2025-11-26

W_ VeuVe

 

Tout était en désordre dans sa maison, dévasté, brisé. Comme elle-même, depuis la mort de son mari.

Jeanne Marie vêtue d’une robe de soie noire, un châle de dentelle sur les épaules s’assit dans un fauteuil couvert de bourre de soie chinée, les larmes lui brouillaient la vue. Elle eut de la peine à se reconnaître dans le grand miroir poussiéreux au-dessus de la cheminée; pâle, les traits tirés, abattue par le chagrin, elle avait perdu sa splendeur passée.


Mon mari a été la victime de la fureur des satellites de l’infame Robespierre. 

Ces hommes violents, armés comme des révolutionnaires, sont entrés dans leur maison, portés par leur colère. Il aurait fallu leur expliquer que nous n’étions pas si différents d’eux, pensa-t-elle. Pierre Antoine était épris de justice, et même s’il défendait ses privilèges il faisait partie du tiers-état. Certes privilégié, mais prêt à demander plus d'égalité.

Qu’allait-elle devenir maintenant que son mari était mort ? Guillotiné injustement, avec tant d’autres citoyens innocents.

Elle ouvrit un tiroir de sa commode et prit un des mouchoirs de batiste pour s’essuyer les yeux.


Parmi les papiers épars qui jonchaient le salon, elle ramassa des lettres que lui avait envoyées Pierre Antoine.


Si tu répugnes à venir icy, et que tu redoutes les embarras d'un nouvel établissement, tu attendras qu'il soit formé et je te laisse la maitresse de rester à Lyon puisque tu crois qu'on ne peut pas être heureux ailleurs. 
 

Elle regrettera toute sa vie cette fatale erreur de n’avoir pas accepté de s’installer dans la maison qu’il avait achetée à Annonay, l’année dernière en mars 1793. Il pressentait le danger, ils auraient dû fuir Lyon.

Annonay, rue de Charmenton _ Wikipédia

Que faire à présent ?

Pierre Antoine lui aurait dit : Va voir nos amis. Demande-leur de t’aider. Je sais que tu peux compter sur eux.

Jeanne Marie avait fait une liste de ceux qu’elle appréciait. Elle fit appel aux magistrats compétents pour récupérer ses biens. Il fallait produire des documents, des certificats, des témoignages, faire des réclamations pour les meubles et objets saisis.


Son contrat de mariage la protégeait, sa dot était importante. Son époux avait prévu de lui donner une rente pour assurer des revenus en cas de veuvage. Elle va devoir rassembler ses forces et sa détermination pour continuer à vivre seule.

Réparations

Sa maison a été occupée par des gens de guerre, elle a besoin de réparations. Beaucoup de choses ont été cassées, les portes ne ferment plus, il faut changer les clés, réparer les vitres.



 Lorsqu’elle aura récupéré de l’argent, elle pourra organiser sa vie et essayer de continuer. 





2025-11-24

Violons


Les Barou possédaient cinq violons et une harpe, et une liasse de papier musique, selon l’inventaire fait en leur maison à Lyon. Ils gardaient sans doute d’autres instruments de musique dans leur château du Soleil.


Pierre Antoine jouait du violon. Qui touchait la harpe, est-ce lui ou peut-être Jeanne Marie ?

Il savait reconnaître les bons interprètes. Invité chez les Tott à Paris, il apprécie d’écouter Sophie qui joue fort bien de la harpe (source)

Sophie, dans une lettre à Jeanne Marie, laisse entendre que P.A.B. tiendrait parfaitement sa place dans un orchestre, ce qui témoigne de son excellent niveau de violoniste.

 Je fais beaucoup de musique; elle n'est que vocale pour moi, mais y a un fort bon orchestre, et je pense souvent que votre cher époux auroit du plaisir et en procureroit aux autres s'il était de la partie. Rappellez moi  je vous prie à son souvenir, en lui disant mille amitiés pour moi. Adieu ma très aimable amie, je vous embrasse et je vous aime de toute mon ame.                                                  Sophie de Tott


 Un Stainer 

Le 2 avril 1784, il achète un violon qu’il paye 600 livres. Le vendeur lyonnais lui garantit que l’instrument est un original de Stainer et certainement pas une copie.

Les violons de ce luthier autrichien passaient pour les plus réputés de cette époque. Les meilleurs solistes en possédaient un.

