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2022-11-30

Z_ Zélia et sa correspondance

 

Zélia est l’arrière-grand-tante de l’arrière-grand-mère de mes enfants. Lorsque j’ai eu accès aux archives de sa correspondance, j’ai passé tant de soirées à lire et à étudier ses lettres qu’elle est devenue comme une amie pour moi.


Zélia habite à Lyon depuis son mariage avec Augustin, en 1845, son mari est médecin, il a vécu le double de son âge puisqu'elle a 18 ans. Le couple est heureux, Denis et Gabriel, leurs deux garçons font leur fierté. En 1866, lorsque l’aîné réussit le bac, ils vont tous les quatre déménager à Paris où les fils poursuivent leurs études.

Zélia regrette de ne plus vivre à Lyon. Elle va tenir une correspondance assidue pour garder les liens avec la famille de son mari, jusqu’à sa mort en 1913.


1866, le 21 janvier.



Zélia est installée depuis peu à Paris, la correspondance avec sa belle-sœur Virginie devient régulière.

Elle décrit sa vie parisienne, les différences d’avec celle qu’elle menait à Lyon, les désagréments, mais aussi les promenades, les expositions, les avantages de la capitale où elle a choisi de vivre avec ses fils. Elle renouvelle ses invitations à venir chez elle à Paris.




1870, c’est le siège de Paris depuis le mois de septembre jusqu’en février 1871.

On retrouve des télégrammes, des lettres envoyées par ballon monté. Certaines dépêches télégraphiques par pigeon-voyageur sont consultables sur Gallica.

Augustin est affaibli par de longues semaines de rationnement, par les rigueurs de l’hiver exceptionnellement froid, il n'a pas pu se remettre de sa bronchite, il décède en avril 1871.

D’avril 1871 à 1880,

Zélia écrit à sa belle-sœur Virginie; dix-huit lettres sont conservées.

Virginie lit celle du 6 janvier 1880, elle meurt le 17 janvier.

À partir de ce moment, Zélia écrit très fidèlement à ses nièces Marie et Angèle, les lettres sont partagées par les deux sœurs, cependant Marie semble l’interlocutrice privilégiée.

Marie a classé et rangé soigneusement les courriers qu’elle a reçus, ainsi que la correspondance de sa mère Virginie. Ces documents ont été transmis aux enfants de Jeanne.

Zélia entretient un échange moins intime avec Jeanne, épouse de son neveu Honoré. La première lettre conservée est datée du 13 janvier 1868, elle répond aux vœux de Nouvel An de Jeanne. 

Dix ans plus tard, en août 1878, Zélia félicite Honoré pour les succès de ses fils. Zélia a soutenu les jeunes, elle les a hébergés au cours de leurs études à Paris, ensuite elle les a reçus lorsqu’ils séjournaient dans la capitale.


À partir de janvier 1880, jusqu’en 1913,

La correspondance avec ses neveux et petits-neveux sera plus fournie et conservée régulièrement.

Zélia écrit plus souvent à Jeanne, qui a gardé 67 lettres. Jeanne veuve depuis 1886 élève seule ses huit enfants, Zélia s’intéresse à la vie de chacun. L’aîné, Jean travaille à Paris, il est ami proche de ses deux cousins.

Tout au long de l’année 1889, Zélia invite tous ceux de sa famille à venir visiter l’Exposition Universelle à Paris. Elle se réjouit de leur accorder l’hospitalité lorsqu’ils peuvent loger dans la chambre d’amis chez elle.

La Tante Zélia me donne des nouvelles de nos ancêtres directs qu’elle recevait aussi chez elle. Je regrette qu’ils n’aient pas conservé et transmis la correspondance qu’elle a pu leur adresser. Elle m’a appris à mieux les connaitre en partageant ses impressions à leur sujet.

 

Dans ce ChallengeAZ, différentes lettres de Zélia ont fait l’objet de plusieurs billets :

C_  Condoléances

H_  Hospitalité

J_  Je

P_ Pigeon-voyageur

R_  Répondre

S_  Santé

B_  Bienvenue Bébé

Y_  voYage

2022-11-29

Y _ voYage

 

Cette voix traverse les âges et nous invite au vo Y age.

