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2023-11-23

T_ Tutelle de sa fille

 

La fille de Nicolas Louis Deleurye est orpheline de mère. Heureusement, pendant une dizaine d’années le grand-père maternel demeure bien présent. Mais, lorsqu’il décède, qui va s’occuper d’elle ?



Le registre de tutelle établi le 4 septembre 1785 explique la situation,

où l’on apprend que le père a disparu.

Sur quoy nous disons qu’attendu l’absence dudit Nicolas Louis Deleurye

Père de ladite Jeanne Françoize Rozalie Deleurye mineure [...]

La jeune fille ne doit pas avoir plus de 17 ans. Elle avait environ six ans lorsque sa mère est morte.

Les témoins assurent qu’« à leur connaissance ledit Nicolas Louis Deleurye, père de ladite mineure s’étoit absenté de cette ville de Paris depuis l’année 1774, incontinent après le décès de ladite Marie Angélique Victoire Hurault, décédée, son épouse, arrivé dans ladite année, que depuis cet époque l’on ignorait absolument le lieu de sa retraite et qu’il n’a donné aucune de ses nouvelles. »

Il apparaît qu’il y a urgence de statuer sur la situation de cette jeune personne qui est encore mineure.  Cinq amis qui l’entourent vont nommer un tuteur. Parmi les témoins présents se trouve son oncle Jacques Miche Seney, maître-perruquier, époux de Marguerite Thérèse, la sœur de sa mère.

Ce n'est pas lui le tuteur, mais un certain Michel Pierre Jacquemard, bourgeois de Paris y demeurant rue de la Culture Ste-Catherine qui accepte cette charge. 

Jeanne Françoize Rozalie est héritière de la part de sa mère qui correspond à un tiers de la succession. Le deuxième tiers doit être celui de sa tante Marguerite Thérèse. Le troisième tiers  pour Jean Baptiste Louis François son oncle.



Pour l’heure, il faut demander la levée des scellés, apposés par des commissaires au Châtelet, sur l’appartement du défunt, afin d’accélérer l’estimation des biens et l’inventaire des papiers.

Pourquoi avoir attendu tout l’été pour régler cette situation ? L’aïeul est décédé le 26 juin 1785, et cette réunion se tient le 4 septembre.

 

Rue de Beaujolais by Wikipédia

La résidence de François René Hurault de Morainville se trouve rue de Beaujolais. C’est une petite rue toute neuve, ouverte en 1784 sur une partie de l’ancien jardin du Palais-Royal. Les immeubles se montrent cossus et attractifs pour les bourgeois parisiens.

Où vivait la jeune fille à cette époque ? Chez sa tante, ou bien avait-on confié son éducation à un couvent ?


Ce que l'on sait sur sa mère et que Louis Nicolas n'a pas dit :

Qui est sa première épouse ?

C'était un cachotier

 Rozalie et ses descendants

Et sur toute la famille, l'enquête continue avec ce ChallengeAZ :

A - Ancêtres inattendus

2023-11-20

Q_ Qui est sa 1ère épouse?

 

Marie Angélique Victoire Hurault devait être bien jeune lorsqu’elle a épousé Nicolas Louis Deleurye, il était  âgé de 32 ans.

Le mariage a été célébré le 28 novembre 1767, en l’église de Saint-Germain l’Auxerois de Paris.

Je suis entrée quelques fois dans cette église en pensant à Sophie Verne, cette belle ancêtre de mon mari qui nous inspire tant de récits. Cependant, je ne m’attendais pas à être invitée à inscrire ce lieu prestigieux dans la forêt de mes ancêtres marseillais. Et maintenant, quel étonnement de réaliser que ces personnages, qui ont produit des lignées tellement différentes, fréquentaient la même paroisse.


Église Saint-Germain-l'Auxerrois de Paris

Ses parents s’étaient mariés vingt ans auparavant. Sa sœur, Marguerite Thérèse doit être son aînée, puisqu’elle a signé son union avec Jacques Michel Seney, maître perruquier le 7 avril 1763. Donc, la jeune épouse de Nicolas Louis n’avait pas plus de 18 ans. Et sa sœur a dû être mariée à l’âge de quinze ans.