Facture du Stainer 2 avril 1784

Monsieur Barou prend soin de ses violons. Alors qu’il est en déplacement à Paris, il repère un artisan qui pourrait confectionner un étui pour l’un des siens. Il demande à sa femme de le lui apporter pour qu’il aille parfaitement à sa mesure.


Au concert

Sortie de l'Opéra

Lorsqu’il se trouve à Paris, il va au concert le soir. Très souvent. Il en donne ensuite le compte-rendu à sa femme, dans les lettres qu’il lui adresse trois ou quatre fois par semaine. 

Lettre écrite un dimanche soir, en août 1782

« Je reviens du Français [..] on nous a donné Pygmalion. Monsieur le premier violon de l’orchestre s’est avisé de changer la musique de Cognet [sic = Horace Coignet] pour la sienne aurait aussi bien fait de la respecter et Cognet triompherait à l’entendre. »…

 

Cette œuvre dont il déplore l’interprétation par le premier violon, il l'a entendue à une représentation à la Comédie-Française à laquelle il a assisté en compagnie de sa sœur et son beau-frère. Il la connait bien, car son histoire lui parle. Horace Coignet a composé la partition de Pygmalion, une pièce lyrique de Jean Jacques Rousseau. Coignet a rencontré Rousseau le 13 avril 1770, il a ensuite été reçu chez les Claret de la Tourrette. Pierre Antoine, en tant qu’ami de ceux-ci, avait entendu le récit de cette rencontre, à moins qu’il n’y ait assisté. Il a évidemment entendu Coignet l’interpréter au violon.

18 juin 1783

« Quant à la scène de Pirame et Thisbé […] c’est une froide et fade imitation du Pigmalion de Jean Jacques. » 

En toute familiarité dans cette lettre à sa femme, il appelle J.J.Rousseau par son prénom.

 

Chanter au coin du feu

A propos d’un chanteur Italien nommé Stella:

12 avril 1785

Récit d’« une expérience singulière […] la seule chose un peu gaie dans tous ses tours de force, c’est le ridicule de son chant quand il a voulu improviser en musique ; je croirais un peu m’entendre, quand j’improvise au coin du feu » 


Regardons cette scène : Pierre Antoine Barou du Soleil reçoit dans sa maison, la fraîcheur de la soirée est réchauffée par la chaleur de l'amitié, ses amis l'entourent rassemblés autour de la cheminée. On parle, on philosophe, on refait le monde, on chante, P.A. improvise.  Jeanne Marie sourit. Ils sont heureux.


Voir aussi :

Nos amis

En son Hôtel

Au Soleil


2025-11-23

U_Une amie originale

 « J’ai rencontré Melle de Tott elle est plus belle qu'elle n'a jamais été. »

Sophie de Tott 1785 par Vigée Le Brun, via Wikimedia Commons

Ce portrait, par son amie Elisabeth Vigée Le Brun, a été peint cette année-là. 

Il semble pourtant qu’ils étaient en froid, puisqu’il précise : « Elle dit qu’elle est toujours notre amie ».

Voila la brouille apparait terminée !  

Ils parlent du mariage de la sœur de Sophie. Justement, l’avant-veille, Marie Françoise a épousé René de Kermanguy, le 10 mai 1785.

Voici ce qu’en disait P.A dans une précédente lettre, le 2 mai 1785.

« Mimica de Tott épouse la semaine prochaine le comte de Kermingui noble breton, à qui elle apporte en dot 80000 livres »…

Je peux déjà vous dire que Marie Françoise se trouvera veuve l’année suivante et se mariera plus tard avec François duc de la Rochefoucault. 

Quant à une plus jeune sœur : « Kléraki n’a pas voulu épouser un vieux major de place et la voilà dit-on confinée au couvent ». 

Revenons à Sophie qui est soulagée d’avoir raccommodé leur amitié avec les Barou.


« Elle me dit qu’elle craignait bien d’avoir perdu notre amitié ; qu’elle avait bien des torts avec nous ; qu’elle en était si honteuse qu’elle n’avait jamais osé cherché à les réparer, en t’écrivant, mais que ses regrets devaient lui faire trouver grace. Je t’avoue qu’elle s’accusait de si bonne foi que je lui aurais pardonné pour mon compte à moins de frais » …

« Et si ce que l’on dit est vrai, elle s’est immolée pour donner une existence à ses sœurs, et soutenir celle de son père. Au surplus, elle ne prend plus au Chevalier qu’un intérêt de pitié »…

Charles Pougens by Wikipédia

Sophie a connu le Chevalier Charles de Pougens à Lyon. Il était reçu chez les Barou, c’était une période particulièrement difficile pour lui, car il perdait la vue à la suite d'une épidémie de petite vérole.

