2022-11-16

N_ Noces

 

Enthousiaste et plein d’espoir, Honoré va faire sa demande au père d’Eliza.



Le 10 octobre 1813, il prépare le brouillon de sa lettre ; très concentré, il pèse ses mots, réfléchit, écrit, rature, et ne peut se retenir de sourire.  

 « Monsieur et respectable ami, »

Un peu formel, mais la formule semble convenir. Jean est-il l’ami d’Honoré avant d’être son futur beau-père ? Tous les deux sont avocats. Jean est deux fois plus âgé que lui ; Honoré a 26 ans et la fougue d’un jeune homme amoureux. 

Quelques lignes plus bas, il ose « Monsieur et tendre ami » et il termine avec ces mots : « Je vous embrasse bien tendrement et suis votre respectueux ami. »   

C’est une correspondance d’hommes, même si Eliza est concernée, elle ne sera avertie que plus tard.

Eliza n'a que 18 ans, Honoré apparaît très séduisant, bien sûr, elle s’empressera de l’accepter pour époux. 


Les sentiments

« Faites-lui part de mes sentiments ; il me serait trop doux de penser qu’elle peut les partager. »



« faites agréer à Mademoiselle Eliza mes sentiments de l’estime la plus douce ; ayez la bonté de lui dire que je lui offre mon un cœur [ligne barrée] plein de vous, de votre estimable compagnie, plein d’elle-même et que je ne puis lui offrir rien de plus cher. »



Le souci de la conscription

« Il circule ici des bruits de conscription fâcheux ». La mère d’Honoré s’inquiète, c’est elle qui lui a demandé d’en parler à Jean. Il est évident qu’un mariage arrangerait la situation de son fils.


Une alliance entre deux « affaires d’intérêt ».

« Si nous assurions notre alliance, cela ne vous gênerait nullement pour ce qui regarde nos affaires d’intérêt, vous auriez le même loisir de vous en occuper. Ayez la bonté d’y réfléchir et de m’en dire votre pensée ».

Honoré s’exprime avec assurance, il connait les affaires et parle d’égal à égal avec son futur beau-père qui personnellement, m’aurait fort  impressionnée par son autorité, son intelligence et sa position sociale.


Homme doux et sensible, Honoré a tenu sa promesse de rendre sa femme heureuse. Sa fille Virginie lui était très attachée. Deux siècles plus tard, sa famille conserve de lui le souvenir d’un ancêtre bon, mort trop jeune, et apprécié par ses qualités.


Le coffret d'Honoré


Réponse de Jean G. le futur beau-père, le 20 octobre 1813.

« Votre lettre en date du 10, ne m’est parvenue que le 18, et a été reçue avec un grand plaisir". Dès la première ligne, Honoré est rassuré, malgré l’attente un peu trop longue.



Jean se comporte en père attentif, soucieux de ménager la tranquillité de sa fille. Il ne lui a pas encore annoncé la demande. Cependant, il se montre confiant.

« Ses sentiments pour vous nous sont assez connus : plus d’une fois, ils ont échappé à sa candeur. En nous disant oui, elle ne nous apprendrait rien. Peut-être convient-il de lui laisser encore quelques jours, et jusqu’à votre première apparition, la paix de l’âme. Sa maman au reste en jugera. »

Alors qu’il semble enclin à précipiter les noces, Jean laisse sa femme décider, et lui même reste en retrait pour quelques jours. D’ailleurs, il fait preuve d’une grande délicatesse envers le futur couple.

« Je ne sais point encore si nous ne vous réserverons pas le plaisir de dire à Eliza le premier mot qu’elle doive entendre sur nos projets.»

La conscription

Le mariage pourrait être une solution pour éviter la conscription, même si le jeune homme n’est pas immédiatement concerné. Il reste préservé en tant que fils unique de veuve puisque son frère est mort "à la suite des armées".

« Le mariage au reste vous affranchirait sans doute de tout autre appel ». Jean estime important qu’il soit programmé au plus vite.

 

L’affaire se trouve rondement menée, un mois jour pour jour après la réponse du père, la noce est célébrée le 20 novembre 1813.

7 commentaires:

  1. Quels documents incroyables ! Ce sont de vrais trésors !

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  2. Beaucoup de délicatesse, de prévenance dans les termes employés, les usages

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  3. C'est vraiment incroyable ces documents. Surtout que la demande a aboutie, ce qui n'est pas toujours le cas. Une cousine de ma grand-mère restée "vieille fille" a découvert à plus de 60 ans, à la mort de sa mère, le courrier d'un jeune homme qui demandait sa main et qu'elle avait tant espéré. Mais il n'avait été jugé un assez bon parti ...

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    1. Quelle tristesse! Une vie gâchée tout çà du fait que le jeune homme n'était pas un assez bon parti, soit-disant.

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    2. Apprécions la chance de vivre au XXIe siècle et d'avoir la liberté de choisir son conjoint !

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  4. Pour eux, ce fut un mariage réussi. Eliza et sa famille ont été très heureux. La tristesse fut immense lorsqu'Honoré mourut à l'âge de 41 ans. Les descendants de sa fille Virginie m'ont prêté le coffret d'Honoré contenant cette magnifique lettre.

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