Leur frère avait dix ans à cette époque ; Jean Baptiste Louis François est né le 3 juillet 1752, paroisse Saint-Paul. Il mourut le 26 mai 1827 à l’Hôtel Royal des Invalides. Il était sergent et on trouve même pour lui des « punitions et retenues de vin » infligées en 1810. On ne sait quelle faute commise constitue une des rares traces de lui qui nous parvienne.  

 

Son père, François René Hurault de Morainville est « intéressé dans les fermes du Roy » en 1753. Précisément il est « employé dans les fermes de Poissy en 1774 ».

Il exerce donc comme agent de la Ferme générale. Je ne sais pas exactement à quel titre, mais lors de son  recrutement on lui a demandé de justifier d’un bon niveau d’instruction, il devait appartenir à une famille honorable, et de bonnes mœurs. À l’âge de la retraite, il était « Pensionnaire du roi ». En effet, a été instauré,  dès 1768, le système des pensions dont devaient profiter les agents ayant plus de vingt ans de service ou atteints d’invalidité. Une partie de leur salaire était retenue et placée dans un fonds de pension.

Sa mère, Angélique Marguerite Carpentier est la fille de Raymond Michel Carpentier lui aussi « Employé dans les fermes du Roy ». Celui-ci est mort en 1742 et en 1750 sa veuve a épousé Pierre Destriches « premier fourrier de l’artillerie de France » résidant à l’arsenal.

Tout cela montre que l'entourage se trouvait dans l’aisance financière.

Le mariage de Marie Angélique Victoire et de Nicolas Louis semble accorder les deux familles.




En 1774

Marie Angélique Victoire meurt peu de temps avant le décès de sa mère, survenu vers le 12 septembre.

Dans l’inventaire après décès de sa belle-mère, Nicolas Louis apparait, cité au nom de sa fille orpheline et héritière de sa grand-mère. Il va laisser cette fillette aux bons soins de son grand-père qui en est le tuteur, et partir à Marseille pour ne plus revenir. En fait, il disparaît en abandonnant leur enfant, on se demande encore pour quelle raison.   


Tutelle de sa fille

2023-11-11

J_ Juste après l'inventaire

 

Trois jours après l’inventaire auquel nous avons assisté dans l’article précédent, Anne Fallot met en vente l’office de son mari. Cette transaction a lieu le 11 décembre 1691 à Paris.

Comme précédemment les six gendres d’Anne entourent leur belle-mère. Bien présentes, leurs épouses restent discrètes. Cette fois-ci, Siméon Guichon est le seul qui pose sa signature.  

Une lecture plus attentive des dernières lignes de l’inventaire après décès d’Edme Mauprivé révèle que sa veuve devait 500 livres à son gendre Siméon. Le temps est venu de régler l’affaire.

La charge est vendue pour 5000 livres, à Jean Delatour, cocher du roy servant aux ambassadeurs, il demeurait à Versailles.

Edme Mauprivé (sosa 3278 à la génération XII) avait acquis, le 18 mars 1666, la charge de :

Courtier, tireur, chargeur et débardeur de la marchandise de foin en la ville et fauxbourg de Paris


Anne Fallot se souvient.

C’était il y a 25 ans, mon mari se sentait tellement fier d’avoir signé le contrat qui lui octroyait cet office. Il en avait assez de s’user les doigts dans le cuir comme maître bourrelier.

Nous avons ce jour-là débouché une bonne bouteille de notre vin de Fontenay que nous gardons à la cave pour de belles réjouissances.

Edme avait déboursé une somme importante. Puisque le roi avait besoin d’argent pour ses dépenses et pour ses guerres, il prélevait un quart du prix, il créait toutes sortes de charges plus originales les unes que les autres. Les Mauprivé ont vu une opportunité pour s’élever dans la société. En accédant à la fonction d’officier, le bourgeois acquérait du prestige et il pouvait s’enrichir.


Nous habitons tout près de la place de Grève, raconte Anne, c’est avec un peu d’appréhension que je l’accompagnais le long de la Seine. 