Dans ses mémoires, il confie la qualité de l’accueil de Barou du Soleil dans son hôtel.

Une autre personne qu'il rencontra pour la première fois, ce fut M. Barou du Soleil, avocat du roi à la sénéchaussée de Lyon et membre de l'Académie royale de cette ville, homme d'un mérite éminent et qui sut bientôt apprécier celui du jeune chevalier. Il conçut pour lui un tel intérêt, un attachement si tendre, qu'il l'engagea à venir occuper un appartement dans son hôtel, situé place de Bellecour. Là il lui prodigua, ainsi que sa vertueuse compagnie, les soins les plus touchans. Hélas ! cet homme de bien, ce véritable philanthrope, tomba victime de la révolution sous le règne de terreur, et ce fut un des chagrins les plus vifs qu'éprouva le cœur sensible de M. de Pougens.

source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9603587v/f223.item.r=%22Barou%20du%20soleil%22.zoom

Pougens homme de lettres, cultivé a étudié, la musique, les langues, la peinture. Sophie et Charles ont été passionnément amoureux, mais le père de Tott n’a pas permis le mariage.

Barou est resté ami avec le Chevalier dont il parle fréquemment.

Lorsqu’il séjourne à Paris, il se rend très souvent chez les Tott qui ont cinq filles, remarquables par leur charme et leur beauté.

L'aînée, Sophie « che hanno rifiusato molte propozioni » est une artiste. « Elle joue fort bien de la harpe ». Elle peint avec talent des portraits de personnages célèbres. Elle fréquente la cour à Versailles. Elle émigre en Angleterre, elle voyage.   

Selon Férenc Toth (https://doi.org/10.3917/dhs.055.0670:

Elle appartenait à la catégorie des « femmes exceptionnelles » qui dès la fin de l’Ancien Régime commencèrent à sortir du cadre de la société traditionnelle. 

Sophie de Tott en bacchanale, par Vigée le Brun 1785


 


2025-11-22

T_Traduire

 

Polyglotte, Pierre Antoine, parlait couramment anglais et italien. Dans les lettres à son épouse, il glisse des mots tendres dans ces langues.

La plupart terminent par un envoi de " kisses

 ou "addio cara mia"

En italien

La lettre du 1 mai 1780 est écrite en italien. Pierre Antoine y a pris un grand plaisir, cela laisse entendre que sa femme lisait cette langue. Comment l’avait-elle apprise ? Peut-être, son mari, pour partager des moments agréables, conversait-il avec elle ainsi.

« Tu as sûrement reçu de moi cara mia consorte le due lettere, ch’io t’ho scritto »…


Jeanne Marie lui répond en italien. Comment a-t-elle appris cette langue ? Je soupçonne Pierre Antoine de lui proposer des conversations pour pratiquer avec lui. Il essaye de l’encourager avec indulgence pour ses petites erreurs.

« Ho rucevuto, cara mia consorte, la tua lettera in Italiano, te ne ringrazio et benche vi siano alcuni sbagli, pero si prco dire, che pauca …»

Amateur d’opéras, musicien et mélomane, cet homme cultivé comprenait l'italien qu’il écrivait naturellement avec style. Langue de lettré, d’homme sensible, charmeur qui lui convenait.

Il effectua un long voyage en Italie et en Sicile, de novembre 1768 à mai 1769, l’année précédant son mariage. Il était en compagnie de Claret de la Tourette et Cléricot de Janzé (compagnon d’infortune puisqu’il fut guillotiné le même jour que lui, le 13 décembre 1793).

Le Grand Tour constituait un voyage d’éducation des jeunes gens. On peut imaginer ce périple dans les villes incontournables, pour voir les monuments, les musées, les sites indispensables à la culture.

Pierre Antoine a pu pratiquer la langue lors de rencontres, notamment auprès de séduisantes Italiennes; nul doute qu’il a pris du plaisir à fréquenter ces belles.

En anglais

En 1783, il voyage avec un ami de Paris à Londres. La traversée de Calais à Douvres dure dix heures. Le 1er juillet, il partage cette description de Londres.  

