Affichage des articles dont le libellé est Vivarais-Velay FM. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Vivarais-Velay FM. Afficher tous les articles

2023-08-23

Les rabots de Jean

 

Jean est mon grand-oncle, son nom est gravé sur trois des treize rabots que nous avons conservés depuis plus d’un siècle.  


Je les ai rangés dans un carton, mais je retarde le moment de les porter au grenier où l’on risque de les oublier. J’aimerais écrire ce billet dans l’espoir que, plus tard, leur histoire ne soit pas perdue.



Ce carton contient divers rabots de charron : des rabots ordinaires, des rabots de corroyage, des rabots de moulurage dont je découvre les jolis noms : guillaumes, mouchettes, bouvets, varlopes...


Tous sont constitués d'un corps en bois dans lequel est insérée une lame de fer tranchant.

Pour décrire les parties d'un rabot, on parle du nez, des joues, des oreilles, du talon en arrière et de la semelle pour la face inférieure. 

Celui-ci est estampillé « 38 Goldenberg fruitier » avec le numéro 42. 

L’œil représente une marque de la qualité du fer.

L’étiquette n’a pas été entièrement décollée. 

Ce morceau de papier rouge, je le trouve émouvant, il me dit que Jean a utilisé cet outil tellement peu de temps.


Cette varlope mesure 50 cm. Sa poignée est percée d’un élégant passage ovale où se glissent les quatre doigts de la main droite qui conduit l’outil.

Voici un joli petit rabot de carrossier, nommé Guillaume.


Voici un Bouvet, utilisé pour faire des rainures.


J’essaye de me documenter sur les outils du charron, cela ne m’étonnerait pas que dans l’atelier de mon père s’en cachent d’autres dont je ne sais identifier ni leur premier propriétaire ni leur usage. Il faudrait que j’explore les recoins du garage où je pourrais trouver des ciseaux à bois, des gouges à dégrossir, des tarières pour creuser des trous... Pour ceux que je vous présente ici, j’apprécie cette chance que le nom et le prénom du propriétaire soient gravés sur le bois !  



Famille Fauriat

Parmi les six garçons de cette fratrie, les benjamins, Jean et Paul apparaissent très liés. Ils ont partagé leurs outils, ils étaient charrons, et copains comme deux larrons.

Inventeurs intrépides, ils construisaient des engins roulants dans lesquels ils dévalaient les pentes de leurs prés à Gambonnet, depuis le lieu-dit Fauriat, nommé de leur patronyme.

Paul était menuisier en voitures en 1914. Il avait alors 27 ans. Il habitait 86 boulevard de Grenelle à Paris 15e, il est mort le 25 juin de cette année-là, à l’Hôpital Laennec, 42 Rue de Sèvres. Paris 7e. Il a eu la chance de ne pas connaître la Grande Guerre. Réformé pour faiblesse générale et bronchites fréquentes, il n’a pas effectué son service militaire, mais cela aurait-il été une raison pour échapper à l’ordre de mobilisation quelques semaines plus tard ?

Paul possédait un compte au Crédit Lyonnais, à l’agence AX à Paris, s’élevant à 4287 francs. Voilà à peu près tout ce que je sais de lui.

Jean a quitté le domaine familial, en laissant l’exploitation des terres et des bois à Urbain son frère aîné, mon grand-père. Il a appris le métier de charron, carrossier, menuisier en voitures, j’ai retrouvé ses différentes adresses qu’il partageait avec Paul, à Romans-sur-Isère, à Valence, à Lyon et à Paris.    

Le 1er avril 1916, il tombe « tué à l’ennemi, côte 425, à Steinbach en Haute-Alsace ». Il avait 31 ans. Son nom, Jean Fauriat, ainsi que celui d'Urbain, est inscrit sur le monument aux morts de la guerre 1914-1918, à Saint-Bonnet-le-Froid.