Lorsqu’un des membres de la famille s’éloigne, les lettres s’échangent. Les voyageurs racontent les péripéties du parcours, ils décrivent les lieux visités, leur regard apparaît souvent très intéressant. On peut leur répondre poste restante, pour leur donner des nouvelles de ceux qui restent à la maison.  



Suivons les traces laissées par Zélia, et embarquons pour un voyage dans son époque.

Le 21 septembre 1884,

Hambourg, les bassins de l'Alster 1850 

Zélia et son fils Gabriel sont arrivés à Hambourg. Ils effectuent un voyage touristique depuis une quinzaine de jours; alors, Zélia qui tient la plume pour écrire à ses nièces n’a guère trouvé le temps de se poser devant l'encrier et le papier à lettres. Le trajet a été mené tambour battant. Gabriel a tellement envie de parcourir l’Europe pour découvrir la modernité des villes industrielles.

L’écriture de Zélia est celle d’une femme cultivée, soucieuse de partager ses impressions. Elle a recours aux nombreux adverbes et aux qualificatifs qui sont devenus des clichés. Pour communiquer son enthousiasme, elle répète que le lieu lui paraît un des plus beaux, les villes sont splendides, ravissantes, attrayantes

Selon l’usage au XIXe siècle, les points-virgules marquent une petite pause à la fin de phrases longues, on s’arrête plus rarement sur un point suivi d’une majuscule. J’aimerais reprendre mon souffle avec une ponctuation d’aujourd’hui.




Le voyage qu’elle raconte dans cette lettre témoigne d’un rythme intense que Zélia préférait plus tranquille, mais Gabriel, jeune et dynamique a envie de visiter l’Europe. Alors, sa mère âgée de 56 ans et en bonne santé se montre capable de s’adapter.



Chère Marie,

Quand je songe que je voulais vous écrire à Uriage, et que me voilà à Hambourg avant que j'ai pu trouver une minute pour vous donner des nouvelles, cela me met devant les yeux, le côté triste des voyages de en plus rapides qu'aime à faire Gabriel; il voudrait je crois voir l'Europe entière en quelques semaines; depuis 16 jours que nous sommes partis, Nous avons visité la Belgique et la Hollande, en nous arrêtant dans toutes les villes où il y avait à voir la moindre chose, nous avons vu souvent deux villes le même jour de 8h du matin à 7 h. du soir. Nous ne nous arrêtons souvent que pour manger; il m'est arrivé d'être bien lasse le soir, mais une bonne nuit me remet.

Je n'entreprendrai pas le récit de notre voyage, il serait trop long, et le temps me manquerait; Je vous dirai simplement, que de toutes les villes que nous avons vues, beaucoup selon moi étaient insignifiantes, mais, Bruges en Belgique, Anvers, m'ont beaucoup intéressée, Rotterdam, La Haye surtout, sont deux villes ne ressemblant à aucune autre; Nous avons vu en Hollande, une petite ville, Arnhem, qu'on ne va voir que pour ses environs, mais ce sont les plus beaux de la Hollande et nous avons visité un des plus beaux parcs que nous ayons jamais vus; j'ai pris un plaisir infini à Arnhem, qui est la dernière ville que nous ayons vu en Hollande, à part Münster, nous n'avons vu encore en Allemagne que de grandes villes industrielles, que Gabriel admire beaucoup, mais qui me laissent froide. Hambourg est une ville ravissante, la plus attrayante peut-être de toutes.

Nous sommes admirablement bien logés; nous avons une vue splendide de nos chambres sur les bassins de l'Alster; qui ressemblent à deux grands lacs bordés d'arbres splendides; de notre hôtel, on pourrait se croire en Suisse; il y a vraiment des villes bien privilégiées. Nous partons demain pour Berlin qui nous plaira probablement moins qu'Hambourg, c'est ce que je vous dirai quand nous aurons le plaisir de vous voir.