« Nous nous lançames dans cette ville immense, ses abords, la grandeur et l’uniformité des rues, la propreté des maisons, le mouvement perpétuel sans désordre et sans cris, lui font donner au premier coup d’œil la préférence sur Paris ; mais dans les détails, Londres ne peut pas entrer en concurrence par la partie des monuments. »

Il ne manque pas de parler de la mode à Jeanne Marie « Au reste les femmes sont vêtues comme vous l’étiez toutes il y a deux ans. »


 

Traductions

Pierre Antoine Barou a effectué plusieurs traductions en prose ou en vers d'ouvrages anglais :Tristam Shandy en 1781, des fragments de Sir Hugh Blair en 1786 etc. 

Le dictionnaire

Barou est nommé commissaire, avec Vasselier, par l'Académie de Lyon, pour réviser le dictionnaire français-anglais et anglais-français préparé par M. Bruyset, éditeur.

L'examen par les commissaires est très positif, et Claret de La Tourette, secrétaire perpétuel de l'Académie, certifie leur rapport.


En espagnol

Il achète un diccionario della lingua castellana qu’il paye 54 livres.

Pierre Antoine a pu voyager en Europe, je me demande quels pays il a visités, et s’il était accompagné de son épouse.

 Voir aussi :

Kisses



2025-11-21

S_ au Soleil

 

Les Barou du Soleil aimaient séjourner au Soleil dans leur propriété au sud de Beynost, le château se trouve à une vingtaine de kilomètres de Lyon.

Nous sommes déjà en Bresse, le plateau de la Dombes s’incline au nord de la commune. La Dombes avec ses étangs est une région d’herbage, où les poissons et l’élevage prospèrent. Les oiseaux migrateurs y font escale.

Aujourd’hui la ville s’étale dans la campagne d'autrefois, les Barou seraient surpris de voir la circulation sur l’autoroute, d’entendre le passage des trains sur la voie ferrée qui va de Lyon à Genève, de découvrir un centre commercial, des habitations, et même un lotissement nommé « Château du Soleil » ainsi qu’un projet de nouveaux logements. Le long du Chemin du Château du Soleil, il y a un stade, un terrain de football, un skate parc, cela les étonnerait s’ils revenaient sur « leur terre du Soleil ». 

Suivons l’allée de la Tour, puis l’impasse de la Tour. Cette haute tour à créneaux est attenante à une maison fortifiée du XIVe siècle.

Vestiges du château du Soleil_(Beynost)_
Benoît Prieur, CC0, via Wikimedia Commons.

Revenons plutôt au XVIIIe siècle, lorsqu’Antoine Barou achète le domaine pour son fils. 



La seigneurie du Soleil appartenait jadis à la famille Grolier.

Un certain Nicolas Grolier, capitaine de Lyon au début du XVIIe siècle, était connu comme le capitaine du Soleil.

Roch Fourrat l’acquiert pour 66 000 livres en 1745 et le revend à Barou le 4 mars 1767 au prix de 134 400 livres, réalisant ainsi une belle plus-value même si la livre avait perdu de sa valeur. Barou en prit possession le 7 décembre 1767.

Lorsque Pierre Antoine se marie le 9 mars 1770, Antoine donne à son fils unique, dans son contrat de mariage, la somme qu’il a payée pour cette acquisition.

9 mars 1770


Pierre Antoine se fera appeler Barou du Soleil, en ajoutant ainsi le nom de sa propriété. Il était courant que les bourgeois adoptent l’usage d’un patronyme allongé de leur domaine. Barou aurait pu prétendre à la noblesse, grâce à sa charge de procureur, s’il avait pu l’exercer pendant vingt ans. Au grand regret de son épouse, cela ne lui a pas été accordé, puisque son office à la Cour des monnaies avait été supprimé. Elle a bien tenté d’en faire la demande en 1785, mais l’époque était moins propice aux privilèges. La Révolution est arrivée avec une grande violence à Lyon. 

Barou a été arrêté puis guillotiné en décembre 1793. Ses biens furent saisis.

La terre du Soleil a été confisquée par la Nation et vendue en pièces détachées.

Madame Barou en racheta une partie « par élection d’amis », elle réussit à reconstituer 60 hectares, soit les deux tiers de leur domaine avec le château.

Sa nièce en hérita dès son mariage avec le comte de Chaponay. Celle-ci le donna à sa fille Jenny (Jeanne Françoise Christophorine) lorsqu’elle épousa son cousin Alfred de Chaponay, le 6 décembre 1831. Jeanne Marie s’éteignit un mois plus tard, le 9 janvier 1832, à l’âge de 82 ans. Elle a pu être satisfaite de voir la transmission du domaine du Soleil qui lui tenait à cœur.