Les charrons exercent un métier très apprécié, ce sont eux qui fabriquent et réparent les roues des chars et les charrettes, indispensables à tous. Ils utilisent deux types de matériaux : le bois et le fer. Cela fait de ces hommes tout à la fois des menuisiers, des charpentiers, des forgerons, des maréchaux ferrants, et plus tard des carrossiers lorsqu’ils commenceront à concevoir les véhicules à moteur.  

Au début du XXe siècle, les premières voitures causent un superbe effet, elles éblouissent par leur vitesse, par leur design et le luxe de leur équipement en fer, en bois, et en cuir. Paul était menuisier en voitures, sans doute Jean travaillait avec lui.

Le parcours de ces outils

Certains semblent comme neufs, l’un d’entre eux garde encore son étiquette.

Mon grand-père Urbain a dû les récupérer après le décès de son frère en 1916. Lui aussi a participé à la guerre, il a été gazé ; après des mois de pénible maladie, il est mort en 1921.

Il a installé Constance sa femme et leurs trois enfants, pour une vie plus facile, dans le bourg où il a acheté une ferme afin qu’ils aillent à l’école.

Par chance, ces outils ont été conservés par ma grand-mère maternelle au cours de ses déménagements successifs.

Mon père les a utilisés, il aimait s’occuper de menuiserie. En général, il prenait grand soin de tous les objets.

Lorsque nous avons vendu la maison de mes parents, j’ai gardé ces outils, nous les avons stockés, puis un peu oubliés, rangés dans le garage et on ne les remarquait plus. Ils ont été abîmés par les vers, hélas ! Coupable de les avoir abandonnés, j’essaye maintenant les traiter soigneusement.   

Cela m’a étonnée d’y découvrir le nom de Jean Fauriat, cette inscription leur donnait une valeur familiale. J’ai voulu raconter la courte vie de deux grands-oncles : Auguste « Jean » Baptiste (1884-1916) et « Paul » Auguste Eugène (1887-1914).

Voir aussi :

Autour de Constance

Grande Guerre (leur maison abandonnée)

Les yeux gris (ceux de Régis, un autre frère) 


2022-01-29

Les yeux gris

 


Ouvrir les yeux et regarder notre généalogie pour chercher des aveugles, voilà la proposition de Geneatech pour le généathème ce mois-ci.

 


J’ai pensé fermer les yeux et passer mon tour. Si les individus de mes forêts étaient malvoyants, je l’ignore. Bien sûr, je sais que la vue baisse avec l’âge et que ceux qui déclarent ne pas savoir signer cachent ainsi une vue défaillante. Cela m’attriste de les imaginer sans lunettes, incapables de travailler, de lire, de manier les outils, de vaquer aux occupations quotidiennes. Je plains les grand-mères, assises au coin du feu, ne pouvant plus cuisiner, inaptes à coudre, à faire de la dentelle. Il ne leur reste qu’à pleurer, si leurs yeux ne sont pas trop secs.


Cette réalité me paraît terriblement triste, je ne souhaite pas me trouver dans cette situation, sans les lunettes que j’ai la chance de porter. J’ose espérer que, dans le meilleur des cas, les anciens acceptaient la vieillesse avec une paisible résignation, telles de sages personnes ayant vécu de longues années, entourées de leurs descendants affectueux et attentifs.

 

 

Régis, le frère de mon grand-père.

Régis vivait dans ce charmant lieu-dit Gambonnet, entre Haute-Loire et Ardèche, il travaillait dans les prés et les bois de nos aïeux.



Régis a les yeux gris. 

Comme les hommes de sa famille, c'est un petit homme fier et robuste. il est arrivé à la quatrième place dans la fratrie. Paul et Jean, les deux cadets ont envie voir la ville, de tenter l'aventure, ce sont des constructeurs d'engins audacieux. Lui, il préfère vivre dans la montagne; plus calme, plus raisonnable, il demeure avec sa mère et ses deux frères aînés dans la belle maison ancienne.

Lorsqu’il est appelé avec la classe 1900, on peut craindre qu’il participe quatorze ans plus tard à la Grande-Guerre dont nous savons qu’un seul de ses frères va revenir sain et sauf.