Je désire bien avoir de vos nouvelles mes chères nièces, et je n'ose pas vous dire de m'en donner à Berlin, dans la crainte qu'elles n'y arrivent après notre départ. Ce sera plus sûr de nous adresser votre lettre à Dresde; [...]

Mais si vous ne pouviez écrire que plus tard un jour ou deux après, le 28 par exemple, adressez votre lettre à Nuremberg; mais j'espère trouver une lettre de vous à Dresde, et je vais l'y attendre impatiemment. [...]

 

 J'accompagnerais volontiers Zélia et Gabriel, s'ils m'invitaient à voyager en leur compagnie... 

 



2022-11-28

X_ Expéditeurs et destinataires impatients



Élisa espère régulièrement des messages de sa fille Virginie. Dans chacune de ses lettres, plusieurs lignes sont consacrées à exprimer cette attente.




Le 17 août 1834

« Je commençais à avoir bien besoin d’une de tes lettres, Ma Chère Virginie » 

 

Mardi 12 août 1851

Il y a neuf jours que Virginie n’a pas envoyé de courrier. Même si Élisa a reçu le 9 août une lettre de son petit-fils Honoré et des nouvelles par Pacôme, la tristesse l'envahit.




« Je prends la plume aujourd’hui, Ma Chère Virginie, mais ce n’est pas avec l’intention de faire partir cette lettre. Je suis trop peinée de ton long silence. Je ne veux pas finir d’écrire sous cette impression. Elle te porterait ma tristesse. Comment as-tu pu rester si longtemps sans t’occuper un seul jour de ta sœur et de ta mère ? Oh je sais bien que ta pensée a été avec nous. Mais cela ne pourrait nous suffire. Voilà aujourd’hui neuf grands jours que je n’ai pas un mot de toi. C’est déjà si cruel d’être éloignées. Comment ne pas chercher à adoucir cet éloignement ? »

 

Le mercredi suivant, la lettre tant attendue arrive.

« Nous sommes accoutumées maintenant à tant de vitesse qu’une lettre nous paraît très en retard lorsqu’elle nous reste deux jours en route »

 

Ch. Veret, La lecture de la lettre,  1840


La dimension du réseau épistolaire s’étend au-delà du destinataire mentionné dans l’adresse.

Elle englobe la famille proche, les cousins que l’on salue, les amies ou les relations dont on donne des nouvelles…

 « La correspondance est destinée à être lue, d’abord par le destinataire, par sa famille à qui il ne manquera pas de transmettre intégralement ou qu’il racontera en partie. » explique l'historienne Arlette Farge. 

 



« Je ne puis dire à mes trois chers enfants le plaisir qu’ils m’ont procuré en m’écrivant»

Les « trois chers enfants » sont ses deux filles : Suzanne âgée de 7,5 ans, et Virginie 19 ans qui a épousé Joseph il y a juste un an. (Joseph est le frère de notre sosa 93).

« Ma petite Suzanne m’a écrit une lettre tout-à-fait jolie et dont je suis bien contente. Je vais la montrer à toutes ses tantes… qui m’en feront bien des compliments. »

Dans le tableau ci-dessus, La lecture de la lettre, observons tous les personnages, notamment les deux hommes dans l'ombre, et l'on ne sait pas qui peut se cacher derrière les paravents. Alors, l'expéditeur.trice ne doit pas oublier de rester discret.e. 

 


2022-11-26

W_ Wagon

 

Les débuts du chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon.




Le 9 octobre 1825, Jean G. écrit à sa fille Eliza (la destinataire de la belle demande d’Honoré qu’elle a acceptée). Il lui raconte le voyage effectué avec sa mère et sa sœur. En allant voir son frère, ils se sont arrêtés à Saint-Etienne.  




"Ces dames ont vu à St-Etienne un modèle en nature du chemin de fer de cette ville à la Loire, dont on parle tant : c’est une chose fort simple et fort curieuse ; elles te l’expliqueront de vive voix."

 


Commencée en 1826, sous la direction de Marc Seguin, cette ligne connaît plusieurs modifications de tracé et d’aménagements tout au long du XIXe siècle.