Les bateaux amènent tout ce qui peut se vendre pour la nourriture des hommes et des animaux. D’un port à l’autre, différentes odeurs nous sautent aux narines, celle du bois qui sèche pour le chauffage, pour la construction, l’effluve fumée du charbon de bois, celle plus corsée du vin qui imprègne les tonneaux, le parfum des épices et des produits exotiques arrivant de Rouen, la puanteur marine et salée des poissons conservés dans des bassines humides.

Quelle agitation ! Beaucoup de personnes s’activent pour transporter les céréales. Les portefaix se pressent avec leur ballot sur le dos en vous bousculant au passage. Les travailleurs se hèlent, ils annoncent leur passage en vous prévenant qu’ils ne ralentiront pas. Les roues des voitures à bras vous frôlent, vous éclaboussent

 

L’ambiance générale porte tout le monde à l’action et mon mari s’est mis à participer à cette animation grâce à son nouveau métier de courtier de foin.

Il se fait un fort grand commerce de cette marchandise de foin pour les provisions de la ville de Paris ; l’on a compté qu’il s’en consumoit chaque année, sous le règne du feu roy louis XIV, quatre millions cinq cent milliers de bottes.

On tire [les provisions] de foin des grandes et belles prairies qui font l’ornement des bords de la Seine, de la Marne, de l’Oise, de l’Yonne et des autres rivières moins considérables qui affluent dans celles-là. Toutes ces provisions de foin, qui sont chargées sur ces rivières, arrivent à Paris par la Seine. Le foin qui nous vient en defcendant, […] les foins de ces pays d’amont doivent aborder à Paris aux Portes de la Grève….

Les jurés contrôleurs confirment la qualité, s’ils ne découvrent pas de mélange, pas de foin pourri ni mouillé. Le marchand a ensuite recours aux Courtiers Débardeurs pour tirer le foin de son bateau, le livrer à terre aux acheteurs. […]

C’est alors qu’interviennent les officiers, tel Edme Mauprivé, ils ne travaillent qu’après en avoir reçu l’ordre des jurez, & en leur présence, aux heures portées par les réglements.

Certaines denrées se négocient sur le marché place de Grève. D’autres, chargées sur des charrettes, traversent le quartier pour être revendues aux marchands des faubourgs. Les courtiers et les porteurs parcourent la ville avec une botte de foin pour crier le prix et l’adresse des vendeurs.


Mon homme a beaucoup marché dans les rues de Paris, il n’a pas pris de poids, il a gardé les jambes lestes et l’esprit vif pour gérer ses affaires. Nous avons vécu ensemble pendant les 42 années de notre couple.

Au fil des années, nous avons réussi à payer la somme que coûtait cette charge. Nous ne nous sommes guère enrichis, mais nous avons fort bien marié chacune de nos six filles, nous pouvons les aider lorsque le veuvage les frappe. C’est ma grande crainte pour elles à présent. Pour moi, je ne compte que sur mes gendres pour subsister encore quelque temps.


Ne t’inquiète pas Anne, regarde, ils sont présents là, auprès de toi !


2023-11-10

I_ Dans l’intimité de l’inventaire

 


Ce vendredi sept décembre 1691, sur les huit heures du matin, il fait encore nuit et froid à Paris. Nous traversons la place de Grève, laissant à droite de l’Hôtel de Ville. Nous passons sous une arcade et arrivons dans la rue du Martroy où nous attend la famille en deuil d’Edme Mauprivé.


Les six filles du défunt, accompagnées de leurs maris, suivent leur mère Anne Fallot qui guide l’huissier chargé de dresser l’inventaire des biens d’Edme Mauprivé. Il est mon aïeul sosa 3278 à la génération XII.

Je me tiens proche de Marie Louise et Pierre Destas, ce sont mes ancêtres. Son père était encore vivant trois jours auparavant. Elle très émue d’entrer dans la maison où il a rendu son dernier souffle.

Nous montons jusqu’au second étage et entrons dans une chambre occupée par Anne Fallot. Le notaire Jean Antoine Caron note le déroulement, il leur présente un papier et une plume. 


