Le généathème de ce mois a pour sujet l’océrisation. Il s’agit du traitement d’une image par un logiciel de reconnaissance de caractères, ainsi le logiciel[1] déchiffre les formes et les traduit en lettres. À partir de là, il va être possible de faire des recherches plein texte.
Dans les journaux numérisés, puis océrisés, j’ai pu trouver le patronyme de mes ancêtres, ce qui occasionne une cascade de surprises. Tout en écrivant ce billet, les découvertes se sont enchaînées.
Un Rendez-vous Ancestral avec un professionnel de la typographie pourrait m’aider à éclaircir un mystère.
Je vais donc me rendre à Marseille pendant l’été 1917.
J’entre au numéro 24 du boulevard Mérentié, où habite Ferdinand Nicolas, mon arrière-grand-oncle. La porte s’ouvre, sa femme Marie Augustine "Thaïs" Brunet, m’accueille. Elle m’invite à boire un café en attendant son mari.
- Permettez-vous que je vous appelle Thaïs ?
Mon prénom est devenu à la mode récemment. Mon mari m’a emmenée à l’opéra, j’ai adoré la soprano. Les représentations de Thaïs ont fait scandale en 1900, mais maintenant c’est un succès. Est-ce que vous aimez l'opéra comme Rose, la fiancée de Marius ?
Thaïs est heureuse de bavarder avec moi, sa voix à l’accent chantant de Provence me plait.
Je la laisse parler et je n’ose pas lui demander pourquoi elle est nommée Anaïs dans la publication de son mariage en 1889[2].
J'aimerais qu'elle me dise si elle s'entendait bien avec sa belle-sœur, mon arrière-grand-mère, car c'est elle l'objet de ma visite.
- - Nous étions voisines en 1889, elle demeurait au numéro 9 de la rue Escoffier, nous habitions au 29 boulevard Chave. Ma mère tenait alors une épicerie dans le quartier du Camas. On la voyait, accompagnée ses deux petits garçons Marius, sept ans, et Joseph, cinq ans.
- Marius est mon grand-père ! Avez-vous connu son père ?
- Bruno, le capitaine … Mon beau-frère m’impressionnait beaucoup. Il était très sévère. Il est mort trois ans après notre mariage. La vie n’était pas facile pour sa femme, devenue veuve elle avait besoin de travailler, elle est devenue épicière[3] comme ma mère.
- Est-ce que c’est elle qui vous a présenté Ferdinand ?
- Je le trouvais bien vieux, j’avais 26 ans et lui 42 ans. Mais il était instruit et avait une bonne situation de lithographe, donc ma mère m’a poussé à le rencontrer pour voir s’il me convenait.
Ah ! voilà Ferdinand qui arrive. Il revient d'une réunion au cercle, il s’occupe de politique avec les Républicains socialistes[4].
Son mari se déplace lentement, le dos courbé, il paraît triste et usé ce vieil homme de 70 ans.
Je lui présente mes condoléances pour le décès de sa sœur aînée.
- Je suis désolée de n’avoir pu me rendre à l’enterrement de mon aïeule, car je n’ai pas été prévenue à temps. Je sors de mon sac un petit papier[5].
- La mère de mon grand-père s’appelle bien Marie ? Que s’est-il passé à l’imprimerie du Petit Marseillais ? Le typographe a mélangé toutes les lettres :
M A R I E
I R M A
Ferdinand sourit de voir ma réaction.
- Il aurait pu faire attention, c’est n’importe quoi ! Ou alors c’est l’océrisation qui ne reconnaît plus les lettres.
Il répond tranquillement :
- Mais non, le typographe n’a pas fait d’erreur ! C’est mon métier et je t’assure que l’on doit être sérieux, surtout dans un avis de décès. Tu peux faire confiance.
- Elle se faisait appeler Irma ? Je l’ai vue signer Marie !
- Dans notre famille Nicolas, cinq des sept filles ont reçu ce prénom.
- C’est à n’y rien comprendre ! J’ai vu Marie Thérèse Catherine dénommée Virginie sur son faire part de décès[6], Marie "Joséphine" Zoé devenir Marie Joséphine Julie[7], puis Marie[8].
au clic pour mieux voir les prénoms des Marie ! |
- Mes sœurs se faisaient appeler sous d’autres prénoms.
Et mes deux frères s’appellent Marius. C’est à eux que notre neveu doit son prénom. Je me souviens du jour où j'ai accompagné Bruno pour déclarer la naissance de ton grand-père.
Thaïs est allé chercher une photo de Marius (sosa 12) qu’elle me montre. Il porte le brassard de deuil. Heureusement, il a pu se trouver auprès de sa mère lors des derniers moments. Il était en convalescence, rapatrié après une blessure dans les Dardanelles…
Thaïs repart et vient déposer sur la table une carte postale envoyée de Salonique.
- Nous avons reçu des nouvelles de Marius, il est retourné sur le Front d’Orient après les funérailles de sa mère. Il a écrit de Salonique le 29 août. Son frère Joseph s’y trouve aussi.
- La guerre ne se terminera donc jamais ? déplore Ferdinand qui paraît très fatigué.
J’aurais encore d’autres questions, mais je dois prendre congé. Le soleil m’éblouit lorsque je sors dans la rue du Camas, je suis un peu sonnée. J’éprouve le besoin de marcher dans ce quartier qui est aussi celui de Rose que Marius va épouser après la guerre.
Je suis tellement surprise d’apprendre que Marie était connue sous le prénom d’Irma. "Marie" Augustine Rose, première-née de la famille, qui porte les prénoms de sa mère Rose et de son grand-père maternel Auguste.
Moi qui croyais la connaître un peu …
J’aurais dû demander à son frère de me parler plus longuement de sa famille, mais sa femme m’a fait signe qu’il était fatigué. Aurais-je le temps de le revoir ? Il va mourir avant la fin de l’année 1917[9].
Les billets qui mettent en scène mon arrière-grand-mère :
Une lettre que j'aurais aimé recevoir : M- Marie
Elle habite à Marseille en 1880, rue Kleber
ensuite rue Hoche à Marseille
[1] C’est l’occasion de découvrir que mon logiciel PDF24 creator est capable de reconnaître le texte d’une image. Je me sers beaucoup de cet outil et je vais utiliser cette possibilité. https://tools.pdf24.org/fr/creer-pdf
[2] Le Petit Provençal, 13/5/1889.
[3] Indicateur Marseillais.
[4] Le Petit Provençal, 6/7/1914, élections.
[5] Le Petit Marseillais, 25/12/1914.
[6] Le Petit Marseillais, 30/04/1917.
[7] Le Petit Provençal,15/09/1890
[8] Le Petit Marseillais, 25/02/1914
[9] Le Petit Marseillais, 9/11/1917.