En avril 1832, le chemin de fer est mis en service pour le transport des marchandises et le 1er octobre, les passagers peuvent l’emprunter entre Saint-Étienne et Lyon.

Les wagons étaient tirés par des chevaux jusqu’en 1844, époque à partir de laquelle la locomotive à vapeur va les remplacer. Le trajet est plus rapide, mais on déplorait des accidents, car les passants inconscients du danger circulaient au bord de la voie de chemin de fer.

 🚂

 

Locomotive dans la nuit, Beysson 


Le 3 novembre 1863, la tante de Montbrison invite ses neveux.  

Elle avait épousé en 1817 François le frère de Jean. Jeanne Marie avait alors 26 ans et François 47 ans. Veuve depuis quinze ans, mais sans enfant, elle a gardé des relations privilégiées avec les petits-enfants d’Eliza dont elle apprécie les visites.

Honoré, qui porte le nom de son grand-père, va donc se rendre à Montbrison chez son arrière-grand-tante pour lui présenter sa jeune épouse. Jeanne et Honoré se sont mariés six semaines auparavant, le 24 septembre 1863 à Lyon.  

La vieille dame est âgée de 73 ans, elle compte sur l’indulgence de Jeanne lui demandant de ne pas s’effrayer de ses infirmités. Son écriture tremble parce qu’elle a mal aux doigts.

Elle s’inquiète et donne des conseils avisés pour le voyage.

 

Montbrison, 3 9bre 1863.

Ma chère nièce

Si vos jeunes gens conserve le projet de venir bientôt en Forets* je les prix instament de ne pas voyager de nuit sur le chemin de fer

vous savez combien il y a eut d’accidents funeste il y a environ deux mois sur cette fattale voie

qu’il parte donc au grand jour et recommendé leur de ce bien vétir à cause des fièvres et de l’humidité

Si leur projet de me faire une visite d’une heure a changé à cause des jours si cour

Honnoré connait le gite il sait que j’aurais des lits à leur offrir

et quand ils seront ici si je n’ai rien à leur offrir on ira trouvé Chanu qui comme traiteur est toujours fourni

Je vous embrasse tous affectueusement

 

*Montbrison se situe dans le Forez.

   

2022-11-23

T_ Timbres





Les premiers timbres poste de France ont été émis à partir du 1er janvier 1849. Il s’agissait de deux timbre-poste non dentelés d’une valeur de 20 centimes.


Par ballon monté

Le timbre le plus ancien et le plus rare que j’ai pu numériser est collé sur cette feuille de papier pelure. Il a été envoyé par ballon monté lors du siège de Paris, le 28 Xbre 1870.

 

Une étourdie

Jane est un peu étourdie, elle souhaite la fête de Thérèse avec un mois d’avance. Ses lignes s’écrivent dans tous les sens. 

Elle a signé et elle a collé son timbre au recto, mais c’était admis par le facteur qui l'a bien oblitéré.


La guerre sera déclarée  

Ces cartes envoyées par l’arrière grand-père sont spéciales dans l’histoire. Regardez la date : 1 juin 1914. Fabien se trouvait en congrès à Berlin pour organiser la venue des médecins allemands lors de l’Exposition internationale qui devait se tenir à Lyon, du 1er mai au 1er novembre 1914. Ceux-ci ont bien assisté à l’inauguration, mais ils ont dû rentrer précipitamment en Allemagne, à cause de la déclaration de guerre.

 




Les timbres ont été l’objet de collections et la fâcheuse habitude de les découper, de les décoller et de jeter l’enveloppe a pour conséquence qu’ils sont séparés du contexte. Il aurait été préférable de laisser les lettres dans leur enveloppe qui indique le cachet de la poste, cela serait bien utile lorsqu’elles ne sont pas datées.



Maman a commencé avec ses collègues de travail, une jolie collection de timbres. Elle m’a appris à observer en détail les informations apportées par ces petites pièces de papier. Mon fils s’est intéressé à la philatélie lorsqu’il était très jeune. Je continue à ranger dans une boîte les plus jolis timbres que je reçois.