Anne Fallot s’applique à bien former ses lettres ; à la suite de leur belle-mère seuls les gendres sont invités à inscrire leur signature, reflet de leur personnalité. Henry Sauvage joue le premier rôle, au titre de mari d’Anne la fille aînée, de plus sa position de Conseiller du roi impressionne toute la famille, il est Contrôleur des rentes de l’Hôtel de Ville de Paris. Ses beaux-frères gagnent assez bien leur vie comme des maîtres artisans aisés : fourbisseur, fondeur, bourrelier, miroitier et marchand mercier.  

Le notaire et l’huissier étalent leur paraphe avec des ruches bouclées.


Descendons d’abord à la cave pour estimer les réserves de bois et de vin (un demy muid plain de vin) qui assurent un hiver confortable. Puis montons à nouveau au second étage. Dans la cuisine, peu de meubles : un coffre sur pieds, une grande armoire en bois de chêne. Sur les murs sont accrochés cinq tableaux peints sur toile. Je jette un coup d’œil par la fenêtre pour regarder la vue sur la cour. Quel tintamarre, les femmes se mettent à déballer pelles, poêles à frire, marmites et chaudrons. Je m’intéresse à la fontaine en cuivre rouge qui ressemble à la mienne.




Nous passons dans une chambre attenante, celle qui a vue sur la rue du Martroi Les filles déplient le linge sur le lit pour montrer que les draps au nombre de dix, quatre nappes, une douzaine de serviettes sont tous fort usés et rapiécés.  

Elles ne se doutent pas que plus personne ne voudrait de l’argenterie démodée, sauf une petite cuillère en argent que j’aimerais mettre dans ma poche, mais je n’oserais pas.

Après la pause de midi, on examine longuement les papiers d’Edme. 

Mais quel dommage ! On ne me laisse pas la possibilité de lire son contrat de mariage qui pourrait m’apprendre le nom des parents.

 

Juste après cet inventaire, la vie continue et je vous donne rendez-vous dans le prochain billet pour une vente spéciale qui nous en apprend plus sur le métier d'Edme Mauprivé.

Juste après l'inventaire


2023-11-03

C_ Consoler un veuf

 

Élisabeth, avec son parler marseillais à l’accent chantant, charmait Nicolas Louis; il devait se faire expliquer beaucoup de mots et d’expressions provençales.

Il appréciait la ville, bouillonnante comme le panier d’une poissonnière sur le port. Elle lui faisait découvrir la mer. Elle le régalait en cuisinant les poissons que ses frères rapportaient dans leurs filets.

 

1760 Venet - AM Marseille 11FI17

Ils se promenaient ensemble le long des quais, montaient jusqu’à la chapelle de Notre-Dame-de-la-Garde pour admirer le panorama. Lors des journées glacées de l’hiver quand le Mistral souffle, sa femme vêtue d’une chaude pelisse faisait des envieuses. Les commères commentaient le passage de ce couple original : une fille de pêcheurs avec un marchand pelissier de Paris, l’alliance de la sardine et du loup, balançaient-elles, narquoises. Mais, bras dessus, bras dessous, les amoureux les ignoraient.


Nicolas Louis évoquait-il avec nostalgie sa vie à Paris, ressentait-il de la tristesse en pensant à sa première épouse morte après douze ans de mariage ? Même s’il n’en parlait pas, Élisabeth savait qu’il était veuf en première noce de Marie Angélique Victoire Hurault. Quelque peu jalouse de cette Parisienne qu’elle imaginait élégante et d’un rang supérieur au sien, elle s’efforçait d’être très gentille pour consoler son mari.

 

9/10/1777 Acte de mariage


Le couple a attendu douze ans avant de donner naissance à leur unique enfant. Lorsque Joseph Auguste a pointé son nez, le 6 avril 1789, autant le père qui comptait déjà 54 ans que la mère 42 ans, chacun commençait à sentir l’âge avancer.

Il n’y avait donc aucune urgence à célébrer la noce le 9 octobre 1777.

 

Nicolas Louis a gardé son secret (billet E), il n’a plus donné de ses nouvelles à sa famille ni à ses amis qu’il semble avoir oubliés sous le soleil du Sud.