Numéro 1 au tirage, il est jugé bon pour l'armée, puis dispensé parce qu’il a « un de ses frères au service ». En effet, Xavier qui a deux ans de plus que lui se trouve au 152e régiment d’infanterie, en 1900.

Le sursis, qui lui permet de rester auprès de sa mère, ne dure qu’un an. Le 14 novembre 1901, il arrive au 16e régiment d’artillerie pour être canonnier conducteur. Il explique que sa vue n’est pas très bonne. En employant des mots que Xavier ne connaît pas, comme rétinite et amblyopie, le médecin militaire diagnostique des pathologies de la vision. Six mois plus tard, il est soulagé d’être réformé. Cependant, ce pronostic devrait l’inquiéter. Constatant l’amblyopie, il sait que l’un de ses yeux voit moins bien que l’autre, mais la rétinite paraît plus grave. A-t-il conscience que cette maladie génétique, qui cause la cécité, reste incurable ?

 

Selon mon regard, l’avenir s'annonce bien sombre pour le jeune homme qui risque de devenir aveugle, s’il n’est pas engagé, voire blessé ou tué lors de la Grande Guerre.

 

Les affreuses prédictions ne se sont pas réalisées. 

Régis est mort chez lui, sans atteindre ses 30 ans, le dimanche 13 février 1910 à 3 heures dans la nuit.

Le matin, Urbain, mon grand-père monte seul jusqu’au village de Saint-Bonnet-le-Froid, à 1150 m d’altitude. Il marche longtemps faisant craquer le givre et peut-être la neige d’un matin d’hiver à la montagne. Il essuie ses larmes, de froid et de chagrin. Il ressent la fatigue, il a si peu, si mal dormi. Il ne s’arrête pas pour voir ses arbres dans la forêt. Il continue. 

Les sapins d'Urbain

La journée sera longue, douloureuse. C’est lui l’aîné, il a 33 ans, il doit assurer l’organisation des funérailles. Comment prévenir les plus jeunes frères, Jean et Paul ? Sont-ils à Valence, ou à Lyon ? Auront-ils le temps de venir pour l’enterrement ?

Il passe chez Firmin qui a l’habitude de jouer le rôle de témoin dans ces circonstances, il lui demande de l’accompagner à la mairie pour déclarer le décès de son frère. Il est 10 heures du matin. Il faut déranger le maire qui déteste ouvrir ce registre.

Urbain rencontre le curé à la sortie de la messe. Il annonce la triste nouvelle aux paroissiens qui lui présentent leurs condoléances; ce sera, ce jour-là, le sujet de discussion dans les familles et au café.



Aura-t-il le courage d’aller faire part du décès de Régis à ceux qui ne se trouvent pas rassemblés pour bavarder sur la place du village ce dimanche matin ? Il entre à l'auberge ou peut-être chez des connaissances, il accepte un verre de vin, un bout de pain avec du saucisson, un café chaud. Urbain sait que son frère et leurs cousins doivent les entourer. Il dit aux amis qu’il doit reprendre le chemin à travers les bois, pour être aux côtés de sa sœur Mariette qui veille leur pauvre Régis. Chez eux, c’est le premier décès depuis celui de leur mère, cinq ans auparavant, il se réjouit que Christine n’ait enterré aucun de ses enfants.

Je sais que seuls Mariette et Xavier seront en vie longtemps pour pleurer leurs frères, tombés les uns après les autres en 1914-1916-1921. Comme il doit être difficile de continuer de vivre lorsqu'on a tant de larmes dans les yeux.


Voir aussi :

Autour de Constance

Grande Guerre

Les rabots de Jean

 

 P.s. Ouvrons les yeux : Urbain a donné le prénom de Régis à son fils, né quatre ans plus tard. 

2021-12-11

Constance et Urbain

Constance,
mémoire prodigieuse, récite pour moi
la fable du loup et de l’agneau,
les histoires de loup, le Grand Bois.

Urbain
nait dans un hameau qui porte son nom, Fauriat.
Peu de gens s’en souviennent. De leur maison natale,
ne restent que quelques pierres.