 

Avez-vous constitué une collection de timbres ?


2022-11-22

S_ Santé


La santé est un sujet omniprésent dans toutes les correspondances. L’expéditeur commence généralement par s’enquérir de son destinataire et prend ensuite le temps de donner des nouvelles de chacun.

La bonne santé est primordiale, car on ne sait guère soigner les malades. Il faut espérer être robuste pour survivre. Au fil des lettres, Zélia nous annonce la mort de plusieurs de ses amis ou des connaissances de son entourage. Les décès de deux de ses petits-enfants apparaissent particulièrement émouvants.

Elle se préoccupe des maladies graves qui attristent la famille, mais aussi des affections passagères qui pourraient générer des complications alarmantes.

 

Le 2 janvier 1892, Zélia constate que la grippe sévit « à Lyon comme à Paris ».



« J’espère bien que vos grippes seront toutes en décroissances quand ces quelques mots te parviendront ; Je vois que l’épidémie, qu’on se plait à appeler influenza et que je préfère nommer de son ancien nom, sévit à Lyon comme à Paris ; Je connais quelques familles entières qui sont au lit de cette mauvaise grippe. Monsieur Mangini en est très souffrant, et son mauvais état de santé habituel rend plus grave chez lui cette maladie.

Jusqu’à présent Denis et les siens vont bien. »


Caillebotte, jour de pluie 


Zélia reste prudente et ne s’aventure pas à sortir dans les rues humides de Paris lorsqu’il pleut.


« Je vais toujours assez bien de ma gorge ; je sors peu à pied avec ces temps de pluie ».


La santé de Zélia a donné des inquiétudes à sa famille en 1912, elle réussit à se remettre d'une congestion pulmonaire. 





Elle meurt en 1913, à l’âge respectable de 86 ans.  

 


2022-11-21

R_ Répondre

 

Toute lettre mérite réponse

c’est une recommandation du savoir vivre. Vous l’a-t-on dit ?


Renoir, 1895-1896 


Le rituel d’écriture prend place dans un cadre codifié : Envoyer – Recevoir.

La correspondance fonctionne dans la logique du don et du contre-don. Dans un souci de bonne entente, chacun sait où il en est. 

« Je te dois une lettre ». 

Zélia tient la plume et les comptes de ses correspondances avec chacune de ses nièces, directes ou par alliance, lesquelles n'oublient pas de lui répondre fidèlement. 

 

Envoyer

Les correspondances reposent sur un besoin de communiquer, de maintenir des relations familiales et amicales.

Pour honorer le contrat, il faut maintenir l’échange continu de lettres. Même si l’on a peu de choses à raconter, le désir et le plaisir d’écrire sont mis en avant.


19 janvier 1900

 Recevoir

Quel un plaisir de recevoir des lettres ! Il est évoqué dans la plupart des réponses. Alors que le contenu de la dernière lettre reçue n’est pas toujours mentionné.


L’attente

L’échange est ponctué par le silence, durant l’intervalle de l’attente de la réponse.

Parfois, Zélia rédige la réponse le jour même.

 


Si le retour n’est pas immédiat, il convient de s’en excuser, pour que Jeanne ne le prenne pas pour du désintérêt.



Il arrive même que les lettres se croisent tant est grand le souci de communiquer.




D’autres fois, le retour se fait attendre plus longtemps, au point d’oublier qui est redevable d’une lettre.

« Je ne sais depuis le temps que nous ne nous sommes écrit, laquelle de nous deux doit à l’autre une lettre ; …. »



Entre 1880 et 1913, Zélia a envoyé 364 lettres à ses nièces (qu'elle tutoie) et 67 lettres à l’épouse (qu'elle vouvoie) de son neveu. Ou du moins, ce sont les pages que leurs descendants ont conservées. 



2022-11-19

Q_ Quotidien

 

Écrire des lettres passait pour une activité féminine quotidienne. La femme, assumant son rôle de gardienne du bon ordre de la maison, s’occupait de maintenir les liens entre les membres de la famille, en particulier avec ceux qui vivent au loin.