Montée des Accoules

Ils habitaient dans le quartier des Accoules, peut-être rue de la Coutellerie où demeurait Nicolas Louis en 1777. 

Après 29 ans de vie commune que je leur souhaite plaisante, Nicolas est mort à l’âge de 71 ans. Élisabeth lui a survécu deux ans.


2022-06-25

Antoine, un As de l’aviation

 

Antoine Laplace, l’arrière-grand-père est un As de l’aviation.




Comme tous les héros, le personnage n’est pas lisse et présente deux faces.


À la fois courageux et lâche. Amoureux et désespéré. Aventurier et gratte-papier. Cavalier puis aviateur dans l’armée. Il fut un soldat, victime de la Première Guerre mondiale, un lieutenant pilote, actif lors d’une époque qui lui a permis de mourir en héros.

Un as !

Lorsqu’il s’est marié le 8 mai 1913 à Chambéry, il était chef de bureau au Comptoir national d’escompte de Paris (CNEP) à Grenoble. Mais, n’allons pas installer ce jeune homme séduisant dans l'existence banale d’un employé de banque, sa vie fut brève mais intense.

Marie lui écrit le 14 mai 1914 : « Comme notre vie va être courte, ils fuient si vite les jours de bonheur. » Incroyable pressentiment, pourquoi a-t-elle pensé cela ? Elle venait de donner naissance à un beau garçon, au printemps le pays était encore en paix. Leur merveilleuse lune de miel a perdu ses couleurs dans la poussière de la guerre, de la maladie et du désespoir.

Le petit Paul, est né le 8 mai 1914, exactement un an après leur mariage, tel un cadeau, deux jours après l'anniversaire des 26 ans du jeune papa. 


Deux ans plus tard, la femme de sa vie allait le quitter pour rejoindre les bras de la maladie qui devait la livrer à la mort. Amoureux à jamais inconsolable, il l’a suivi sans se retourner.

Ils ont laissé un fils, si jeune imprégné de tristesse du destin, relevant la tête, mais marchant péniblement le long de ses parcours brisés.

L’ombre de la mort ne peut éteindre ce couple, marqué par la lumière des printemps où l’on se rappelle sa naissance et celle de son fils, leur mariage et leurs décès. C'est en silence que ses petits-fils fleurissent leur tombe à Chambéry. Nous dormons dans les draps qu’ils n’ont pas usés, nous mangeons dans leur vaisselle qu’ils n’ont pas ébréchée, sur d'impeccables nappes brodées (par Marie ?) à leurs initiales juxtaposées.  

 


 

 Le 1er août 1914,

Les hommes sont rappelés à la suite de la mobilisation générale. Antoine rejoint le 13ème régiment de Chasseurs à cheval. La vie militaire ne doit pas être un mauvais souvenir. En 1906, à l’âge de 18 ans, il a devancé l’appel ; cela a dû lui plaire, car il a effectué six années de service dans la cavalerie. Il sait parler aux chevaux, le 20 mai 1908, il reçoit des félicitations pour avoir maîtrisé un cheval emporté. Il a aussi l’occasion de pratiquer l’escrime et il est bon nageur.

Mais cette fois-ci, on ne joue plus, c’est la guerre, alors Antoine, le cœur serré, doit quitter sa jeune famille. Il rejoint son régiment à Valence.

Dix jours plus tard, il propose à Marie de venir le retrouver pour quelques jours à Lyon.


Les lettres qu’ils échangeaient devaient être beaucoup trop intimes, il n’a pas voulu les conserver. On ne peut qu’imaginer, les déclarations enflammées, les confidences brûlantes, les souvenirs chaleureux de ce couple amoureux.

 


Le 26 septembre 1915, en effectuant une reconnaissance, il est blessé à la cuisse par un éclat d’obus. Cela lui vaut une citation à l’ordre de l’armée. Espérons qu’il a passé sa convalescence chez eux à Grenoble ou plus probablement à Chambéry auprès de leurs familles. Antoine, Marie et le petit Paul ont partagé si peu de temps tous les trois ensemble, cela doit se compter en jours pour l’année 1915, trois mois en 1914.