Elle
Allait-elle rendre visite à ses sœurs
à pied par les chemins de la montagne, en voiture à cheval, en car ?

Lui
Cultivateur, comme les hommes de là-haut
Ses frères lui donnent la main pour
couper les arbres, entretenir ses forêts.

Elle
capable de vendre le bois, de discuter avec les hommes.

Lui
part à la Grande Guerre.
Son frère, son beau-frère tombent. Leurs cousins tombent, leurs amis, leurs voisins …

Elle
ne pas perdre la tête, garder 
confiance, sinon c’est à devenir folle.

Lui
décide d’acheter une maison au village,
installe sa famille là-haut, vie plus facile.
Les garçons vont à l’école.

Elle
accompagne ses enfants à la ville.
Ses garçons, espoir d’avenir, vont étudier.
Sa fille, elle oublie de l’envoyer à l’école.

Lui
de la guerre revient, gazé.
Meurt peu après. Jeune encore.

Elle
Veuve, trois enfants,
un village où souffle la burle, les congères en hiver.

Lui
petit, fier, austère
comme son pays, la Haute-Loire.

Elle
Grande, forte, belle femme.

Lui
moustache, signature fine.

Elle
Quand je me regarde dans un miroir
je vois son visage
(ça me fait un peu peur !)

Lui
Il ne reste qu’un portrait, tenue de militaire.

Elle
ses draps brodés de leurs initiales MF
dans lesquels je vais dormir.




Voir aussi :  

2021-11-30

Z _ de A à Z

 


Ce ChallengeAZ  2021 m’a conduit à partir en excursion, à la rencontre de mes ancêtres, en Vivarais – Velay. Ce voyage a été réalisé cet été, et je l’ai revisité avec plaisir tout au long de ce mois de novembre, grâce à ce marathon d’écriture.

Depuis longtemps, je collectionnais ces personnages dans deux forêts distinctes.  J’en ai choisi 11 pour chaque forêt.

Mes ancêtres du côté maternel habitaient l’Ardèche du Nord.


Vue depuis Saint-Bonnet-le-Froid


Mes ancêtres du côté paternel habitaient l’Ardèche du Sud.


Vue depuis le Mont-Gerbier-des-Joncs sur le Vivarais


Toutes ces branches font remonter vers leurs ascendants en Haute-Loire.


Vue depuis le Mont-Gerbier-des-Joncs sur le Velay



Je n’aurais sûrement pas écrit la plupart de ces histoires, si je n’avais pas choisi ce thème pour ma sixième participation au ChallengeAZ. Plusieurs de ces textes quelque peu délicats à écrire m’ont fait hésiter à les partager. Soit le sujet me semblait mineur, soit trop personnel, ou pas suffisamment sourcé. Mais, il fallait bien assurer de réciter tout l’alphabet !

Finalement, que de surprises j’ai eues en voyant les réactions de mes lecteurs ! Mes billets font actuellement l’objet de 200 à 300 vues, mais le F et Q font exploser les statistiques (17 522 pages vues pour le mois de novembre). Un grand merci à tous !

Et j’espère bien que vous allez continuer à lire et à commenter de A à Z.




Au clic pour lire les articles avec ce lien sur le site Canva :

 https://www.canva.com/design/DAEvzQtYeZs/view

Ou bien sur ce design, si vous acceptez les cookies de Canva, vous pourrez cliquer sur sur chaque touche pour accéder aux billets de A à Z 


ChallengeAZ 2021 par Briqueloup




2021-11-26

W _ Where, où vivaient-ils ?


Mes ancêtres en Vivarais - Velay constituent deux branches distinctes :

celle de tous les ascendants de ma mère et celle des ascendants de ma grand-mère paternelle.

En effet, mon père a choisi une femme ardéchoise petite et jolie qui lui rappelait sa grand-mère préférée.