V.Hammershoi, Intérieur avec une femme lisant une lettre, 1891.

Les différents corpus que j’ai pu lire et numériser montrent des lettres qui ont été jugées dignes d’être conservées. La plupart sont composées par des femmes. Les hommes écrivaient eux aussi, toutefois leur style et les thèmes ne présentent pas la même tonalité.


Une écriture féminine

Comme des petites chansons légères et douces, tristes à cause de l’éloignement du destinataire, les refrains reviennent de lettre en lettre.

Les correspondances parlent de tout et de rien. Souvent, l’expéditrice écrit qu’elle n’a rien à dire…

On voit ici ce qui remplit ces correspondances :



La météo demeure le sujet incontournable dans la plupart des lettres.

Marie a tenu un journal météorologique inutile, mais touchant, ce cahier est conservé dans les archives familiales.

Un dimanche d’août 1865, Angèle restée à Lyon, raconte à sa sœur Marie :

« Il pleut à grande verse. Tiens ! voilà le tonnerre, décidément c’est un orage. Pourvu que vous n’ayez pas ce temps-là »




Elle décrit ses activités :

 « Aujourd’hui, j’ai fait une lessive considérable, et demain, je passerai ma matinée à repasser. »

« J’ai été aux Vêpres, nous sommes restées au chapelet. […] alors je suis rentrée, j’ai préparé le dessert. »




Les confitures

Le 1er juillet 1893, Zélia confie à ses nièces :

« Je suis bien occupée dans ma maison ces jours-ci ; je renouvelle toutes mes provisions de confiture, je fais réparer toutes les petites choses détraquées dans l’appartement, je veux encore faire ramoner mes cheminées, et faire mettre le gaz à ma salle à manger et il me faut compter sur Gabriel pour rien. »

Et la semaine suivante,

« J’ai sur le feu des confitures d’abricot que je veux un peu surveiller »



 

Au XIXe siècle, des femmes épistolières.

Il est intéressant de lire C Dauphin qui a étudié un sujet proche du mien dans Une correspondance familiale au XIXe siècle[1].

« L’écriture prend place dans le temps plein des femmes, parmi les autres occupations reconnues. » (p.178).

On disait à cette époque : « Les femmes sont naturellement douées pour écrire des lettres… »

C. Dauphin (p.116) dénonce le stéréotype de la femme épistolière.

« À quelques nuances près, l’écriture de lettres devient un devoir prescrit à toutes. Puisque les femmes, par incapacité naturelle et par respect pour les mœurs ne peuvent avoir accès à la littérature et à la science, ou sinon à titre exceptionnel, puisqu’elles doivent éviter de briller dans ces domaines, il ne leur reste que la correspondance pour exercer leurs talents. 

Comme elles sont par ailleurs “attachées presque exclusivement pendant le cours de la vie aux devoirs modestes et sacrés de la famille”, la correspondance devient une tâche obligatoire de la maîtresse de maison au même titre que l’éducation des enfants, la direction des domestiques ou la visite aux pauvres. Il s’agit moins d’ailleurs d’exercer des talents littéraires que d’entretenir les relations de parenté et de cultiver les conduites de civilité. »

Dans les familles bourgeoises, les femmes sont éduquées pour écrire, mais ce rôle se retrouve aussi dès que la maîtresse de maison est capable de s’exprimer par écrit.

Une étude de Valérie Feschet [2] met en évidence le rôle des lettres dans la cohésion du groupe familial lorsque les frères et sœurs émigrent de la campagne vers la ville.

Ces ouvrages m’ont aidée à comprendre les correspondances qui font l’objet de ce challenge.

 


[i] Cécile Dauphin, Pierrette Lebrun-Pezerat, Danièle Poublan, Ces bonnes lettres. Une correspondance familiale au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1995.

[ii] Valérie Feschet, S’écrire en famille, des sentiments déclinés : la correspondance rurale en Provence alpine au XIXe siècle in La correspondance. Les usages de la lettre au XIXe siècle, sous la direction de Roger Chartier, Fayard, 1991.