En janvier 1916, de retour sur le front, il est nommé lieutenant au 13ème chasseurs.


Un valeureux pilote

Antoine est un jeune homme moderne, lorsqu’il apprend qu’il a l’opportunité de suivre une formation, il se montre intéressé par les progrès de l’aviation. Il accomplit un stage au sein de l’école militaire d’aviation du Crotoy. Marie le rejoint pendant trois mois. Elle passe les journées à attendre son héros, il effectue des trajets de plus en plus longs. Le soir, il lui raconte ses vols au-dessus de la baie de Somme, au-dessus des ruines des champs de bataille, au-dessus des villages bombardés, au-dessus des nuages. Puisqu’il est bien classé, il se présente rapidement à l’examen final. Le 24 août 1916, son épouse est fière d’assister à la remise du brevet d’aviateur. Mais elle se montre sûrement inquiète à l’idée qu’il parte combattre sur le front comme pilote à l’escadrille n° 27.

Marie tousse. Marie ne guérit pas des suites de la pleurésie dont elle souffre depuis l’an passé ; plus légère qu’une plume, elle ne réussit pas à reprendre des forces. Elle voudrait Antoine auprès d’elle. Antoine obtient quelques jours de permission, pour la voir si faible qu’il en est désespéré.


Entre le 10 mars et le 26 avril 1917, les lettres, adressées à Antoine par Marie, et par sa sœur Fanny lorsqu’elle est trop fatiguée, donnent à suivre le déclin de Marie.

Elle s’éteint le 26 avril 1917.


Souvenirs de Marie, ses cheveux dans le médaillon

Le 5 mai, le jeune homme éploré écrit : «Mes Biens chers Parents : 

 … Toujours de plus en plus désespéré. Je n’ai de goût à rien, je suis désorienté je ne puis m’habituer à mon affreux malheur. Je sens bien que si le Bon Dieu n’a pas pitié de moi en nous réunissant, il n’y a plus une minute de joie ici-bas.  […] 

Un nouveau deuil vent de frapper encore notre pauvre escadrille. J’arrivais sur le terrain pour voir un de mes camarades se tuer. C’est un lieutenant marié. Si je pouvais être à sa place, moi qui n’est [sic] plus rien. »

Il dit encore : « Prenez bien soin de mon pauvre Petit, apprenez lui à prier pour sa chère Petite Maman. […] »

Son anniversaire est le lendemain, il a 29 ans, et son fils Paul va avoir trois ans dans trois jours.


Il prend des risques de plus en plus importants. Il "a exécuté des croisières de chasse poussées loin dans les lignes ennemies, rentrant à plusieurs reprises avec un avion atteint par les projectiles."

Le 16 juin 1917, "au cours d'un combat qu'il avait engagé avec son énergie accoutumée", son avion est atteint par des tirs ennemis. Il réussit à se poser, il descend et se couche sous l’appareil pour mourir.


D’autres billets sont en cours d’écriture pour raconter Antoine, 

un grand-père séduisant comme l’as de cœur :

Antoine, un As de l’aviation

Marie, jeune épouse dans son nouveau foyer

S’envoler (Au revoir là-haut)

Détruire les lettres 

Un télégramme redouté

De l'autre côté des combats 

La mort ou la vie


2021-12-11

Constance et Urbain

Constance,
mémoire prodigieuse, récite pour moi
la fable du loup et de l’agneau,
les histoires de loup, le Grand Bois.

Urbain
nait dans un hameau qui porte son nom, Fauriat.
Peu de gens s’en souviennent. De leur maison natale,
ne restent que quelques pierres.

Elle
Allait-elle rendre visite à ses sœurs
à pied par les chemins de la montagne, en voiture à cheval, en car ?

Lui
Cultivateur, comme les hommes de là-haut
Ses frères lui donnent la main pour
couper les arbres, entretenir ses forêts.

Elle
capable de vendre le bois, de discuter avec les hommes.

Lui
part à la Grande Guerre.
Son frère, son beau-frère tombent. Leurs cousins tombent, leurs amis, leurs voisins …

Elle
ne pas perdre la tête, garder 
confiance, sinon c’est à devenir folle.