Les lieux où ces forêts généalogiques se déploient sont très cohérents géographiquement. Pour se marier, les hommes se sont déplacés dans des villages voisins.


carte des migrations _ Généatique


Le Vivarais correspond au département de l’Ardèche.

Le Velay était autrefois dans la province du Languedoc, c’est le département de la Haute-Loire.


Le Velay  du XVe au XVIIe siècle

Nos ancêtres étaient établis sur la frontière entre ces départements actuels, à cheval sur la ligne du partage des eaux. À l’est, les ruisseaux se jettent dans des rivières qui rejoignent le Rhône, puis la Méditerranée. Le plus important et le plus beau de ces cours d’eau, c’est l’Ardèche.


L'Ardèche près de sa source


À l’ouest, les rivières sont des affluents de la Loire qui coule vers l’Atlantique. La Loire prend sa source au Mont Gerbier-des-Joncs. Non loin de là, vivaient quelques ancêtres que j'ai repérés, j'en ajouterai d'autres sans doute. 


Mont-Gerbier-de-Jonc


Mon logiciel Généatique 2022 permet de visualiser les lieux avec l’export sur Google Earth. On retrouve les villages des personnes citées dans les billets de ce mois-ci. 




Voir aussi ce billet du ChallengeAZ 2020:

Where, d'où viennent mes ancêtres provençaux ?


2021-11-20

R _ Rubanière

 

Jeanne range ses fils aux couleurs chatoyantes comme ses espoirs, grèges comme ses rêves, noirs comme le deuil. Elle ne tissera plus les beaux rubans qui allaient orner les chapeaux, les robes, et les costumes des élégants.

Le 7 octobre, elle s’est rendue, avec sa mère et ses frères, chez le notaire Abrial à Riotord (43), pour dresser son contrat de mariage. Elle ne sait pas signer, mais elle sait compter ce que lui ont rapporté ses rubans, elle a constitué un petit pécule personnel dont elle est fière.

La semaine prochaine, mardi 16 octobre 1821, elle va célébrer ses noces à Saint-Bonnet-le-Froid. Pourquoi pas dans l'église de Riotord où elle a été baptisée ? L’église date du XIIIe siècle, elle est remarquable par son architecture et ses chapiteaux aux animaux sculptés.


L'église de Riotord, en Haute-Loire.


Comme toute nouvelle mariée, elle va quitter sa mère. Elle était jeune lorsque son père est mort. Ses frères Claude et Jean restent dans le hameau de Villeneuve à Riotord et pourront s’occuper de la maman. Ils viennent de lui donner une partie de sa dot et promettent un total de 3000 francs au futur couple.   

On dit qu’il fait plus froid dans les montagnes de Saint-Bonnet-le-Froid, mais le lieu de Trédos est accueillant comme le lui promet sa nouvelle belle-famille.

En automne, à Trédos.

Jean Pierre Bruas, son futur mari a 28 ans, six ans de plus qu’elle. Sa première femme est morte vingt jours après avoir accouché d'une fille. Jeanne Marie saura être une mère pour la petite Jeanne qui a seize mois. Elle espère bien lui donner des frères et sœurs pour avoir une jolie famille à elle.

 

Jeanne Marie suppose qu’elle n’aura plus la possibilité de tisser des galons avec ses doigts agiles, elle aimait bien cette activité qui lui apportait un peu d’argent. Mais il semble que les commis de rubans ne passent pas à Saint-Bonnet, ils restent sur les confins de la Loire et de la Haute-Loire. Ce sont eux qui servent d’intermédiaire entre le tyssotier et la grosse maison de Saint-Etienne qui fournit les fils de soie ou de lin ainsi que les cartons de modèles.


J’aimerais tant voir des modèles rubans que tissait Jeanne Marie. Que faisait-elle ? Des rubans unis, brochés, de velours ? Des rubans pour les vêtements, des rubans pour l’ameublement ? 

Possédait-elle une passette à rubans, comme celles-ci, utilisées dans le Velay au début du XIXe siècle ? Ce petit outil était utilisé par les femmes pour tisser leurs propres rubans, bien sûr il ne servait pas à une production textile vendue à des leveurs pour Saint-Etienne. Ces rares pièces de bois sculptées sont admirables; il parait qu'elles pouvaient être offertes en cadeau de fiançailles. Vos aïeules en ont-elles conservé ? 