Jenny et Alfred n’ont pas eu d’enfant, elle vendit le domaine en 1841.


carte postale de 1900

Pierre Antoine et son épouse ont aménagé leur Soleil.

Jeanne Marie y séjourne volontiers, même lorsque son mari est absent.

Elle s’occupe des plantations, et des réparations en avril 1785.

 « Je te suis obligé de t’occuper de mes réparations au Soleil, Elles sont nécessaires même indispensables, et le plus tôt sera le mieux. » lui écrit-il de Paris cette année-là.

22 avril 1785

Pierre Antoine pense à l'aménagement du parc :

 « Je t’ai dit que j’avais commencé mon cours de jardin anglais »

21 mai 1785


Herboriser

Naturaliste, passionné de collection de plantes pour ses herbiers, Pierre Antoine aimait herboriser avec sa femme ou ses amis botanistes.

Le Côtière de la Dombes bénéficie d’une exposition très favorable. Elle abritait autrefois un biotope remarquable constitué de quantités de plantes méditerranéennes.


Orchis papilionacea 
pilularia globulifera

Non loin de chez lui, au cours de ses sorties botaniques, Pierre Antoine Barou avait découvert plusieurs espèces rares : l’Orchis papillionacéeainsi que plusieurs plantes aquatiques rares telle la pilularia globulifera


Voir aussi : 

Herboriser


2025-11-20

R_ Robes et mode de Paris

 

Monsieur du Soleil serait-il ébloui par les élégantes de Paris ? Il a promis à son épouse de rester sage. Alors, il les observe et décrit pour elle leurs manières et leurs tenues.

Robe à la lévite
collections.louvre.fr/ark:/53355/cl020577881

Si elle veut s’habiller à la mode de Paris, il lui rapporte les conseils de leur amie Sophie de Tott, 21 mai 1780 :


« Aie soin de te faire faire des lévites, les femmes icy ne portent pas d’autres robes, mais elles se sont perfectionnées puisque la taille est plus marquée, et qu'on y ajoute la petite bouffante ».

La robe à la lévite, droite et souple, plissée à l’arrière, s'orne d'un col châle qui met en valeur la gorge des belles élégantes, réchauffée par la soie et à peine cachée par la dentelle.

Mise à la mode par la reine Marie Antoinette en 1778, elle passe pour une tenue simple et agréable à porter. Elle est adoptée par les coquettes Parisiennes., comme cette jeune femme.


Pierre Antoine tenait à ce que sa femme fasse partie des élégantes de Lyon.

10 avril 1785

« Tu m’as demandé les modes ; celle qui m’a frappé, c’est de voir les caracos revenus sous le nom de robe à la Suzanne. Les femmes vont ainsi vêtues au spectacle ; en petites loges. Les cheveux du toupet rabbatues, presque sur les sourcils, les faces ramenées à moitié des joues, et le menton enfoncé dans un fichu bouffant qui couvre toute la poitrine ; des femmes sans gorge, à grand front, au menton pointu et aux joues creuses ont sans doute inventé cette mode, cette mode que les plus raisonnables pourtant n’ont pas encore adoptée. »

 Le caraco est une veste à manches longues avec des basques sur les hanches, dégageant le devant de la jupe. Le caraco à l’anglaise ou à la Suzanne est mis à la mode, c’est la tenue de Suzanne la servante du mariage de Figaro.


Jeanne Marie possédait plusieurs vêtements qu’elle faisait confectionner par une tailleuse :

Robe à la sultane.
Une robe prune, une robe jaune, 

une robe rose, une robe noire.

Des robes en taffetas, des robes de coton, des robes de linon, des robes en satin. 

Cinq robes en soie, 

Une indienne de plusieurs couleurs 

avec leurs jupons.

27 cols blancs

Une robe à la sultane.


Pour une robe en taffetas blanc, elle a payé 54 livres de tissu et 8 livres de façon, auquel la couturière a ajouté des rubans, des galons, et aussi des padoux, ces rubans de fil et de soie sont fabriqués à Lyon. Les dentelles sont l'ouvrage des dentellières du Velay (peut-être de mes aïeules). 

