Marie 1913 |
Elle pose
son cabas, soupire en voyant le désordre dans leur nouveau petit nid. Les
meubles ne sont pas tous arrivés, mais l’appartement commence à prendre de la
tournure. Elle a disposé un bouquet de roses parfumées dans le vase qu'on lui a offert, elle l'a placé à côté de quelques bibelots de
valeur. « On
se croirait chez des gens chics. » Le fourneau vient d’être installé.
Elle considère avec satisfaction leurs «quelques
emplettes : deux chaises de cuisine, assiettes, verres, seau et pelles à
charbon, vase de nuit.» Elle veut tout ranger et commencer
l’astiquage.
Elle noue
un tablier et se met à l’ouvrage. Lorsque la table est nettoyée, la vaisselle
lavée, elle prépare le repas, une bonne odeur de légumes se répand dans la
cuisine, elle goûte pour vérifier la cuisson.
« Ma soupe, autant que possible,
je la fais à midi, ainsi je suis débarrassée. J’arrive bien à me retourner,
mais ce n’est pas sans embarras, n’en ayant pas eu tant à faire de ma vie. »
Elle occupe
son après-midi à la couture, elle est en train de confectionner une nappe et
des serviettes qu’elle brode.
Mariée depuis quinze jours, Marie est désireuse
de devenir une parfaite épouse pour tenir leur foyer. Elle sait qu’elle n’a
guère d’expérience, mais elle s’applique. « Je m’en tire gentiment avec l’aide
de mon petit mari qui se multiplie pour m’éviter de la peine. » Cependant, elle souffre d’isolement
dans cette grande ville enserrée dans les montagnes.
Le soir,
elle oublie sa peine lorsqu’elle va attendre son chéri à la sortie du bureau.
Antoine a 25 ans, un an de plus qu’elle, tellement séduisant, il est pourvu de mille qualités : force, beauté, intelligence, il l’entoure de tendresse. Marie fait son possible : « C’est gentil la vie à deux quand chacun a bien à cœur le bonheur de l’autre. » Pourquoi ajoute-t-elle : « Si cela dure ce sera parfait » ? Nous savons que leur bonheur ne va vivre que quelques mois, et puis s'envoler (la guerre, la maladie, la mort…)
Antoine, 1913 |
— Ma
petite Mariette, tu es une épouse merveilleuse. Comme c’est bon de ne plus être
seul à Grenoble !
— Oh !
Moi je me sens bien seulette, tout au long de la journée quand tu n’es pas auprès
de moi. Je me surprends à chanter pour entendre le son de ma voix.
Ce qui me
manque ici ce sont des amis, je ne connais personne. À Chambéry, Maman et Fanny
m’entouraient ainsi que Papa. J’ai commencé une lettre pour eux. Je veux leur
parler d’une machine à coudre qui me serait bien utile pour confectionner des
rideaux chez nous.
— Tu
ne t’ennuies pas au moins ?
— Ce
serait bien que tu obtiennes cette promotion dans la succursale de la banque. Aller
vivre à Annecy nous rapprocherait de nos familles.
— Ah
justement, je viens d’apprendre que ce ne sera pas possible. Il va falloir
t’habituer ici à Grenoble. Ne souhaiterais-tu pas avoir un bel enfant pour te
sentir moins seule ?
— …
Comme c'est émouvant de retrouver la pipe d'Antoine ! |
Les veillées sont un moment agréable, Antoine allume sa pipe en lisant « La Savoie libérale ». Marie se met à écrire une lettre à sa sœur Fanny «Dis à la maman qu’elle conserve les plumes de poules, nos oreillers sont plutôt durs, j’aimerais les rembourrer. » Sa famille lui manque, « J’accepte de bon cœur de t’apporter notre linge à laver, ça c’est mon cauchemar surtout ici où je ne connais personne, pas même ceux qui sont à ma porte. » En attendant le week-end prochain, elle est impatiente de prendre le train pour revenir à Chambéry.
Sources : lettres de Marie à sa famille 1913-1916 |
Marie est l'arrière-grand-mère, (sosa 9)
Des récits pour connaître la vie d’Antoine, séduisant comme l'as de cœur :
Marie, jeune épouse dans son nouveau foyer
S’envoler (Au revoir là-haut)