Lui
décide d’acheter une maison au village,
installe sa famille là-haut, vie plus facile.
Les garçons vont à l’école.

Elle
accompagne ses enfants à la ville.
Ses garçons, espoir d’avenir, vont étudier.
Sa fille, elle oublie de l’envoyer à l’école.

Lui
de la guerre revient, gazé.
Meurt peu après. Jeune encore.

Elle
Veuve, trois enfants,
un village où souffle la burle, les congères en hiver.

Lui
petit, fier, austère
comme son pays, la Haute-Loire.

Elle
Grande, forte, belle femme.

Lui
moustache, signature fine.

Elle
Quand je me regarde dans un miroir
je vois son visage
(ça me fait un peu peur !)

Lui
Il ne reste qu’un portrait, tenue de militaire.

Elle
ses draps brodés de leurs initiales MF
dans lesquels je vais dormir.




Voir aussi :  

2021-05-21

Toinette Daurolles

Proposé par Geneatech, le généathème du mois de mai nous invite à parler des mariages successifs. 

Dans le billet précédent, vous avez été émus par la noce de Louise ; maintenant, allons voir les deux mariages du côté de sa mère.

 


Antoinette et André

Antoinette est-elle belle ? Est-elle riche ? Dame Anthoinette Daurolles posséde sans doute ces deux qualités et bien d’autres.


Eglise St-Pierre St-Saturnin à Lyon

La voici ce vendredi 10 janvier 1670, admirez-la, elle est rayonnante, elle porte admirablement ses 38 ans. Elle sort de l’église Saint-Pierre, au bras de son nouvel époux. Elle doit le trouver jeune, en effet André Vermant a 25 ans. C’est un beau parti, un avenir plein de promesses s’ouvre devant lui. Il débute comme commis au greffe. Ensuite, il exerce comme premier Huissier Audiancier aux Gabelles du Lyonnois,  en juin 1688. Il contrôle aussi les faussaires pour la police des arts et métiers de Lyon.*

Après la bénédiction nuptiale, les témoins vont signer le registre.


Voyez encore leurs signatures l'année suivante, lorsque Toinette est la marraine de son petit-fils : 

Vermant prend son temps pour étaler un paraphe qui n’en finit pas de s’enrouler sur le A de son prénom. 


Antoinette s’applique à attacher les lettres Toinette Daurolles avec une écriture soignée, appuyée, régulière, féminine, élégante.

 

Toinette a pour témoin son gendre, sieur Louis Blanchet, maître peintre (sosa 2850).


Louis aurait presque le même âge que sa belle-mère; s’il est né en 1633 à Paris, elle doit avoir à peine un an de plus que lui. 

 

Revenons dix-sept mois auparavant, lorsqu'il est entré dans la famille.

Toinette et Damien Balley (sosas 5702 et 5703) préparent le mariage de leur fille unique, Louyse Balley, qui va être célébré le 26 juillet 1668. 

Comment ont-ils pu donner si précocemment leur jeune Louyse ? La damoiselle n’a même pas accompli ses 14 ans, Louis Blanchet est aagé de 35. Bien sûr, il est déjà un peintre reconnu, il travaille avec son frère pour des commandes importantes comme celle de l’Hôtel de Ville de Lyon où travaille la famille Daurolles. Louis reste dans l’ombre de Thomas dont il n’a pas le talent. Les deux frères semblent bien s’entendre, on les retrouve souvent associés ; en tout cas, la solidarité familiale joue pour eux.

Je n'ai pu m'empêcher de considérer Antoinette Daurolles comme une mère indigne. Qu'en pensez-vous ? Le 9 juillet 1668, elle enterre son mari Damyen Balley. Le 26 du même mois, elle marie sa fille Louyse. Alors, le premier août, s’est-elle souvenue qu’elle lui donna naissance quatorze ans plus tôt ?

 

Louise

Louise n’a pas pu s’opposer à ses parents qui avaient décidé son mariage. Elle avait alors treize ans, elle allait épouser un homme, peut-être gentil, mais qui avait l’âge de sa mère.