Les mercières lui fournissent des mètres de rubans, galons, franges, la quantité parait étonnante. Mais, si l’on observe les robes de cette époque, on remarque que c’est un détail indispensable au bas des jupons.

https://collections.louvre.fr/

J’aimerais beaucoup voir un portrait de Jeanne Marie Durand, vêtue de ses belles robes.



2025-11-19

Q_Qui composait cette assemblée à l'Académie

 

Les assemblées de l’Académie de Lyon se tenaient le mardi, dans le salon rouge de l’Hôtel de Ville. Dénommé salon Henri IV, à cause du portrait placé au-dessus de la cheminée, c’était donc le salon des portraits. Ces personnages bien sombres, accrochés sur les murs, représentaient les échevins aux habits noirs et en col blanc. Ce salon de la Nomination était un lieu emblématique dans lequel avait lieu la cérémonie de l’élection des consuls.


L’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts était alors installée depuis 1726 dans ce salon où se tiennent ses séances publiques. Ce lieu parait confortable, réchauffé par une cheminée imposante, éclairé par de grandes fenêtres encadrées de lourds rideaux en tissus blancs pour tamiser la lumière et mettre en valeur la polychromie du plafond.

Lorsqu’on lève les yeux, on est impressionné par le plafond peint par Thomas Blanchet, une allégorie, représentant l’Éternité, les Parques et les Vertus, intitulée L’éternelle fidélité de Lyon à la royauté.

 

Th. Blanchet, L’éternelle fidélité de Lyon 


Pierre Antoine Barou est admis le 3 juillet 1770 dans la section des belles-lettres et arts de l'Académie de Lyon. En 1776, il est choisi pour être le directeur de cette institution lyonnaise.

S’il nous invitait à une séance, nous pourrions rencontrer « les savants, les lettrés, tout ce qu’il y avait à Lyon de beaux esprits ou d’esprits curieux. » Nous pourrions entendre Barou qui lisait des « Réflexions sur les qualités et les vertus sociales, une dissertation sur la sensibilité dans les arts, la littérature et les divers emplois de la société et, en 1788, un discours sur l’Esprit public. »…

Autour de lui, sur les fauteuils de velours cramoisis, siègent des hommes érudits, élégants, ravis de se trouver dans ce salon, en bonne compagnie. La plupart sont ses amis, ils sont souvent cités dans sa correspondance, ces hommes se reçoivent dans différentes occasions avec leurs épouses. Ils se rencontrent à Lyon ou à Paris.

Lors des réunions de l’Académie, les membres communiquent sur leurs recherches, ils montrent leurs projets, ils mettent au programme des sujets de dissertation philosophiques.

On discute de littérature, des sciences, des belles-lettres, de politique, de l’évolution de la société, des arts, du bon goût. Mille thèmes les passionnent et chacun en propose de nouveaux.

L’Académie organise les expériences d’aérostats. Le peuple lyonnais a pu assister à l’envol de montgolfières en 1784, Le Flesselles, nommé en l’honneur de Jacques de Flesselles le 19 janvier dont la préparation de l’événement a été confiée à Pierre Antoine Barou. Quelques mois plus tard, le 4 juin 1784 le ballon La Gustave a battu des records sous les ovations de la foule.

Ces messieurs s’intéressent à la flore du Lyonnais, discutent de la création de jardins botaniques, de l’école d’agriculture.

On admire les dessins de la future église Sainte-Geneviève que l’architecte Soufflot va construire à Paris. On essaye d’imaginer avec Perrache ce que pourrait devenir le quartier encore marécageux de la Confluence à Lyon.



Marc Antoine Claret de la Tourette (1729-1793), botaniste, installe le jardin botanique de l’école vétérinaire. Secrétaire perpétuel de l’Académie.

Jean Emmanuel Gilibert (1741-1814) homme politique, médecin, professeur, botaniste, directeur du jardin des plantes de Lyon.

Abbé François Rozier (1734-1793), agronome, directeur de l’école d’agriculture de Lyon.

Antoine Michel Perrache (1726-1779), sculpteur, ingénieur, urbaniste.

Jacques Germain Soufflot (1703-1780), architecte, notamment de l’Hôtel-Dieu de Lyon.

Jacques de Flesselles (1730-1789), intendant de Lyon de 1767 à 1789.

Jacques Millanois (1749-1793), avocat, homme politique, député du Tiers-Etat. Il s’intéresse au magnétisme.

Il y avait aussi l’ami Vasselier, poète; ainsi que Bruys, Pierre Suzanne Deschamps.