Images du site Drouot, montage avec Canvas



Si vous avez des photos d’ouvrages fabriqués au début du XIXe siècle dans la région de Saint-Etienne, montrez le-moi !


Jeanne Marie Riboulon est ma trisaïeule (sosa 30). Ce récit se passait à l’automne 1821, il y a exactement 200 ans.

 

Bibliographie

Bertrand A. J. C. L’industrie du ruban en Haute-Loire. In: Les Études rhodaniennes, vol. 10, n°1-2, 1934. pp. 89-90. www.persee.fr/doc/geoca_1164-6268_1934_num_10_1_1525


2021-11-19

Q _ Qui est la cousine Adèle ?



Nous allions lui rendre visite dans son appartement désuet. Adèle Roujol habitait boulevard de la République, à Annonay. Je me souviens des bibelots disposés sur une étagère. Un jour, elle m’a offert deux petits sabots en porcelaine décorée, j’ai aimé ce cadeau fragile. Mais, où l’ai-je donc rangé ? *



La cousine Adèle était isolée, je crois que son frère ou sa sœur vivaient à Avignon.

Sexagénaire, elle est partie en maison de retraite à La Voulte-sur-Rhône. Nous avons confié à une cousine le soin d’aller lui rendre visite. Nous ne l’avons plus revue, peut-être une fois. Elle est décédée le 12 mars 1968, à l’âge de 74 ans.


Je me suis longtemps demandé qui était cette cousine Adèle. Et puis, j’ai eu des indices pour mener l’enquête.

J’ai trouvé son acte de naissance, à Saint-Julien-Vocance, le 6 août 1893.


Dans la famille, on ne voyait pas d’un bon œil le mariage de ses parents. Il semble que Jean, son père ait ruiné la famille de son épouse. À cause de lui, il aurait fallu vendre des propriétés en Haute-Loire.



J’ai renoué un lien avec des cousins perdus de vue depuis deux générations. Ils ont ouvert des albums photos en nous racontant notre famille. Je retrouve Adèle, qu'ils ne connaissaient pas, sur une scène de groupe inespérée qui a dû être prise en 1894.



 Regardez, c’est l’enfant dans les bras de sa mère ! 




Marie Judith Joséphine Bruas a vingt-deux ans, elle serait jolie si elle souriait. Elle porte Adèle de manière à la mettre en valeur sur la photo, elle a pris la précaution de lui donner dans la bouche une sucette attachée par une cordelette, pour qu’elle ne pleure pas. Elle l’a habillée d’une superbe robe en dentelle avec des smoks en haut de la jupe et aux poignets des manches bouffantes. Elle l’a coiffée d’un bonnet en dentelle.

Marie, l'élégante laisse dépasser de son col une croix avec une chaîne en or. Elle a revêtu un caraco bien ajusté, avec des parements et les bords des poignets incrustés de dentelle. Elle ne porte plus de coiffe, ses cheveux sont tirés et retenus par un chignon serré derrière la tête. La frange effilée et coupée court doit être à la mode, car ses jeunes sœurs montrent sur leur front une petite frange semblable. Sa mère a conservé l’ancienne coutume, sa coiffe tuyautée est posée un peu en arrière, pour que ses cheveux dépassent légèrement, ce qui passait pour être audacieux dans sa jeunesse, lorsque les coiffes ne laissaient voir aucune mèche de cheveux.




Jean Roujol a douze ans de plus que Marie, mais il paraît encore jeune. Lui non plus ne sourit pas. Pièce rapportée dans la famille, il semble plutôt en retrait avec son air pincé. Son épouse a lavé et soigneusement repassé sa chemise blanche. Il a noué pour l’occasion un nœud papillon en satin noir sur son col. Il porte peut-être son costume de mariage qu’il n’a pas usé, car il l’a étrenné il y a moins de deux ans.