Damien avait expliqué à sa fille qu’Antoinette avait seize ans lorsqu’elle lui a dit oui, le 17 juin 1649. 

Damien Baley et Antoinette Daurolles, 1649.


- Mais mon père, c'est différent, tu lui plaisais, tu avais 19 ans ! 

- C’est vrai, nous étions bien jeunes. Je travaillais comme marchand à la Coste Saint-Sébastien. Mon père m’avait associé à son négoce et donné une maison à l’occasion de notre contrat de mariage. J’ai été un bon fils et je lui obéissais.

 Sache que c’est pour garantir ton avenir que, ta mère et moi, avons décidé ton mariage.

 

2021-05-08

Louise va encore grandir

Proposé par Geneatech, le généathème du mois de mai nous invite à parler des mariages successifs. 




Louise et Louis 1688

Le 26 juillet 1668, à Lyon dans cette église, la jeune Louise épouse Louis Blanchet. La voici avec un mari ayant l’âge de sa mère !


Par respect pour cet homme qui est notre ancêtre, je ne dirais pas de mal de Louis (sosa 2850). Il était peintre ordinaire de la ville de Lyon, comme son admirable frère, Thomas Blanchet que j’aime tant vous raconter. Mais tout de même, quelle discordance : Louis vieux de 36 ans tandis que Louise n’avait même pas atteint ses 14 ans. Elle allait les fêter la semaine suivante, le premier août, (si tant est que l’on marque précisément la date d’anniversaire en 1668). De surcroît, le chagrin d’avoir enterré son père cinq jours auparavant a certainement attristé cette cérémonie de mariage.


J’ai pu penser que Louis avait laissé à sa jeune femme du temps pour grandir, leur fille Marie (sosa 1425) étant née en 1673, après cinq ans de mariage. Cela m’a rassurée, jusqu’à ce que j’ajoute leur petit Thomas Blanchet, baptisé le dernier jour de l’année 1671, il porte le nom de son célèbre parrain et grand-oncle.

Et voilà que l’on m’annonce la naissance de Marianne onze mois auparavant, le 31 janvier de cette même année 1671. Le baptême de cette enfant a réuni du beau monde, des peintres et sculpteurs de la ville de Lyon, amis des deux frères Louis et Thomas Blanchet. J’ai rencontré ces artistes à la sortie de la cérémonie et je le raconte dans ce récit : l’ami Mimerel.

Ayons une pensée pour la jeune mère, Louise âgée de 16 ans et demi, qui devait se reposer, elle n’a pas assisté à la fête.



Louise et Louis ont vécu sept ans ensemble, Louis est mort en décembre 1675.

Louise est devenue veuve, son entourage et sans doute le frère de Louis se sont occupés de la présenter à un homme choisi parmi leurs relations.


Louise et Paul 1677

Le 19 janvier 1677, en épousant sa belle-sœur, Paul entre dans la famille de Thomas Blanchet, peintre de premier ordre renommé et apprécié dans la ville.

Paul Bertaud a 30 ans, il occupe la fonction de voyer pour la ville de Lyon. L’alliance paraît avantageuse pour chacun d’eux. Louise a 22 ans, elle est mère d’une fillette de quatre ans. J’imagine la petite Marie courant dans les jardins de l’Hôtel de Ville de Lyon, entre l’atelier de son oncle et l’appartement de son nouveau beau-père ; elle était heureuse dans cette famille.

Louise et Paul ont ensemble six enfants. Louise est présente lors du baptême de ses nombreux petits enfants, sur les registres elle marque sa signature. 

Louise acquiert un statut social qui devient intéressant, elle sera notamment la mère de Claude Bertaud, qui succède à son père comme voyer et architecte dont l’ambition reste contestable, puisqu’on le considère comme un arriviste, mais avec une réussite qui a laissé des traces dans notre ville. 

Louise a une très longue vie, elle décède dans sa 82e année, après 25 ans de veuvage puisque Paul est mort en 1711, dans leur appartement dans l’Hôtel de Ville.


Prochainement sur le même généathème : la maman de Louise.