les réveille et ils pourraient raconter des bribes de leur histoire.

Si on les écoute attentivement, les rameaux se mettent à bourgeonner, ils se couvrent de petites feuilles comme autant d’enfants, les fratries se développent. Lorsqu’on a la chance d’être invité par leurs notaires à l'occasion de la rédaction des contrats de mariage, ou au chevet d’un ancêtre qui dicte son testament en dotant son entourage, alors le bout de branche devient à son tour une branche porteuse de fruits.


Dans l'article précédent "La montagne du Vivarais", je vous parlais du père d’Antoine Bonnefoy. Antoine apparait comme un double sosa : 866 et 1750. Ce qui place ses parents à deux endroits de mon arbre. Des doubles bouts de branche. Vous me suivez ?


Vidalle Veyradier

La mère n’est pas citée dans l’acte de mariage. Elle figure dans quelques généalogies en ligne, mais sans source, je ne pouvais pas me permettre de l’adopter. Même si Vitale, la fille aînée d’Antoine porte son prénom, l’indice ne paraissait pas suffisant pour affirmer qu’elle est la petite-fille de notre mystérieuse Vidalle.

Et puis à force de chercher, je l’ai trouvée citée dans le contrat de mariage de son fils Pierre, établi le 12 juin 1645, par maître Etienne Daubert notaire à Mayres (lui, c’est notre sosa 3498). Il ne s’agit pas exactement du contrat de mariage, mais de sa ratification. Le notaire explique que les jeunes époux « n’avaient pas atteint l’age compétent pour pouvoir contracter valablement à cette cause ». On voit que Vidalle veille à bien faire les choses pour son petit Pierre qui doit encore être très jeune.  

assisté de Vidalle Veyradier sa mère

La même année 1645, le 24 avril, elle s’occupe de sa sœur qui se marie à Montpezat sous-Bauzon.

J’ai pu reconstituer une partie de sa famille grâce à la SAGA qui indexe et donne le lien direct avec les registres notaires de l’Ardèche. 
En lisant ce prénom original, j’ai eu envie de pouvoir ajouter ce rameau annexe.  Regardez :

Miracle Veyradière

N’aimeriez vous pas avoir une tante prénommée Miracle !

Et voilà qu’apparaît leur père ce jour-là, Pierre Veyradier, du lieu du Lac d’Issarlès.


Une autre sœur, Marguerite Veyradier s’est mariée l’année suivante à Mayres. J’apprends ainsi le nom de leur mère : Antoinette Aond.

L’arbre s’est bien développé. 



Vidalle a choisi les prénoms de ses deux fils selon son père Pierre et sa mère Anthoinette. 


J’aimerais bien voir le testament de Vidalle « en sa date » (laquelle et où ?). Le seul détail livré par une quittance, (mais tout détail reste intéressant) est la mention d’un don de 10  livres que son fils Antoine doit payer à Claude Cibourle, j’ignore encore qui c’est.

Vidalle est donc décédée avant le 26 décembre 1679. 

Il semble difficile de remonter plus haut dans cette branche. En relevant le défi #rameaux cachés proposé par "Raconter sa généalogie", je ne pensais déjà pas en découvrir autant sur ces rameaux.


Lac d'Issarlès


La Veyradeyre

Remontons jusqu’à la naissance de cette rivière, la Veyradeyre. Elle évoque le nom de la famille de Vitalle Veyradier et Claude Bonnefoy. Elle prend sa source dans la forêt domaniale de Bonnefoy, dans les monts du Vivarais, au pied d’anciens volcans que les gens de là-haut appellent des sucs. 

Elle passe devant la Chartreuse de Bonnefoy où les moines possédaient un bassin de poissons. Elle reçoit plusieurs ruisseaux. Elle bien vaillante cette petite rivière. Sur une petite partie de son cours, c’est elle qui dessine la frontière entre l’Ardèche et la Haute-Loire (entre le Vivarais et le Velay), à proximité du Mont Mézenc et du Mont Gerbier-de-Jonc où la Loire prend sa source. Elle s’éloigne de celle-ci pour mieux la retrouver; après avoir contourné le lac d’Issarlès elle devient son affluent.



Avez-vous une famille qui porte le nom d’une rivière (ou réciproquement) ? 

Je cours regarder si j’en ai d’autres dans ma forêt. 

Voir aussi :

La montagne du Vivarais (1)

Qui prenait soin de la Pichotte