Le couple des grands-parents d’Adèle est assis au centre de la scène, Pierre et Philomène sont entourés de leurs huit enfants.


A présent, je suis contente de savoir qu’Adèle était une cousine issue de germain de ma mère, une arrière-petite-fille de Jeanne Marie Riboulon (sosa 63) une rubanière qui sera à l’honneur dans le billet suivant.


Pour faire connaissance avec notre aïeule commune qui était rubanière : 
* Deux ans après avoir rédigé ce billet, j'ai retrouvé les petits sabots de porcelaine, soigneusement rangés. Trop rangés !
Faites des cadeaux aux petites filles, si elles sont soigneuses, et si elles s'intéressent à l'histoire de la familles, elles vous seront reconnaissantes longtemps.  
Adèle n'imaginait pas qu'elle allait m'inspirer ce récit. 


2021-11-18

P _ Parents de la Petite dernière

 

L’attendait-on, cette petite dernière ? Comment fut-elle accueillie ? Pourquoi n’est-elle pas enregistrée sur l’état-civil de Saint-Bonnet ?



Une chose curieuse, la naissance de Christine n’apparaît pas dans le registre de l’état civil de Saint-Bonnet-le-Froid. Son acte de mariage précise « demeurant à Saint-Bonnet-le-Froid, née au même lieu dans le courant de l’année mil huit cent quarante deux, ainsi qu’il résulte de l’acte de notoriété dressé devant le Juge de Paix de Montfaucon, le dix-sept août mil huit cent soixante trois et homologué par le tribunal civil d’Yssingeaux le vingt-neuf septembre suivant. »

Je ne comprends pas la raison de cet acte de notoriété. J’ai eu beau feuilleter les registres, je n’ai pas trouvé la naissance de Christine Vacher en 1842.

Pourtant sa famille est bien connue et estimée dans le bourg. 

Janeton Perrier a mis au monde neuf enfants entre 1815 et 1842. Tous sont bien identifiés, avec des actes dans les règles.



Lorsque Christine est née, sa mère avait 49 ans et son père 48 ans. Des parents aussi vieux, cela n’est pas banal.

Sa sœur aînée, Marie Agathe âgée de 27 ans était mariée depuis deux ans. 

Jeanne, religieuse à Yssingeaux avait 24 ans. Marie Eulalie, religieuse à Lalouvesc avait 21 ans. 

Quelques années plus tard, ce sont cinq membres de la fratrie engagés dans une voie chrétienne.

Agathe Marie a prononcé ses vœux comme religieuse, au Puy-en-Velay. 

Eulalie, religieuse de Saint-Joseph est appelée Sœur Dorothée (en 1871)

Firmin et Augustin ont exercé comme prêtres. 



La famille Vacher a fait le don d’un vitrail que l’on peut admirer dans l’église de Saint-Bonnet. Il représente Jeanne au bûcher. C’est un prénom valorisé. Qui de la sœur, la tante, la grand-mère ou la mère l’a transmis à Christine Jeanne Marie ?


Mes ancêtres ont offert à la commune de Saint-Bonnet le terrain pour créer le cimetière. C’est là que Christine est enterrée en 1905, avec les siens.


 Entrée du village vue depuis le cimetière dont on voit le mur à gauche

Christine est la grand-mère de ma mère qui aimait beaucoup prononcer le prénom de cette aïeule qu’elle n’a pas connue. J’aurais pu m’appeler Christine.

 

Pour Christine, mon AGM, (sosa 29)

Christine, cristalline comme la rivière qui coule dans le ravin de Gambonnet.

Christine, chrétienne, deux de ses sœurs sont religieuses, deux de ses frères sont prêtres,

Christine, instruite plus que les jeunes filles de son village, sait signer.

Demoiselle Jeanne Marie Christine Vacher, sœur d'Eugène Vacher, maire de Saint-Bonnet.

Dame Christine Vacher, maîtresse de la maison Fauriat, à Gambonnet où elle a vécu vingt-six années.